Le bruit et l'odeur de l'industrie

dossier indus

L'été 2020 avec La Brique, on a fait un tour de la région pour observer ceux qu’on assimilait au monde d’avant : les ouvrier.es ! On ne finit pas de les enterrer et pourtant ils existent. Baladez-vous le long de L’Aa, la Lys, la Deûle, la Scarpe, l’Escaut (dans cet ordre-là), pour faire un grand tour de l’industrie du Nord. Vous croiserez peut-être, dans l’ordre, Lesieur, Astra Zeneca, Arcelor Mittal, la brasserie Goudale, la Cartonnerie de Gondardenne, Clarebout, Lesaffre, Thalès, Cargill, Bridgestone, PSA, Amazon, Nestlé, GSK, Ascoval, Toyota, encore PSA, SKF, Tereos, Stoelzle, Royal Canin… autant d’entreprises implantées très stratégiquement en bord de rivière, car l’eau est une denrée précieuse pour l’industrie.

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L'US Café de Steenwerck

Derrière ce nom qui sent le far-west se cache un bar éphémère installé sur un terrain au bord de l’A25. Des sièges et tables en palettes, un bar plein-air, des toilettes sèches : à mi-chemin entre le tiers-lieux et la ZAD, l’US Café apparaît depuis 2 ans pendant la période estivale grâce à un petit groupe de jeunes bénévoles, une bande de potes qui viennent du coin et qui se retrouvent ici l’été. Soirées à thème, concerts, et vente de bières, boissons, et sandwichs à prix libre. Rentable ? Une bénévole nous répond : « L’année passée, on s’était dit que ça avait bien marché. Cette année ça a encore mieux marché. Le prix libre fonctionne. » Au départ, les habitant.es du coin étaient « en panique » lorsqu’il fallait sortir « librement » son argent. Au final, ils s’habituent. Promouvoir la culture et les produits locaux ainsi que la solidarité et l’économie alternative est dans les clous de l’US Café depuis sa naissance : « en abordant de front la question des réfugié.es ou les problématiques écolos dans un tel village, on touche aussi des steenwerckois qui ne sont pas habitués de tels lieux ». Et un autre d’ajouter : « On plante des petites graines grâce à l’éthique du lieu, tout en étant très radical sur certains points. »

L'US Café, Steenwerck (59)

Ce fonctionnement utopiste repose quand même sur du bénévolat. Personne n’est payé dans cette aventure. Le lieu n’ayant pas de modèle économique normal, les artistes sont payé.es plutôt en don qu’en cachet. Cette année, le lieu a eu tellement de propositions (étant ouvert tous les soirs pendant l’été) qu’il a dû en refuser. « Quand les habitant.es ont demandé d’utiliser le lieu pour faire une assemblée contre l’agrandissement de la ferme-usine de poulets, on venait de terminer la saison, c’était très naturel de le prêter. »

Mais alors, pourquoi ce nom très mainstream ? L’Union sportive (US) Canettes est une équipe initialement créée pour un tournoi de foot du village. Quelques années plus tard, ça devient une association qui organise des cours gratuits, des ciné-débats, et des tournois de futsal. Puis ce bar alternatif a pris un nom qui y fait référence. Rien à voir avec les États-Unis, donc.

 

Pour l'été 2021, l'US Café ouvre le samedi 3 juillet à partir de 17h, puis de chaque vendredi au dimanche, au bout de la rue de l'impasse Notre-Dame des Victoires à Steenwerck. Aussi, il s'invitera à la Médiathèque de La Croix-du-Bac tous les mercredis, de 15h à 21h. La programmation est à retrouver sur leur site uscanettes.com.

Lire aussi : notre article sur la ferme-usine de poulets de batterie située à quelques km de l'US Café (à vol d'oiseau...).

Haubourdin : l'industrie au nez des salarié.es

La production de l'usine a déjà été arrêtée une dizaine de jours depuis l'annonce du PSE.  

Deuxième mois de mobilisation pour les salarié.es de Cargill Haubourdin (lire La Briquette « La France en feu, les réformes au milieu », janvier 2020). Pour rappel, le numéro 1 mondial de l'agro-alimentaire multimilliardaire prévoit 183 suppressions de postes sur 330 dans son usine d'Haubourdin. La réaction des salarié.es a été vive, et l'usine compte déjà une dizaine de jours d'arrêt de la production depuis l'annonce du « plan de sauvegarde de l'emploi ». La CGT, en figure de proue de la contestation, a fait appel à Fiodor Rilov, avocat des Goodyear, Continental, General Electrics, Samsonite... Il prévoit, comme à son habitude, de démonter le motif économique du licenciement massif. La date butoir de la fin des « négociations » a été décalée d'un mois, soit après le procès du 3 mars au Tribunal de grande instance de Lille. De quoi laisser un peu de temps aux ouvrier.es pour s'organiser contre leurs patrons radins.

D'ailleurs, les attaques ouvrières à l'ancienne ne manquent pas : le 7 février, un piquet de grève est organisé en soutien à Greg. Il est convoqué et menacé d'être réprimé « pour l'exemple » (il aurait soit-disant agressé le directeur qui squattait une assemblée du personnel, il a déjà pris trois semaines de mise à pied). Devant l'usine, on fait sauter la tête d'une marionnette dudit directeur à coup de pétard. À côté trône une effigie de Will Cargill (fondateur de l'entreprise, il y a 155 ans), dérobée dans le bâtiment administratif. « On ne négocie pas tant que vous ne l'enlevez pas de la potence » disait la direction. De 1865 à 2020, tout le monde déteste les patrons !

 

Cargill1 13012020

Cargill2 28012020

 

 

 

 

 

 

 

 

Cargill3 11022020

Cargill4 14022020

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cargill5 14022020

Cargill6 janvier février2020

Cargill : fleuron de l'industrie française ?

Chronique de grèveCargill, premier producteur agro-alimentaire mondial a une usine d’amidon à Haubourdin. Pour rappel, en automne 2019, la direction annonce une importante vague de licenciement (ou Plan de sauvegarde de l’emploi, PSE), au moins 180 emplois sur 330 sont concernés. Dès janvier, les ouvrier.es se mettent en grève dans un rapport de force très tendu, qui joue la stratégie du pourrissement face à une CGT plus que déter’ (blocages, piquets de grèves, interruptions de la production...)* ! Juste avant le confinement, les Cargill se rendent à de nombreuses reprises au Tribunal de Grande Instance de Lille pour invalider le PSE. Ils et elles sont assisté.es de Me Fiodor Rilov, connu pour avoir défendu les Goodyear pendant 13 ans (qui viennent de gagner, après une longue lutte), mais aussi les Samsonites, les Continental... Les audiences sont reportées à plusieurs reprises, mais la fin des négociations du PSE aussi.

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Bruits ou tapages injurieux, la répression continue

Suite à des manifestations en février et avril 2018, près de 10 personnes ont reçu une ou plusieurs amendes à leur domicile pour motif de « bruit ou tapage injurieux perturbant la tranquillité d’autrui ». Sans qu’ait eu lieu ni contrôle ni notification les jours concernés : du racket légal. L’autodéfense juridique lilloise a publié un article sur Indymedia Lille dénonçant des pratiques de répression qui n’assument pas leur aspect politique. On se questionne sur l’existence d’un fichage militant qui aurait permis aux flics d’identifier et de verbaliser ces personnes. Un an après les contestations, quatre personnes sont convoquées au Tribunal de police de Lille à un mois d’intervalle entre chaque audience - une manière d’individualiser la répression. Les dossiers donnent le détail du « tapage injurieux » : « CRS au zoo, libérez les animaux. »


CRS au zoo web

Peut-on dire « CRS au zoo, libérez les animaux » ?

Début novembre 2020, deux des personnes qui ont reçu des amendes en 2018, ne pouvant faire un simple appel de la décision du Tribunal de police dans cette juridiction, pourvoient en cassation pour déterminer si elles doivent payer 100 euros pour avoir dit la fameuse phrase. En cassation, un.e avocat.e-conseil demande à partir de 3000 euros, ça peut dissuader de plaider dans ce cadre là, et encore moins pour une banale amende de 68 euros. La Cour de cassation conclut en citant la Convention européenne des droits de l’homme et le code de procédure pénale qui n’auraient pas été respectés, et casse ainsi la décision des juges lillois.

Deux semaines plus tard, une autre personne passe (après tout le monde) devant le Tribunal de police pour les mêmes faits, mêmes dates, même slogan. La jurisprudence est plaidée mais le magistrat lui colle tout de même 100 euros d’amende.

D’autres personnes n’ont pas été convoquées pour le moment, mais on se demande si le même tarif leur sera administré malgré l’illégalité de ces verbalisations d’après la Cour de cassation. Jusque-là, elles auront permis à l’État de recevoir au moins 1400 euros (pour une quinzaine d’amendes en tout). Au racket légal d’une police zélée se substitue une illégalité maîtrisée, faussement ignorée, couverte par un Tribunal de police complaisant. Peu importe ce que dit la loi, quand on peut faire sa propre loi.

 Extraits du compte-rendu de le Cour de cassation

« Sans rechercher si la déclaration de culpabilité du chef de bruits ou tapages injurieux troublant la tranquillité d’autrui [du prévenu] ne portait pas une atteinte excessive à la liberté d’expression et à la liberté de réunion, le tribunal de police a violé les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

« Le prévenu participait, pour exprimer et soutenir des opinions de nature politique et sociale, à une manifestation pacifique sur la voie publique, au cours de laquelle, avec d’autres manifestants, il a scandé un slogan qui n’excédait pas les limites admissibles de la liberté d’expression, de sorte qu’une condamnation pour tapage injurieux ne constituait pas une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre ou à la protection des droits et libertés d’autrui, le tribunal de police a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. »

« La Cour casse et annule, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé du tribunal de police de Lille. »

Source : Cass. crim., 3 nov. 2020, n° 19-87.418.


Lire aussi :

- La Brique, « Qui est M. Gheeraert, directeur de police de Lille ? » [hors-canard], 08/12/2020.
- CLAJ, « Tapages injurieux : la répression innove... », Indymedia Lille, 09/05/2018.
- Lille Insurgée, « Aujourd'hui à Lille, tu peux être verbalisé.e pour avoir participé à une manifestation » [Facebook], 28/04/2018, et la réponse amicale du "Collectif de résistance à la sélection", « Répression et intimidation » [Facebook], 28/04/2018.

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