Auteur de deux romans qui font désormais partie des incontournables de la science-fiction française, La Zone du Dehors (1999, puis 2004 pour la version remaniée, Ed. La Volte) et La Horde du Contrevent (2007, Ed. La Volte), ainsi que d’un recueil de nouvelles intitulé Aucun souvenir assez solide (2012, Ed. La Volte), Alain Damasio résiste résolument aux dispositifs de contrôle qui balisent nos existences, au travers de l’anticipation politique.
Les quelques essais – très largement repris et diffusés – qu’il a commis sur l’« Intolérable » qui nous saccage insidieusement ou encore sur le cas d’Edward Snowden (La rage du sage, 701 000 heures de garde-à-vue), ont le mérite de rappeler aux cuistres qui mépriseraient la science-fiction – ce genre si peu « noble », n’est-ce pas ? – qu’il n’est plus temps de raisonner savamment, mais de frapper les imaginaires. Il est question de « voir » et de « s’inventer » ; ce n’est qu’à cette condition que nous ouvrirons les brèches, que nous occuperons les failles, que nous investirons les brisures, dont notre « puissance de vie » dépend.
Dans un subtil dialogue avec les auteurs qui lui « parlent », qui l’innervent même, il nous ballade ici dans les ramifications d’une pensée critique, diablement troublante, puisqu’elle nous parle de ces niches du quotidien dans lesquelles nous consentons de loger, (numériquement) enchaînés.
Ami lecteur, amie lectrice, n'aie crainte. Certes, le propos est dense, la prose épineuse, le style, tortueux. Mais lire du Damasio, c'est un peu comme s'offrir pour la première fois l'épaisse euphorie d'une bière trappiste – et cueillir son petit goût fleuri de reviens-y. Entretien, pour toutes les révoltes à venir, par deux amis de La Brique.