Happychic est une entreprise de mode française qui appartient à la famille Mulliez et ne fait pas dans la dentelle : elle fait dans « le look qui vous ressemble ». Elle englobe les trois marques Jules, Brice ou Bizzbee. Neuf ans après sa création, l'heure de la rationalisation massive a sonné pour cette multinationale de la fripe.
La saga infernale continue, l’empire Mulliez taille sans pitié dans ses filiales du secteur prêt-à-porter. On se souvient du dé-tricotage du groupe 3 suisses commencé dès 2009, avec la suppression de 1000 emplois en deux ans puis finalement de la vente de ce qu’il en restait en 2017 ; de la fermeture leur collègue de feu la vente-par-correspondance Quelle; du bruit provoqué par les salariés licenciés d’Excédence. Et plus récemment, les PSE (plans de « sauvegarde » de l’emploi) à répétition chez Pimkie. Maintenant, c’est au tour d’Happychic de se faire relooker avec l’annonce de fermeture éclair de 88 magasins dans toute la France ainsi que la suppression de 466 postes (dont 80 au siège social à Roubaix).
À l’appellation « plan social », la direction préfère « plan de transformation ». Celle-ci réunit au début de l’été un « comité d’entreprise extraordinaire » pour annoncer la nouvelle saison : « tiens ! Pendant la période creuse, comme d’habitude » souligne Élodie Ferrier, Secrétaire Fédérale CGT (commerce/habillement). Leur but, regrouper Jules et les autres marques, avec pour conséquence directe de revoir l’implantation des magasins et l’organisation du groupe. A Lille par exemple, dans la rue piétonne, les trois enseignes sont au même carrefour : il ne devra en rester qu’une.
Cousu de fil blanc ?
En réalité, le plan est déjà tout tracé : Élodie Ferrier précise [qu’en] « deux ans ce sont entre 1000 et 2000 salariés qui ont quitté le groupe, un taux anormal comparé au reste du turn-over dans le secteur ». Dans le lot, il y a des démissions et des licenciements « pour des conneries ». La situation semble chaotique « personne ne peut confirmer si l’info syndicale parvient aux salariés ». Mais la terrible annonce arrivée en catimini pendant l’été a eu l’effet d’une bombe. Au siège, des salariés se sont mis en grève de la faim, une bien mauvaise pub pour le groupe qui dépense un « pognon de dingue » pour se redorer le blason... Le combat a subi les coups de pression de la direction qui « ne vient pas à la table des négociations » et qui n’hésite pas à demander gentiment – et sans contrepartie s’il vous plaît – aux salarié.es d’arrêter la grève.
Cela dit, la lutte ne repose pas sur la conservation des entités existantes, ni même sur la pérennité des emplois. Du côté des grévistes, on ne demande pourtant pas la lune mais simplement d’être reclassé.es dans les autres filiales de « l’empire Mulliez ». Les cadres de Happychic eux, trinquent, champagne à la main, à leur stratégie d’évitement ! En effet, aucune de ces exigences ne parvient à gagner un écho solide auprès de la hiérarchie qui dit ne pas connaitre les autres filliales du groupe Mulliez.
De plus, Élodie Ferrier souligne que les dirigeants sont, eux, éligibles à un reclassement dans les filiales du clan Mulliez. Plus que de mouiller petitement la chemise, ceux-là préfèrent tremper dans l’ingratitude.
Démuni.es face à la mauvaise foi du groupe, les salarié.es font appel à un expert afin qu’il détricote le tissage financier de l’entreprise. Les Mulliez font une si belle performance en terme d’ingénierie fiscale qu’il est très complexe de cerner les rouages financiers du groupe : Happychic appartient à 100% à Texo qui appartient à Sodorec dont 100% du capital appartientrait à l’AFM (Association Familiale Mulliez).
Ingratitude partagée
Sans illusion, une rencontre a eu lieu au ministère du travail entre une délégation et le conseiller en charge des mutations économiques et de la santé au travail. Élodie Ferrier précise « on n’avait rien à attendre du gouvernement, mais on aura au moins essayé ». Résultat : une lettre d’invitation priant le groupe de « faire face à ses responsabilités ». Pendant ce temps, celui-ci continue de faire des bénéfices et a versé selon la syndicaliste « plus de 40 millions d’euros à ses actionnaires et bénéficiait d’un crédit d’impôt (CICE) de 5 millions d’euros ». En somme, pour les patrons comme pour le gouvernement les salarié.es n’ont qu’à aller se rhabiller.
Harry Cover