Merci Onet !
« Ca fait plus de quatorze ans que je travaille à la gare d'Agen, je fais le nettoyage des trains. J'ai toujours fait bien mon travail, j'ai toujours été présente, je m'absente jamais. J'ai toujours fait mon travail comme il faut, même quand le contrôle il passe, ils sont tout le temps contents de mon travail. Et un après-midi, j'ai traversé les voies pour gagner du temps, et, après, je me suis rendue compte que j'ai fait une erreur. Cette après-midi là, il y avait beaucoup de trains à faire et je voulais faire tous mes trains. Et c'est après que je me suis rendue compte que j'avais fait une erreur. J'ai traversé pour gagner du temps. J'ai reçu une lettre recommandée, c'était le 7 décembre, j'ai fait un entretien avec M. Loubet, le patron de l'entreprise, et il m'a dit qu'il va réfléchir et le 17 décembre j'ai reçu un licenciement. J'étais choquée, j'étais pas bien du tout, j'ai rien compris, j'étais perdue. Alors je suis rentrée chez moi en pleurant ».
C’est un choc pour Madame Gueffar, qui tremble, qui ne dort plus, ne mange plus, a vendu sa voiture, doit déménager, a perdu dix kilos, tourne aux anxiolytiques.
Mais c’est un choc également pour les cheminots du coin : « On a envahi notre CE régional, à Bordeaux, pour porter son cas, raconte Francis Portes, retraité cheminots et CGT. Je leur ai dit, aux gars : 'Que tous ceux qui ont déjà traversé les voies au moins une fois lèvent la main'. Ils l'ont tous levée ! Même les cadres dirigeants ! ».
Contactée, la SNCF botte en touche : « Nous n’avons pas d’expression sur ce sujet-là. C’est le choix d’une entreprise qui s’appelle Onet ».
Philippe Lhomme, lui, se fait grave :« J’ai eu un accident mortel. Un agent, un père de cinq enfants, qui s’est retrouvé coupé en deux. On n’a pas compris, il a ripé, il est passé sous le train. Faut le vivre, après, aller l’annoncer à la famille ».
-Pourquoi dites-vous que ‘rien ne l’arrête’ alors que, justement, depuis son embauche, elle n’a reçu aucun avertissement pour la sécurité, aucune mise à pied ? Humainement, vous ne pourriez pas la réintégrer ?
-Mais comment réintégrer quelqu’un qui met sa vie en jeu ? ».
Le DRH, lui, Antoine Recher, est moins sentimental : « Madame Gueffar peut faire appel de cette décision, je la comprendrais. Remettons-nous en aux juges ».
-Qu’elle se présente aux prud’hommes, et peut-être que ça lui donnera droit à des indemnités ».
De retour à Agen, on questionne à nouveau les cheminots. Notamment sur le picto au rouge : « Mais il peut rester au rouge toute la journée ! Il suffit que le signal demeure en position d’ouverture ».
Et un train est-il passé juste après ? « Il faudrait avoir une copie du rapport d’incident, estime Victor Guerra, pour la CGT, mais ça m’étonnerait parce que, sinon, le mécano serait intervenu. Là, y a rien. C’est un licenciement abusif : on aurait compris un blâme, ou une mise à pied, pas plus. Surtout pour quelqu’un qui a quinze ans de boîte. Qu’ils fassent ça à un agent de la SNCF, et tout le secteur est bloqué, plus un train ne passe. Mais chez les sous-traitants, les salariés sont en situation de fragilité ».
Un cadre de la SNCF confirme : « Ca méritait une sanction, une petite mise à pied, d’un jour ou deux, avec retenue du salaire, pour marquer le coup, et basta. Là, c’est complètement excessif, totalement disproportionné ».
Tous ensemble pour Madame Gueffar !
Les militants locaux d’Attac, de la FSU, de Solidaires, et des citoyens, ont monté localement, à Agen, avec la CGT-cheminots, un comité de soutien, une caisse de solidarité. Les députés socialistes du coin ont protesté auprès d’Onet, tout comme le maire UDI auprès de la SNCF. Simple question d’humanité. Mais sans succès jusqu’ici.
Nous croyons que ce cas, par sa brutalité, cette histoire peut, doit dépasser le cadre d’Agen : il témoigne, par sa violence, de la nécessité d’une loi Travail. Mais d’une loi Travail qui viendrait renforcer les droits des salariés, et non les fragiliser. Dans la masse des injustices, il faut parfois s’arrêter sur un visage, écouter une voix.
C’est pourquoi on est toute une galaxie de sites, de médias alternatifs, de groupes militants ou non, à publier cet article simultanément. C’est pourquoi on fait appel à tous les graphistes fakiriens ou non pour nous pondre des propositions d’affiches autour de Madame Gueffar et d’Onet. C’est pourquoi on organisera un tractage, le même jour, devant les gares du pays, et vous pouvez vous inscrire et signer la pétition ici.