« Salut les copains-pines de la Brique. Encore un livre ! Et oué, entre deux journées d'usine je m'emmerde. J'espère que cet envoi gracieux me vaudra une putain de pub ! Je sais, je suis un crevard. -Éric- » C'est donc par ces mots de crevard qu'Éric Louis nous a gentiment dédicacé son nouveau livre intitulé "Mes trente (peu) glorieuses" sous-titrées "Autoprolographie" aux éditions Les Imposteurs.
On vous a présenté Éric Louis en mars 2016, dans notre numéro 46. À l'époque sans grand espoir, il avait balancé un texte de trente-six pages comme on balance une bouteille à la mer à la presse alter française. Son style nous avait fait sacrément mouche et nous avions eu l'honneur de collaborer pendant une paire de numéros, redoutant sa malice mais toujours impatient.es de retrouver sa plume.
Dans des récits très toniques, Éric Louis décrivait ses journées de travail en tant que cordiste, métier difficile, côtoyant l'absurde des situations tantôt périlleuses tantôt bancales liées aux particularismes de cette profession.
Après notamment "Casser du sucre à la pioche", "Paupiette d'ouvrier à la vapeur", ou encore "Moment de Grâce à Pôle emploi", le ton est devenu soudain beaucoup moins drôle lorsque, Quentin, un de ses collègues, est mort d'un accident du travail à 21 ans. Ce n'était pas le premier, ni hélas le dernier.
Éric Louis a ensuite participé activement au collectif "Cordistes en colères, cordistes solidaires" pour organiser la profession, demander justice pour les morts du travail, délier les langues et faire changer les conditions de travail. Depuis Quentin en 2017, l'association a recensé 5 décès de cordistes partis dans les limbes.
Avec mes trente (peu) glorieuses, Éric Louis nous narre ses anecdotes des années 80 à nos jours sur le monde du travail. Vous pourrez lire ses mécanismes d'auto-défense pour faire baver ceux qui tentent de le mettre dans une boîte. Ce livre sonne comme une respiration et une source d'inspiration pour qui serait sous le joug des chaînes hiérarchiques.
Tout l'art d'Éric Louis est de se/nous libérer des liens de subordination et de rembarrer quiconque voudrait lui faire comprendre une certaine marche du monde : patrons, politiques, encravatés et autres relais de ce système de merde. La lecture de ce texte est un régal, Éric Louis partage avec générosité ses moments de délectation anti-cons. 10€ pour ça, c'est peu cher !
Harry Cover
Éric Louis, Mes trente « peu » glorieuses, Autoprolographie
Éditions Les Imposteurs, 2021,192 p., Prix : 10€ (hors frais de port)