La première étape pour accéder aux places d'hébergement, c'est l'appel au 115. 8 h 30, un jour ordinaire, dans les locaux de la coordination mobile d’aide et d’orientation (CMAO)1. Le standard est ouvert depuis une heure et plus aucune place n’est disponible. « Parfois y’en a même pas avant l’ouverture » nous confie Mélanie, éducatrice du 115 dont le travail est de répondre aux demandeur.euses d’hébergement. Leurs demandes sont enregistrées et inscrites sur la liste d'attente2 transmise au service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO). Ce service est chargé de hiérarchiser les demandes pour traiter les plus anciennes. Lorsqu’une place se libère dans un foyer, il envoie des propositions de noms à l’association qui le gère pour que la personne qu’elle aura choisie occupe la place. Le SIAO c’est de la gestion deshumanisée de la misère. T’as un écran, une liste de noms, avec des informations qui datent parfois de 2012 ! Et avec ça tu dois décider qui aura la place. Dans ces conditions, « le critère de l’ancienneté est le moins arbitraire qu’on ait trouvé », nous dit Jérôme Rybinski, directeur de la CMAO. En huit jours, cette gare de triage des sans-abris peut recevoir les appels d’un millier de personnes cherchant à obtenir une des 3 000 places d’hébergement de la métropole. Le manque de lits est criant : « Le 115 laisse a minima 400 personnes par jour dans la rue. On fait de la gestion de la pénurie et du coup tu te retrouves à te poser la question du sens de ce que tu fais. J’ai vraiment des collègues en situation de souffrance professionnelle ! » déplore Jérôme Rybinski3.
L’Association Baptiste pour l’entraide et la jeunesse (ABEJ) et l’Accueil fraternel roubaisien (AFR) ont été les seules associations gérant des lits à ne pas jouer ce jeu des pouvoirs publics. « À vos risques et périls » menacent la préfecture et la DDCS, et si jamais des usagèr.es refusent de sortir sans solution, c’est pour ta pomme ! La structure devra gérer seule le conflit. Pendant ce temps, la plupart des gestionnaires profitent de places financées sans avoir rien à débourser pour accueillir le public qui reste à la rue.
2. Les demandeur.euses de places d’hébergement doivent renouveler leurs demandes téléphoniques une fois par mois. S’ils ne le font pas, ils sortent de la file active.
3. Voir Jérôme Rybinski, « Le projet associatif dans le bain gestionnaire », Lien social, 7 juillet 2016.
4. Voir « Samu Social. La politique du thermomètre », La Brique, n°31, mars/avril 2012.
5. collectif-sdf-lille.fr