Grève à EMMAÜS, coups durs et résistances !

illu emmaüsDans le numéro 68 de La Brique1, on vous racontait la grève des compagnon.nes des communautés Emmaüs à Saint-André-Lez-Lille, Grand-Synthe et Nieppe. Même si la répression s’est intensifiée, la grève continue et pourrait commencer à porter ses fruits puisque Des responsables de la communauté Emmaüs Saint-André-Lez-Lille seront jugé·es en Juin. Faisons le point.

Plus de 260 jours de grève ! Vingt et un compagnon·nes de la communauté Emmaüs de St-André-Lez-Lille ont commencé la grève le 1er Juillet 2023 parce que les brimades, les propos racistes et les conditions de travail étaient insupportables. Une plainte contre les responsables a été déposée également en 2023 et une enquête est toujours en cours.

Rappelons que la directrice Anne Saingier est adepte des propos humiliants, changeant par exemple les prénoms des personnes qu’elle fait travailler car c’est « plus facile à prononcer ». Chez Emmaüs, c’est cinq jours travaillés, huit heures par jours et deux semaines de vacances par an (mais pas où les gens le désirent) pour… 150 euros par mois, des repas périmés, et une intimité et des droits qui ne sont pas respectés.

 

Un climat glacial

Les grévistes réclament également une régularisation. La Préfecture ne cesse de les faire mariner et laisse planer désormais la menace d’une expulsion sans solution de relogement. Pire, le 2 janvier, un peu avant 6h du matin, alors qu’une centaine de soutiens ont répondu à l’appel des compagnons grévistes, prêts à résister à leur expulsion, une quarantaine de membres des forces de l’ordre tentent une intimidation et se montrent brutaux, sortant une personne âgée de son lit en déclarant « la grève est finie, il faut arrêter d’emmerder les gens ! ». Tente CGT, banderoles, tambours sont confisqués et une caisse de grève contenant quelques centaines d’euros disparaît. Les compagnon·nes qui tentent de résister sont alors bousculé·es, jeté·es au sol, matraqué·es ou bien aspergé·es de gaz lacrymogène.

À Saint-André-Lez-Lille, la direction a refusé tout l’hiver de mettre le chauffage, en plus de couper les maigres allocations qui permettaient aux compagnon·nes de survivre. Le 14 Février 2024, deux grévistes de Saint-André-Lez-Lille sont placés en garde-à-vue suite à un rassemblement devant la mairie de cette ville. Le jugement aura lieu en juillet 2024 et iels ont été placé·es sous contrôle judiciaire.

Mi-Mars, c’est le même genre de traitement qui est infligé aux compagnons de la communauté d’Emmaüs de Grande-Synthe, brutalement expulsés en pleine trêve hivernale. Une vidéo publiée sur X par Jérémie Rochas, journaliste pour Médiapart et Streetpress, montre un compagnon suppliant les flics de ne pas le laisser à la rue. Depuis le début de leur grève en juillet dernier, il y a déjà eu quatre interpellations de ce type. La répression continue.

 A Nieppe, la direction, aidée de sympathisants proches de l’extrême droite tente de forcer le piquet de grève afin d’assurer une « vente exceptionnelle » alors qu’un sanglier mort déposé sur leur piquet de grève est retrouvé par six compagnons grévistes le samedi 17 février. Ils ont déposé une plainte pour dénoncer cet acte raciste et cette intimidation qui ressemble fort à une menace.

Le 6 Avril, ce sont deux compagnons grévistes d’Emmaüs Nieppe qui sont interpellés suite à un énième contrôle aléatoire. Ils sont retenus par la PAF de Lille. À ce jour, l’un des deux grévistes a été relâché. Plusieurs grévistes sont arrêtés lors de contrôles aléatoires et relâchés. Cette pression est vécue par de nombreuses personnes en attente de régularisation, elles participent aux tentatives de faire céder les grévistes et au climat de harcèlement.

 

La grève continue

Malgré cette répression, La grève continue dans les 3 communautés. Les grévistes multiplient les rassemblements et les manifestations, à Lille ou même à Paris. À plusieurs reprises, la police municipale de St-André a gazé copieusement et sorti les matraques devant la mairie, alors que les grévistes tentaient d’interpeller des élu.es. Les grévistes doivent également interpeller des organismes pour faire valoir leurs droits, comme celui d’obtenir des aides pour nourrir et vêtir les enfants... C’est une lutte permanente. Iels réclament aussi la reconnaissance du statut de travailleurs et la régularisation de leur séjour en France au titre du préjudice subi2.

Chaque journée de la semaine se termine par une assemblée générale ouverte qui permet de prendre des décisions et de voter la reconduction de la grève, les grévistes continuent d’être soutenu·es par la CGT, le Comité des Sans Papiers 59 ainsi que par d’autres personnes solidaires de leur combat pour la dignité et la justice. Début mars, la CGT a annoncé «  l’ouverture d’un processus de régularisation de l’ensemble des travailleurs et travailleuses sans papier en grève » (51 personnes concernées dans le Nord) suite à une rencontre avec Darmanin2. Comme le prévoit la loi depuis 2019, toute personne qui justifie de trois années d’activités solidaires dans une structure disposant de l’agrément d’Organisme d’Accueil Communautaire et d’Activités Solidaires (OACAS) peut effectivement demander sa régularisation.. Le ministère de l’Intérieur a vite refroidi les espoirs en précisant que les conditions de régularisation s’appuiraient sur la nouvelle Loi Immigration votée cet hiver, plus dure, notamment contre celleux qui auraient commis des « troubles à l’ordre public ». Bref, contre les grévistes.

 

Des responsables d’Emmaüs en GAV

C’est la bonne nouvelle de ce début d’année. En effet, la directrice d’Emmaüs St André Anne Saingier et le président Pierre Duponchel ont été placés en garde à vue. Si Anne Saingier a pu rentrer chez elle pendant la nuit pour des raisons de santé, celle de M Duponchel a été prolongée pour durer presque 48 heures. La justice leur reproche des faits très graves : « traite d‘êtres humains et travail dissimulé aggravé ». Iels ont été déferrés.es devant le parquet le 24 janvier 2024 qui a décidé de les convoquer à une audience correctionnelle le 13 juin prochain. En attendant, ils sont placés sous contrôle judiciaire et n’ont pas le droit de communiquer de quelque façon que ce soit avec les grévistes.

Le procès des deux dirigeant.es en Juin sera un moment important pour les grévistes. Emmaüs France a été alerté à de nombreuses reprises sur des manquements et des problèmes graves au sein de certaines communautés Emmaüs. Il existe donc une omerta qu’il faut dénoncer. Pour le statut OACAS3, il est évident qu’il doit être revu afin que les compagnon·nes puissent réellement être régularisé·es après plusieurs années de dur labeur au lieu d’être maintenu dans une situation honteuse de servitude alimentée par les fausses promesses et les mauvais traitements.

RDV au procès de Saingier et Duponchel !

Bennn

1. La Brique n°68, " Emmaüs, ou l'esclavagisme moderne "

2. « Grève à Emmaüs : la CGT annonce la régularisation de l’ensemble des sans-papiers, le ministère de l’Intérieur dément », VDN, 07/03/2024

3. Comme le prévoit la loi depuis 2019, toute personne qui justifie de trois années d’activités solidaires dans une structure disposant de l’agrément d’Organisme d’Accueil Communautaire et d’Activités Solidaires (OACAS) peut effectivement demander sa régularisation.

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