Quand l’extrême droite rêve de faire école

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Dans « Quand l’extrême droite rêve de faire école, une bataille culturelle et sociale » publié en novembre 2023, Grégory Chambat, enseignant dans un collège des Yvelines et engagé chez SUD éducation, rappelle les desseins fascisants et autoritaires de l’extrême droite pour l’école. Une vision reprise aujourd’hui, du RN à la macronie, et contre laquelle l’auteur donne des outils pour lutter.

 

Une école pour les dominer tou.tes

Depuis sa fondation, l’école publique a eu pour fonction d’instituer un ordre scolaire garantissant l’ordre social et moral, visant ainsi à domestiquer les « classes dangereuses », mais surtout pas à les émanciper. En effet, toute tentative pour faire de l’école publique un bien commun dédié à l’émancipation des élèves, fut systématiquement combattue, autant par les pouvoirs publics que par l’extrême droite. On peut citer l’exemple de Freinet qui préféra démissionner suite à des pressions de l’Action Française, plutôt que d’accepter un autre poste.

Du côté de la droite réactionnaire, la question scolaire a toujours été centrale. Au départ il s’agit pour elle de réserver la « haute culture » aux élites, l’école primaire se bornant à donner aux classes populaires les connaissances de base pour être de bon·nes petit·es travailleur·ses et patriotes. À mesure que la durée de la scolarité obligatoire s’allonge, l’école publique est accusée par l’extrême droite de « bolchéviser » le peuple, à cause d’instituteurs et d’institutrices « pédagogistes », remettant en cause les inégalités considérées comme « justes » et « naturelles » par les réactionnaires.

 

L’école du faf

On pourrait croire que ces discours sont révolus ou cantonnés à des cercles très fermés. Pour l’auteur, il n’en est rien. En effet, depuis les années 1970, une partie l’extrême droite européenne appelée la « Nouvelle Droite » s’est lancée dans une une bataille des idées pour établir son « hégémonie culturelle ». Passant de la théorie à la pratique, l’extrême droite n’a de cesse de dénoncer dans les médias une baisse de niveau et une dégénérescence de l’enseignement public. Tout le monde en prend pour son grade : c’est la faute aux immigré·es, aux pédagogues, aux sociologues, aux historien·nes, à mai 68, aux syndicalistes, aux « wokes », aux pauvres, aux handicapé·es, aux « déviant·es » et aux « inadapté·es »...

L’extrême droite préconise des solutions radicales pour « redresser les corps, redresser les esprits pour redresser la nation » : fin du collège unique, mise en place des uniformes, salut au drapeau, licenciements massifs de professeur·es indociles, interdictions de livres jugés « obscènes », subventions massives vers l’enseignement privé… La liste est encore longue. Le plus grave est que ces idées infusent dans le camp macroniste et même chez une partie de ce qui se fait encore appeler la gauche, et dont les représentants mettent en place des politiques scolaires réactionnaires. On peut citer par exemple Blanquer invitant en 2020 les jeunes filles à adopter des « tenues républicaines » ou encore Attal interdisant les abayas à la rentrée 2023, jugées comme des « signes religieux ostensibles », sans trop en préciser la définition, ajoutant ainsi encore à l’arbitraire.

 

Les profs, dernier rempart ? 
Mon œil !

Dernier constat effrayant de ce livre : la progression accélérée ces dernières années des idées réactionnaires chez les professeur·es elleux-même. Ainsi lors de la présidentielle de 2022, selon le Cevipof, le vote RN dans les intentions de vote chez les enseignant·es atteint 10% au premier tour et 22% au second, un score qui a doublé en 10 ans ! Cette progression serait causée par le déclassement des enseignant·es, ainsi que par les effets dévastateurs du management moderne, menant au désespoir, au repli sur soi et à la recherche de solutions simplistes.

L’ouvrage se termine par plusieurs pistes pour résister à cette offensive des réactionnaires sur l’école publique : la création et l’entretien de solidarités entre les enseignant·es, les élèves et leurs familles pour une école du commun ; l’implication des enseignant·es dans d’autres combats liés à l’éducation (droit au logement, droit des exilé.es, inclusion scolaire, etc), l’action syndicale contre le fascisme à l’école, le combat pour une autre histoire ou pour d’autres pédagogies, et bien évidemment un combat culturel pour un retour à la lutte des classes dans nos discours. Sur ce dernier point, je dirais à titre personnel que nous n’avons aucun scrupule à avoir en tant que pédagogues en faveur du progrès social et humain, car l’éducation n’est pas neutre et ne le sera jamais, dire le contraire est au mieux de la naïveté au pire un mensonge, permettant à nos adversaires de prospérer.

Joseph

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