Revoltes pour Nahel : le RAID dingue de Lille

raidEn juin dernier, suite au meurtre de Nahel Merzouk, trois des personnes qui manifestaient contre les violences policières se font toper par le Raid. Entre terreur des hommes en quad et brutalités ordinaires de l’enfermement, elles racontent dans nos colonnes la violence de l’État et de ses chiens de garde face aux révoltes populaires. Témoignage.

Vendredi 30 juin 2023. Ce soir-là, une manifestation est déposée, place de la République. Elle est annulée par la Préfecture qui interdit tout rassemblement dans l’hyper-centre. Un rendez-vous tourne pour se rassembler aux Halles de Wazemmes. Coquelicot retrouve Flavie dans la manif. L’une sort du taf, l’autre sort du lit car elle travaille de nuit. Mischa, qui ne les connaît pas encore, sort aussi de son boulot, avec sous le bras une pancarte. Recto : La police tue. Verso : Dissoudre Darmanin, avec un petit dessin d’aspirine. « J’étais en mode chill : on se rassemble et après on va manger ».

Le Raid en mode Mad Max

Vers 20h, il n’y a qu’une centaine de personnes. « On sent directement que c’est hyper tendu ». Les gens avancent quand même dans les rues, quelques sacs poubelles sont brûlés. Le Raid les suit, restant aux abords, menaçant. Dans la rue Gambetta, le Raid entre plus sérieusement en scène. Sans aucune sommation, « on voit les gars sortir leurs armes, ils mettent en joue. On commence à gueuler "Baissez vos armes ! Vous voulez encore des morts ?" » Armes pointées sur eux, les manifestantEs paniquent et se dispersent. Mais le Raid fonce dans le tas avec quad et lacrymo, peu importe ce qui est mis sur son passage, en gazant.

Coquelicot décrit la scène : « Les gaz partaient tellement loin ! Ça nous passait au dessus, ça tombait une dizaine de mètres plus loin. Du coup t’avais pas le temps de t’enfuir que t’étais dedans. Tu étais obligéE de traverser les gaz si tu voulais t’en sortir, obligéE de courir. Alors qu’on est les premiers à dire d’habitude "Ne courrez pas ! faut pas créer un mouvement de foule", mais là, personne n’a le choix. Là, on court en se disant, "à la prochaine intersection, on s’arrête", mais à chaque fois qu’on se retourne le Raid est de plus en plus près. » La traque va durer quasiment une heure : « on n’a fait que courir. On ne s’est même pas renduEs compte du temps, de la distance qu’on a parcouru! » Au passage, ils se lâchent sur les insultes. Coquelicot les entend leur crier « courez plus vite, les grosses ».

C’est quoi leur délire ? L’intervention du Raid, en dehors de tout cadre juridique, sans sommations, avec un dessein sans contours, pose question. C’est quoi leur délire ? Ils tirent du gaz lacrymogène, soi-disant pour disperser les manifestant·es, mais les poursuivent, ne leur laissant aucune possibilité de fuite. C’est la terreur, mais eux sont comme dans un jeu. Apparemment galvanisés par leur pourvoir de vie et de mort sur les personnes qu’ils prennent en chasse, les membres du RAID se lâchent. Flavie se rappelle : « Sur le quad, ils étaient surexcités, l’arme tout le temps pointée sur les personnes , « ils hurlaient ». Ces sales types se permettent même des insultes. Coquelicot les entend leur crier « courez plus vite, les grosses ».

Tirer sur les gens et sur la corde raide...

Au bout d’une heure, entre les gaz et la course, iels sont épuisé·es : « On se met sur le côté. On s’arrête parce qu’on vient de courir à travers un énorme nuage de lacrymo. Le quad nous fonce dessus sur le trottoir, j’essaie de l’éviter sauf qu’une roue m’écrase la cheville. J’ai une grosse entorse, encore aujourd’hui [15 jours après] » raconte Mischa. Les trois soufflent, encore sous le choc. Coquelicot se rappelle : « On s’est dit "c’est bon, là on est trois, on a quitté la masse" ». Elle voit le quad poursuivre le gros du groupe et les asperger de gaz. Mais il fait demi tour : « ils reviennent, en rigolant. Ils sont revenus nous chercher. Pourquoi ? »

« Toujours en nous tenant en joue, ils se rapprochent et nous hurlent "mains contre le mur !" » Flavie comprend qu’il va y avoir un contrôle ou une arrestation, « c’est bon, baisse ton arme ». Mischa, quelques mètres plus loin, est mis en joue : « est-ce qu’il faut que vienne te chercher ? ». Mischa : « Avec ton arme braquée à hauteur de tête ? Clairement, je ne vais pas prendre le risque de partir en courant, parce que t’es capable de tirer, je tiens à ma vie. » Il est 21h48, au croisement de la rue Alphonse Mercier et de la rue des Stations. Les trois sont interpelléEs.

Darmanin baladeuse : un travers de porcs

Coincés entre un mur et des fusils, iels sont quatre, un autre gars s’est fait chopper. Un énorme véhicule blindé noir arrive, avec d’autres renforts du Raid. Flavie : « Plusieurs fois, je leur demande d’arrêter de pointer leurs armes sur nous. On est contre le mur, on est quatre, qu’est ce qu’il va se passer ? » Un raideux répond qu’elle est « vindicative, bien véhémente mais que ça ne va pas durer. »

Ils leur mettent des serre-flex1, « ils nous les serrent bien fort ». Puis, les quatre interpellé·es sont fouillé·es. Ils font les malins, mais Flavie, qui connaît ses droits, proteste. Elle veut récupérer le contenu de son sac jeté au sol : « Donc là, ça le saoule et il me caresse la joue en me disant : "Mais tu vas te calmer ma petite, ça va bien se passer." »

Elle voit tout de suite la référence à Darmanin2 : « Je pète un câble. Je le pousse, et je lui dis qu’il n’a pas à me toucher. Et là, il hurle à ses collègues "Elle me crache dessus ! Vous avez bien vu, elle me crache dessus !" Ce n’est pas vrai. Son collègue dit "arrêtez de lui cracher dessus madame" ». Flavie leur dit : « On les a vues vos vidéos où vous mentez tout le temps, y en a marre ». Le mec du Raid : « Chut chut, ça va bien se passer ». Des chiens bien formés à la vieille rhétorique de Darmanin.

En attendant les renforts, ils ramènent une cinquième personne, un gars plus jeune qu’on appellera Alex, avec deux cailloux et un bonnet : « lui a le nez en sang, il nous dit qu’il s’est pris des coups et un tir dans la jambe. C’est évident qu’il s’est pris quelque chose. Il boitait ». Les flics affirment que c’est pas un LBD, qu’il n’y en a pas eu ce soir. Mouais.

L’essoreuse à salades

Dans un premier temps, ils ne trouvent pas la bonne fréquence radio pour contacter les « porteuses », des véhicules avec des minuscules cellules intégrées pour transporter des personnes arrêtées. C’est le « panier à salade ». L’attente est longue, debout, braqués et menottés. Coquelicot a le courage de le dire aux raideux : « les serre-flex sont trop serrés, ça fait super mal », mais leur seule réponse est « On desserrera plus tard ». Alors, rien ne bouge, et durant quasiment 30 minutes, contre le mur, iels s’échangent des conseils juridiques sur leurs droits en garde-à-vue. F. se souvient : « Garder le silence ! Le calme aussi parce que bon, ils nous agacent exprès pour pouvoir nous incriminer. »

Les porteuses arrivent. Les raideux font monter les interpellé·es dedans : « Allez les princesses ». Quelle finesse. Pour Mischa, claustrophobe, c’est l’angoisse : « C’est méga grossophobe. Y a pleins de gens qui ne peuvent même pas rentrer dedans. On est enferméEs, les bras attachés, et évidemment il n’y a pas de ceinture de sécurité » Il essaie de ne pas faire une crise de panique. Coquelicot insiste une nouvelle fois pour les serre-flex, sans succès. Flavie raconte : « Ils roulent n’importe comment. Ils insultent les autres chauffeurs, les passants… »

« D’un seul coup, on s’arrête à côté d’un blindé noir. "On met quel matricule ?" C’est le matricule qui sera sur tous nos procès verbaux, du moins ceux que j’ai vus. On ne sait pas du tout à qui appartient ce RIO, un policier sur la route, pas ceux qui nous ont arrêtés puisqu’on s’est fait arrêter par le Raid. Et… le Raid n'a pas de moyen d’identification. » Les flics se demandent quel motif mettre sur le PV : « Y a eu des barricades et outrage ». « Ceux qui mettent le PV ne savent pas pourquoi ils nous ont interpellé·es ». Voilà leur méthode : ils réfléchissent à un motif d'interpellation une fois que t’es dans le camion. Les « barricades » font référence à une (1) poubelle renversée pendant la manif. L’outrage, c’est pour la pancarte.

Serré·es comme des serre-flex

Arrivée au commissariat central de Lille. Coquelicot insiste encore sur les serre-flex, nouvel échec. 82 personnes ont été arretéEs cette nuit-là. Les flics sont débordés et mal organisés. « Un vrai défilé, nous dit Mischa. Ils nous mettent dans une cellule, on les entend dire "On fait quoi ?" » Ben oui, c’est ça quand on arrête toutes les personnes qu’on croise !

À trois dans la cellule « d’avant fouille », les mains encore attachées, elles s’impatientent. Coquelicot doit faire du bruit avec les chaînes au sol pour qu’on l’écoute enfin. Les flics arrivent pour desserrer : « on ne connaît pas ces serre-flex, c’est le matériel du Raid ». Ils galèrent pendant plusieurs minutes. « Vous avez fait quoi pour qu’ils les serrent aussi forts ? » « On ne sait pas, demandez au Raid ». C’est clair que c’est aux keufs de le dire, pas l’inverse… Ils arrivent enfin à dégager le matos.

Coquelicot estime avoir demandé à 6 reprises de desserrer les serre-flex. Un médecin lui a diagnostiqué ensuite une compression du nerf radial, une entorse. Après analyse, c’est un syndrome de Wartenberg. Pendant un mois et demi, elle porte une attelle : « Je ne pouvais plus faire certains mouvements au travail, ça m’a beaucoup mis en retard. » Torture blanche ou peine sans jugement ?

Auditions défaillantes

Plus d’une heure se passe sans notifications ni de leurs droits, ni du motif de la GAV. Il n’y a toujours pas d’Officier de police judiciaire (OPJ) donc les flics décident de commencer les auditions eux-mêmes deux par deux, avec deux agents. « On ne devrait pas être là ». Rassurant.

Première étape : recherche d’un stylo. Ils prennent quelques minutes à en trouver un. Mischa remarque : « Ils ont des flingues mais pas de stylos. » Ils demandent la « petite identité » (nom, prénom, date et lieu de naissance), et donnent enfin le motif de l’arrestation : « Violences sur personne dépositaire de l’autorité publique et outrage à personne dépositaire de l’autorité publique (PDAP) ». L’outrage est pour la pancarte. Alex se prend en plus une « dissimulation du visage » pour le bonnet. Il essaye de raisonner l’agent « c’est un bonnet, monsieur, ça ne sert pas à dissimuler un visage ». L’agent retire ce motif « parce qu’il ne sait plus comment l’écrire ». Ouf.

Au final, les 5 ont le même motif, même pour l’outrage, alors qu’il ne concerne que Mischa. Tout à fait absurde. Flavie n’en revient pas : « Ce qui est fou, pour le chef d’inculpation, c’est ces histoires de violences. Quelles violences peut-on faire sur le Raid ? Contre un quad qui fonce sur les gens ? Contre des individus en noir, cagoulés, non identifiables ? C’est lunaire ! »

Poulets débordés, robinets à sec

Dès le placement en garde-à-vue, un OPJ doit donner le motif de l’arrestation et notifier ses droits à la personne interpellée (garder le silence, faire prévenir un proche en donnant son contact aux flics, prévenir l’employeur, un·e avocat·e, voir un médecin…).

Un agent finit par arriver, et dit « vous êtes placé·es en GAV », et il notifie les droits, soit 1h30 après l’interpellation. Pendant l’appel à un des proches de Flavie, le flic en profite pour poser des questions : « elle a l’habitude d’être en manif ? ».

Mischa n’est pas dupe du médecin, surtout là pour dire si l’état de la personne est compatible avec la GAV et n’ira donc pas faire constater sa blessure par le médecin collaborationniste. Coquelicot, elle, le voit.

« Le médecin m’a reçue la porte ouverte. » Le secret médical n’existe pas au comico, et les médecins essayent aussi de soutirer des informations sur la personne prévenue. « Je dis que je prends la pilule et que j’ai un traitement. Pour la pilule, il n’a pas le modèle que je prends, donc il me propose un autre… Pour le traitement, il demande "vous avez quoi si vous ne le prenez pas ?". Des symptômes de sevrage tout simplement. » Il trouve un dernier cachet au fin fond de son sac. Mais... il n’a pas d’eau à portée de main.

S’en suit une opération absolument ubuesque pour trouver de l’eau. Coquelicot se rend aux chiottes avec un médecin. « Je ne vais pas boire l’eau, ici. » L’homme qui l’escorte trouve que c’est effectivement trop dégueulasse pour donner l’eau du robinet des toilettes.

Elle va donc de bureau en bureau, et se fait fouiller au passage. Entrant dans une pièce, une flic l’alpague : « Non mais vous faites quoi là ? »La policière ne la croit pas tout de suite. Quand elle obtient enfin un précieux gobelet d’eau, Coquelicot partage le maigre butin avec ses codétenu·es. Dans les cellules voisines, les personnes ont mis plusieurs heures à obtenir de l’eau, « alors qu’ils criaient pour en avoir ».

Conditions dégradées à vue

Il n’y a as de nuit en GAV. La lumière dans la cellule fait perdre la notion du temps. Les toilettes, sales, sont situées en face de leur cellule. Coquelicot, dubitative, constate l’absence de PQ, une flic « bien apprêtée, propre sur elle » lui dit « oui, c’est à la dure ici ». Leur rapport à la dignité humaine laisse pantois.

Pour les repas, « on n’a rien eu le soir ». « Fallait arriver à 19h », disent les geôliers, sans percevoir l’ironie d’une telle phrase. Au petit déj’, iels reçoivent chacun·e une briquette et 2 petits beurres.

Pour les couvertures, les flics prétendent ne plus en avoir alors qu'un commissariat doit toujours en être équipé. Quand l’avocat arrive au petit matin, il aura suffit qu'il invective les keufs pour qu'ils en distribuent à tout le monde... Idem pour le papier toilette et l’eau, ils ne s’exécutent qu’à la demande de l’avocat.

Le matin, Mischa est convoqué, « sans qu’on m’explique pourquoi. J’entre dans un bureau, et un homme avec une combinaison et un masque chirurgical me met directement un coton-tige dans la bouche, sans prévenir. » « Hé, vous faites quoi ? » Il explique que c’est un relevé d’ADN. Pour Mischa, c’est difficile de dire non, car refuser est un délit... Et comme le coton-tige est déjà passé dans sa bouche, il donnera même ses empreintes digitales. Vu qu’il n’y a pas eu de suites, il lui est possible de faire une demande de retrait au Procureur de Lille3, via un courrier recommandé. Le Procureur peut le refuser - allez comprendre - mais doit répondre sous 3 mois. De leur côté, Flavie et Coquelicot refusent de donner leur signalétique et leur ADN.

Deuxième audition, en mode QCM

10h36. Flavie est appelée pour une deuxième audition. Toujours deux par deux. Les flics expliquent qu’il y a trop de monde, et qu’il faut vider les cellules. Paradoxe : « Si vous refusez encore de donner votre signalétique, je vous prolonge de 24h ». Flavie sait que ce genre de prolongations ne peut être prononcé que par un procureur, donc elle ne démord pas. Coquelicot est appelée en même temps. On lui demande cette fois la « grande identité ». Incluant notamment les diplômes, le travail, le salaire. À noter qu’il est tout à fait possible de garder le silence pour ce genre de questions, relevons l’atteinte manifeste à la vie privée.

Flavie constate que les flics ne leur posent pas les mêmes questions. « Est-ce que vous êtes de la famille de Nahel ? » « Êtes-vous sous curatelle ? » « Prenez-vous des drogues ? » À Coquelicot : « Dans quel esprit vous étiez avant la manifestation ? » Il brandit un sac-zipette transparent rempli de feux d’artifices. « Tu reconnais quelque chose ? » Pour ce genre de questions, les deux femmes gardent le silence, sachant bien qu’ils n’ont aucun élément à charge et qu’ils cherchent à les incriminer.

Mischa passe peu après, on lui dit : « J’imagine que toi aussi t’as rien à déclarer. » On l’interroge sur le refus de signalétique… alors que Mischa n’a même pas refusé de donner ses empreintes. Il comprend à quel point ils sont perdus et mélangent les dossiers. Ça ne les empêche pas de se comporter comme au comptoir. À Flavie, l’un raconte qu’il aimerait bien aller au Vietnam. À Mischa, qu’il est fan de bande dessinée.

Sexisme acablant, IGPN complice

Coquelicot témoigne pendant son audition de l’agression sexiste du Raid sur Flavie Ils nient que c’est une agression sexiste, et ajoutent « vous feriez bien d’apprendre le droit en autodidacte ». Flavie est diplômée de droit, pas eux. Elle portera plainte à l’IGPN pour agression sexiste. C’est un acte courageux, puisqu’on sait qu’il est probable qu’il n’ait aucune suite, entre impunité policière et incapacité à identifier des agents du Raid.

Un flic glisse en aparté à Flavie : « J’ai une fille, je pense que ça commence par la joue, et après c’est autre chose. Le Raid s’est lâché ce soir. Je pense que l’IGPN est compétente sur le Raid, vous devriez les contacter. » Et de finir : « Dans ce service, on n’a pas les mêmes idées. Ce collègue qui a tué Nahel, pour moi, c’est pas un collègue. » Il nous ferait presque pleurer !

Pas de suites… pour nos trois ami·es

La fin de la garde-à-vue est anxiogène. S’il fait froid la nuit, en journée c’est la fournaise. Cette atmosphère participe à mettre mal à l’aise les personnes arrêtées. Un élément de pression phychologique qui s’ajoute aux nombreux autres et qui vire au supplice. « Si vous ne donnez pas votre signalétique, vous ne sortez pas. » Coquelicot est sur le point de craquer : « à la fin, j’étais prête à donner mes empreintes, je n’en pouvais plus. Je criais pour qu’il viennent. »

Dans les cellules voisines, on met la pression aux jeunes : « tu vas faire 48 heures de plus ». Et ça fonctionne, ils sont terrorisés. C’est aussi une manière de les dissuader de ressortir manifester les jours suivants. Certains se sont même fait gazer par les flics dans une cellule fermée. On rappelle que le gaz est mortel en intérieur. « Pour nous, ‘‘ça a été’’, mais pour les jeunes, c’était hardcore » avoue Flavie. Au comico, c’est pas pareil d’être une meuf blanche qu’un mec en jogging un peu bronzé. Nos trois ami·es en ont bien conscience. Coquelicot conclut « On a de la chance d’être 3, on est informé·es sur nos droits. Mais les jeunes, ils subissent une répression très différente. » Flavie ajoute : « On a été épargnées, c’est évident... »

Trois d’entre eux se sont fait toper alors qu’ils faisaient leurs courses.. Vers 3h du matin, des jeunes agressés par des fachos se sont fait arrêtés. Ce sont eux qui ont été pris plutôt que leurs agresseurs. « Les informations sont prises en louce », nous raconte Flavie. Elle voit les flics, devant la porte des cellules avec les téléphones des jeunes. Ils leur demandent leurs codes de déverrouillage, ce qui doit normalement faire l’objet d’une réquisition d’un magistrat, dans des cas où les chefs d’inculpations la motivent. Les jeunes sont forcés d’obéir à cette demande, illégale. Tout ça, au beau milieu de la nuit.

Quand c’est enfin leur tour de sortir, on leur annonce qu’il n’y a aucune poursuite : « garde à vue sans suite ». Ces atteintes graves à la liberté deviennent une mesure récurrente de la répression de masse. De plus en plus, elles sont un instrument politique du maintien de l’ordre, permettant au passage d'organiser un fichage massif de la population avec la complicité du parquet4. D’où l'absence de motif dans l’histoire de nos trois gardé·es à vue. La faute au Raid et à ceux qui leur ont demandé : « Ce soir, remplissez tous les paniers à salade… »

Témoignages recueillis le 15 juillet 2023 par Michou et L.M.

1. Collier de serrage en plastique utilisé plutôt en électricité. Remplace des menottes.

2. Référence sans équivoque à la phrase prononcée par Darmanin à la journaliste RMC Apolline de Malherbe : « Ne vous vexez pas, calmez-vous, calmez-vous madame, ça va bien se passer » le 8 février 2022.

3. Voir des modèles de lettre dans « La Folle volonté de tout contrôler », Caisse de solidarité de Lyon, Rebellyon, décembre 2021. Pages 45 et 143 (Empreintes), 52 et 144 (ADN).

4. Lire « Fichage illégal de manifestant·es à Lille, la Procureure assignée en justice », Indymedia Lille, 17/05/23.

4. Lire « Fichage illégal de manifestant·es à Lille, la Procureure assignée en justice », Indymedia Lille, 17/05/23.

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