N°49 - hiver 2016 - La conquête de l'espace

unedu49Couverture dessinée par KRST
 
 
P.2 Edito - La comédie urbaine
Après des mois sous pression, les jeunes exilé.es qui campent depuis l’été 2015 au parc des Olieux dans le quartier de Lille Moulins sont dégagé.es le 23 novembre dernier. Dans la foulée, le site est grillagé pour dissuader toute réinstallation. La mairie est parvenue à ses fins et le parc va redevenir une aire de jeux pour enfants avec balançoires et tourniquets. Vingt jours plus tard, le collectif des Olieux organise une manifestation de soutien dans le quartier qui se conclut par l’ouverture d’une maison vide. Sur le fronton du squat, un slogan peint comme un coup de gueule : « Partout chez nous ».

p.3 Sauvons Saint-Sauveur
La friche Saint-Sauveur est un espace libre de 23 hectares au cœur de Lille. Aubry veut y construire une ville dans la ville, exploiter chaque parcelle de terre pour y ériger logements, bureaux et commerces en tous genres. Un projet titanesque de plus, du béton sur du béton, dans une métropole qui étouffe déjà. Mais pourquoi ne pas y faire un espace de friche autonome laissé aux habitant.es ?
 
p.4-5 Exil à Calais : fin de partie ?
Octobre 2016, la destruction du bidonville de Calais et l’expulsion de ses habitant.es se déroulent dans le « calme » sur fond d’état d’urgence et de surenchère électoraliste. Le spectacle « humanitaire » est à son comble, savamment mis en scène par le gouvernement avec le concours d’une foule de journalistes convoquée et accréditée pour l’occasion. Cette destruction est l’épilogue d’une stratégie plus globale déployée depuis plusieurs mois sur le territoire visant à criminaliser les réfugié.es. Les dispositifs territoriaux, juridiques et policiers se referment aujourd’hui sur celles et ceux qui n’ont pas accepté la solution de l’État comme sur tou.tes les autres qui sont monté.es dans les bus à destination des « centres d’accueil et d’orientation » (CAO). Reportage sur les cendres encore fumantes des camps de la lande de Calais.
 
p.6 Hébergement : la machine infernale
Le système d’hébergement et de réinsertion sociale dresse d’innombrables obstacles au relogement des personnes sans abri. Plutôt que de leur proposer des solutions durables et descentes, élus, administrations et gestionnaires de structures alimentent un système qui dissimule la pénurie. L'offre insuffisante de logements est remplacée par une obscure mécanique de gestion de la misère. Pour comprendre cette machine infernale, il faut d’abord s’intéresser à comment elle broie les personnes à la rue, privées des ressources nécessaires pour la dézinguer.
 
p.7 Management social, le naufrage
Depuis trois ans, plusieurs structures d'hébergement de la métropole sont entrées en conflit avec leurs directions. Dans l'une d'entre elles, la nouvelle direction a pour objectif de réduire les 500 000 euros de déficit. Les postures humanistes ne résistent pas aux effets désastreux du management social.
 
p.8 L'errance, un marché peu porteur
Lille fourmille de jeunes vivant dans la rue. Plus ou moins visibles, aux parcours plus ou moins chaotiques, ils et elles sont suivi.es par des professionnel.les du social et de la prévention, les éducateurs de rue. Parler de la prévention, c’est révéler l'urbain, le bitume, l'attente, les discussions et le temps long. Mais pour les gestionnaires des politiques sociales, ce secteur est un vivier non rentable. Des éduc' résistent à cette logique.
 
DOSSIER p.9-13
L'émancipation sous contrainte
Depuis 2014, la ville de Lille expérimente les « marches exploratoires » par des femmes en non-mixité dont l’objectif est de favoriser les prises de parole des femmes dans l’espace public. Chouette, qu’on s’est dit : une initiative organisée par la mairie pour parler entre femmes de sexisme, pourquoi pas ? Après enquête, entretiens et tout le tintouin, on a un peu déchanté : tout n’est pas à jeter mais force est de constater que le résultat est un peu moins reluisant que sur la plaquette. Longue est la route vers l’égalité !
 
Des femmes pour l'excuse sécuritaire
Il a bon dos, le « plan de lutte national contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun » ! Ou comment une occasion de « bien faire » se transforme en opportunité de « faire bien ». À Lille, dans le secteur des deux gares, une marche participative a lieu courant novembre. Mais ce n’est ni notre sécurité effective, ni même un entrebâillement émancipateur pour les femmes que recherchent in fine les entreprises qui l’organisent, Keolis, la SNCF et la SPL Euralille. L’objectif suprême, c’est d’attirer davantage de clientes. Sans surprise.
 
Mixité : l'égalité déchante
Édith Maruéjouls est chargée de mission « égalité » au sein de la mairie de Floirac, commune girondine de 16 000 habitant.es. Elle contribue à définir et à mettre en œuvre une politique d'égalité dans les pratiques de loisirs entre hommes et femmes. Elle a soutenu en 2014 une thèse en géographie du genre intitulée « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes. Pertinence d'un paradigme féministe ». Elle évoque dans cet entretien son travail sur les inégalités réelles entre les sexes et aborde plus particulièrement le cas des espaces de loisir des jeunes, terreau de ces processus.
 
p.14 Page de pub pour les anti-pubs
Depuis cet été, une bâche d'une centaine de mètres carrés fait tache sur le fronton du musée des Beaux-Arts : réclame pour une entreprise de précarisation de livraison de repas à vélo, promotion d’un 4 x 4 bien polluant durant l'installation du nouveau plan de circulation, matraquage pour un nouveau smartphone aux gadgets inutiles. De la publicité tout le temps, n'importe où, pour n'importe quoi pour nous pousser à l’achat compulsif. Mais l'association Résistance à l'agression publicitaire (RAP) mène la fronde.
 
p.15 À l'ombre des regards
La Brique a fait la rencontre de sœur Dide Ascalie, militant à la fois pour le couvent des Sœurs de la perpétuelle indulgence de Lille et de l'association les Amis des jardins. On ne peut pas dire que les membres de l'association aient la main particulièrement verte. On fait plutôt dans le butinage sensuel dans les parcs. Si ces pratiques peuvent être vues d'un mauvais œil, les Amis des jardins existent justement pour couper le sifflet aux mauvaises langues criant à l'atteinte aux bonnes mœurs. De toute façon, « l'outrage aux bonnes mœurs » a disparu du droit français.
 
p.16 Ilep : le gâchis socialiste
Pour celles et ceux qui y ont travaillé ou suivi des cours, la fermeture de l’Institut lillois d’éducation permanente (ILEP) est un vaste gâchis. Après quarante ans de bons et loyaux services et des milliers de personnes formées, l’ILEP a définitivement fermé ses portes cet automne. Pour les dernièr.es salarié.es, l’ILEP n’est pas que la victime collatérale d’un marché désormais concurrentiel, mais aussi l’histoire d’un abandon politique et un énième exemple des compromissions socialistes.
 
p.17 Pargneaux l'apparatchik
Président depuis 2002 de l'institut lillois d'éducation permanente (ILEP), Gilles Pargneaux est mis en cause dans la gestion douteuse de l'organisme de formation. Gestion qui mène à sa liquidation et au licenciement de 52 personnes. À La Brique, on connaît bien l’inénarrable soudard du Parti socialiste, c’est que l’animal est connu par les militant.es et élu.es PS de la région pour ses frasques.
 
p.18-19 Le houille, une usine à gaz
À la fosse d'Oignies, le 20 décembre 1990, les mineurs effectuent une dernière extraction de houille. Elle marque la fin de l'exploitation charbonnière du Nord-Pas de Calais. Ces deux siècles d'exploitation minière ont laissé un paysage indéniablement remodelé, des taux de maladies et de cancers largement supérieurs à la moyenne nationale et un chômage record. On pensait que cette histoire d'exploitation du sol et des hommes était bel et bien enterrée, que les leçons du drame avaient été tirées. Mais c'était sans compter sur quelques têtes dures aux dents longues pour rouvrir, outre nos cicatrices, les sous-sols.
 
p.20 Linky : ampère et contre tous
Un peu partout en France, les boîtiers jaunes d’EDF s’installent par millions, sans rien demander à personne. Sur les paliers, dans les halls d’immeubles ou au fond du couloir à droite, les nouveaux compteurs Linky scrutent notre consommation électrique quotidienne. Pas d’inquiétude, nous dit-on, ils sont « intelligents » : ils sont là pour notre bien et celui de la planète. Et accessoirement pour celui des groupes industriels et de tous ceux qui lorgnent sur nos données les plus intimes.
 
p.22 J'ai fait de l'art
Paris, gare du Nord, 22 h 30. La réunion de chantier quotidienne est terminée. Je traîne au pied des préfabriqués, sur ce petit parking coincé entre les voies SNCF et la gare routière RATP, en attendant de commencer le boulot. En attendant mes collègues, aussi. Ce lundi 15 novembre 2015, le zèle post-attentat de la police française tend à ralentir quelque peu la circulation.
 
p.23 Poulet grillé
Le mouvement social du printemps dernier nous a rappelé comment les flics et les RG servaient le maintien de l'ordre social établi. Côtoyé durant le mouvement contre la loi travail, la non-discrétion du RG que nous avons repéré relève presque du tragi-comique.
En manif' ou lors d'actions militantes, l'agent Nicolas Fehring se pointe en chemise aux couleurs éclatantes, la mèche brossée... bref, une lampe torche dans les yeux des militant.es. On avait peu d'infos sur lui : fiché par le site Copwatch sous le nom de Ken, il livrerait facilement des informations sur ses collègues. Une fois n'est pas coutume, ce sont des flics qui nous ont balancé des infos sur lui : il est élu d'opposition à droite dans sa commune d'Anzin.
 
p.24 Poésie illustrée par Aris

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