Bruits ou tapages injurieux, la répression continue

Suite à des manifestations en février et avril 2018, près de 10 personnes ont reçu une ou plusieurs amendes à leur domicile pour motif de « bruit ou tapage injurieux perturbant la tranquillité d’autrui ». Sans qu’ait eu lieu ni contrôle ni notification les jours concernés : du racket légal. L’autodéfense juridique lilloise a publié un article sur Indymedia Lille dénonçant des pratiques de répression qui n’assument pas leur aspect politique. On se questionne sur l’existence d’un fichage militant qui aurait permis aux flics d’identifier et de verbaliser ces personnes. Un an après les contestations, quatre personnes sont convoquées au Tribunal de police de Lille à un mois d’intervalle entre chaque audience - une manière d’individualiser la répression. Les dossiers donnent le détail du « tapage injurieux » : « CRS au zoo, libérez les animaux. »


CRS au zoo web

Peut-on dire « CRS au zoo, libérez les animaux » ?

Début novembre 2020, deux des personnes qui ont reçu des amendes en 2018, ne pouvant faire un simple appel de la décision du Tribunal de police dans cette juridiction, pourvoient en cassation pour déterminer si elles doivent payer 100 euros pour avoir dit la fameuse phrase. En cassation, un.e avocat.e-conseil demande à partir de 3000 euros, ça peut dissuader de plaider dans ce cadre là, et encore moins pour une banale amende de 68 euros. La Cour de cassation conclut en citant la Convention européenne des droits de l’homme et le code de procédure pénale qui n’auraient pas été respectés, et casse ainsi la décision des juges lillois.

Deux semaines plus tard, une autre personne passe (après tout le monde) devant le Tribunal de police pour les mêmes faits, mêmes dates, même slogan. La jurisprudence est plaidée mais le magistrat lui colle tout de même 100 euros d’amende.

D’autres personnes n’ont pas été convoquées pour le moment, mais on se demande si le même tarif leur sera administré malgré l’illégalité de ces verbalisations d’après la Cour de cassation. Jusque-là, elles auront permis à l’État de recevoir au moins 1400 euros (pour une quinzaine d’amendes en tout). Au racket légal d’une police zélée se substitue une illégalité maîtrisée, faussement ignorée, couverte par un Tribunal de police complaisant. Peu importe ce que dit la loi, quand on peut faire sa propre loi.

 Extraits du compte-rendu de le Cour de cassation

« Sans rechercher si la déclaration de culpabilité du chef de bruits ou tapages injurieux troublant la tranquillité d’autrui [du prévenu] ne portait pas une atteinte excessive à la liberté d’expression et à la liberté de réunion, le tribunal de police a violé les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

« Le prévenu participait, pour exprimer et soutenir des opinions de nature politique et sociale, à une manifestation pacifique sur la voie publique, au cours de laquelle, avec d’autres manifestants, il a scandé un slogan qui n’excédait pas les limites admissibles de la liberté d’expression, de sorte qu’une condamnation pour tapage injurieux ne constituait pas une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre ou à la protection des droits et libertés d’autrui, le tribunal de police a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. »

« La Cour casse et annule, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé du tribunal de police de Lille. »

Source : Cass. crim., 3 nov. 2020, n° 19-87.418.


Lire aussi :

- La Brique, « Qui est M. Gheeraert, directeur de police de Lille ? » [hors-canard], 08/12/2020.
- CLAJ, « Tapages injurieux : la répression innove... », Indymedia Lille, 09/05/2018.
- Lille Insurgée, « Aujourd'hui à Lille, tu peux être verbalisé.e pour avoir participé à une manifestation » [Facebook], 28/04/2018, et la réponse amicale du "Collectif de résistance à la sélection", « Répression et intimidation » [Facebook], 28/04/2018.

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