La trame du scénario est connue depuis des années : un PS décadent alimente la montée de l'extrême-droite puis, à chaque veille de scrutin, sonne les grosses cloches républicaines pour rapatrier les troupes de « gauche » dans son giron. Mais la vieille recette de la politique de la peur a pris du plomb dans la gamelle. Le chantage au vote FN a fini de dire l'alpha et l'omega de ce qui se joue pendant une élection ; la fabrique du consentement s'est enrayée. C'est que, depuis 2002, les partis qui ont agité le chiffon brun de l'extrême-droite sont les mêmes qui ont beaucoup travaillé à hisser haut son drapeau.
Le souci, c'est que cette fois, le théâtre électoral donne à voir encore autre chose.
Entre les guignols socialistes, l'extrême-droite et la droite-extrême, le boulevard était gigantesque. Mais non, même la gauche – si on appelle gauche EELV, PG, PCF ou Ensemble – n’a pas été foutue de bricoler une alliance crédible pour colmater au moins un peu le désastre. Il faut dire que le PCF a de quoi en vouloir aux écolos – et inversement. Les premiers restent empêtrés dans des recettes productivistes vouées à l'impasse, les seconds ont attendu l'année dernière pour découvrir que le PS n'était pas fréquentable – pour le dire rapidement. On le dit rapidement, parce qu'au fond, l'essentiel des embrouilles ne s'est même pas noué là-dessus. Il s'est joué sur autre chose. Un truc qui n'intéresse personne, et que pas grand monde – même au sein des partis concernés – ne comprend : des embrouilles sur les têtes de liste. Un peu pour la gloriole perso, un peu pour des stratégies d'affichage au niveau national. Un peu, aussi, pour espérer un chouïa d'argent public en cas de score pas trop déplorable. Il faut bien prendre la mesure de cette histoire : le FN et la droite sont en passe de prendre une des régions les plus pauvres de France, et pendant ce temps là les partis de gauche s'enferment dans des calculs d’apothicaires purement individualistes. Par temps de lutte des classes, on s'acharne sur la lutte... des places.
Derrière la foire aux scrutins
C'est une des raisons pour lesquelles ce numéro ne s'attarde pas sur l'échéance. Non pas que les enjeux soient dérisoires – on en connaît, des copains et des copines qui vont perdre leurs subventions dans la foulée des élections. Mais La Brique n'a jamais cherché à donner de prétentieuses « consignes » de vote, ou même de non-vote. Et puis de fait, entre les réflexes d'appareil, la lassitude et la résignation, il faudra trouver des perspectives ailleurs. Car si à l'heure où ces lignes sont écrites, le tiercé donné gagnant n'a pas encore trouvé son verdict, il reste que le moins pire des dénouements nous apparaîtra toujours désastreux.
Alors on a fait comme on a coutume de faire ; on a parlé politique, sans commenter les prestations de plateau des professionnels de la parole. On a remonté la piste d'un sujet qui a l'air tout banal comme ça, mais qui se trouve au cœur des enjeux de pouvoir contemporains : les transports, et nos mobilités quotidiennes. On a remonté la piste, et on les a tous retrouvé : le Conseil régional, Lille Métropole, les flics, l'État et le patronat nordiste. Autour de ces questions, le consensus apparaît aujourd'hui si fort que la foire aux scrutins laissera de toute façon la situation globalement intacte. Voilà donc le topo : ce numéro vous emmène du côté de la folie de l'accélération générale et des grandeurs inutiles. Un détour nécessaire pour mieux réarmer nos imaginaires.
Le collectif de La Brique