Le mouvement social du printemps dernier nous a rappelé comment les flics et les RG servaient le maintien de l'ordre social établi. Côtoyé durant le mouvement contre la loi travail, la non-discrétion du RG que nous avons repéré relève presque du tragi-comique.
En manif' ou lors d'actions militantes, l'agent Nicolas Fehring se pointe en chemise aux couleurs éclatantes, la mèche brossée... bref, une lampe torche dans les yeux des militant.es. On avait peu d'infos sur lui : fiché par le site Copwatch sous le nom de Ken, il livrerait facilement des informations sur ses collègues. Une fois n'est pas coutume, ce sont des flics qui nous ont balancé des infos sur lui : il est élu d'opposition à droite dans sa commune d'Anzin.
Être RG1 et se rêver sous le feu des projecteurs, c'est une contradiction, comme Nicolas Fehring l’apprend à ses dépens le 26 avril dernier. Alors que les interluttant.es occupaient le théâtre du Nord, deux individus se font sortir manu militari. Camarade Fehring, démasqué, foutu dehors sans autre forme de procès : « Pas de RG en AG ». Joli spectacle offert par les intermittent.es2. S’enchaînent une suite de scènes grotesques : filtrage des entrées durant le meeting de Hé oh la gauche, participation active et serrage de paluches lors de la venue de Sarko au local des Rep’s... dont il soutient les intérêts. Fehring est partout mais surtout près des politiques.
Flic le jour, élu le jour
Depuis le début de sa carrière, Nicolas Fehring est très proche des milieux politiques de droite. Il commence en tant que garde du corps de l’ancien premier ministre Villepin. Et là, miracle, il devient « villepiniste de cœur ».
En 2014, notre flic sans uniforme se présente aux élections municipales d’Anzin. Après avoir fait le score de 6,16 %, il devient conseiller municipal divers droite.
Aujourd’hui Villepin est loin et le cœur de Fehring balance vers Bruno Le Maire. Sur ses profils Facebook et Twitter fleurissent quotidiennement de partages à la gloire du candidat à la primaire de la droite. Tout s’explique, il a gratté un poste de référent pour la campagne de Le Maire. C’est d’ailleurs depuis le début de la campagne qu’il a délaissé les bancs du commissariat pour chauffer ceux des meetings de Bruno.
Le bazooka sous l’oreiller
Bruno et Nicolas avaient tout pour s’entendre. Alors que le premier nous livre des bribes de ses souvenirs à l’armée – le bon temps, pas vrai ? – pour haranguer les foules, le second n’a de cesse de mettre en avant son passé – et présent – de policier et milite en faveur du port d’arme à feu pour les municipaux d’Anzin. D’ailleurs, les positions politiques sécuritaires clairement affichées de Fehring sont inquiétantes venant d’une personne en charge du maintien de l’ordre public. Pour lui, à Anzin comme ailleurs, « chaque policier en tenue est une cible »3 et doit porter un flingue pour se protéger. Pire, il crie au feu : « Je suis le dernier à espérer qu’il se passe quelque chose de mal, par contre le jour où ça arrivera, on ne pourra pas dire si on l’avait su on l’aurait fait ». La rhétorique politicienne ne vole pas bien haut. Sur son Twitter, il panique : « Au vu de la situation, le [président de la République] devrait, par décret, donner l’ordre aux policiers de porter leur arme en toutes circonstances ». Le mot-dièse #protégeonsnous condense sa névrose sécuritaire.
Un RG qui gazouille
Sur le net, sa manière de prendre position sur des grands sujets est ridicule. En géopolitique, le petit conseiller municipal s’adresse directement à Alexis Tsipras en mode pub Cofidis : « Message : "un crédit vous engage et doit être remboursé" ». Mieux, il lui donne des leçons : « Le FN soutient Syriza !? Les extrêmes prônent la politique du pire, l’échec et au final les violences, rouvrons nos livres d’Histoire ». Comment Tsipras était dégoûté. Sur les livres d’histoire justement, il nous livre une autre vision de la République, son employeur. « Le 05 mai 1821, il y a 194 ans, l’empereur s’éteint ! » Fehring regrette la disparition de Napoléon Ier et déclare à propos de Georges V : « C’est beau la monarchie parlementaire – une icône pour un peuple ». Outre ses expertises politiques passionnantes, ses pages sur les réseaux sociaux divertissent par un humour de grand style misogyne : « Un jour très proche les femmes domineront le monde, mais pas aujourd’hui, c’est les soldes ».
En fait, Nicolas Fehring est un flic réac' de droite qui aimerait s’immiscer dans les milieux du pouvoir. Pro-armes à feu, sexiste, bonapartiste ou monarchiste, carriériste, il oriente sa voile au gré des vents politiques, quitte à entretenir le flou entre son boulot et ses engagements politiques. Aux résultats du premier tour des primaires de droite, il a quand même réussi à convaincre cinq personnes de voter pour son Bruno. À la prochaine manif, le méchant mécheux saura à quoi s'en tenir. La boucle est bouclée, le ficheur est fiché.
Nicole Lapolys
1. Les RG n'existent plus depuis 2008 mais l'expression subsiste dans le langage populaire et militant.
2. Opération "Médef paye tes impôts" à Lille, La Brikolage, 29 avril 2016
3. Conseil municipal d'Anzin, 1er juin 2015.