Que crève le vieux monde... et celui qu’ils nous préparent avec
Les moyens de communication n’ont jamais été si omniprésents, et pourtant question chaleur humaine, on se les pèle sévère. Un lieu commun pas encore assez investi.
Pour tous ceux qui sont attachés à l’humain dans tout ce qu’il a d’imprévisible, si l’avenir fait peur, le présent est déjà une lutte permanente. Ce monde lisse et calculé que des ingénieurs préparent, nous le subissons (presque) partout ; avec tous ces outils qui visent à nous cadrer, contrôler, « aider », et qui se multiplient plus vite dans leurs imaginaires malades que des pains dans les mains de Jésus. Détecteurs obligatoires à la maison, pass indispensables dans les transports, identités numériques nécessaires. Si l’anormalité est aujourd'hui directement repérable, c’est que la norme se quadrille de mieux en mieux.
Nique ta frenchtech’
Ces classes dites « créatives » qui veulent tellement notre bonheur qu’elles le confisquent en octet ne logent pas que dans la Silicon Valley. Tout près de chez nous, dans le parc d’Euratechnologies à Bois Blancs, des cadres bien intentionnés travaillent. Des puces RFID qui traquent nos déplacements à pléthore « d’applis » aussi inutiles que vampirisantes, leurs merveilleuses inventions œuvrent déjà à « fluidifier » nos existences et à meubler le vide dans lequel ils veulent nous confiner. Pour rajouter de l’aigreur à la soupe, le tout prospère sur les ruines des industries qui avaient déjà saccagé le territoire. Le capitalisme nous impose une histoire sans fin qu’il faut court-circuiter.
S’immiscer dans les failles
La bataille se joue à tous les niveaux. Chaque recoin de nos existences est attaqué, même le plus intime. Peut-être est-ce pour cela que lutter peut paraître aussi complexe aujourd’hui. On ne sait parfois plus par quel bout démonter un système plus insidieux que jamais.
Dans ce qu’il faut bien appeler un champ de bataille, la manipulation du langage, à défaut d’être une nouveauté, est permanente. C'est pour cela que dans les open spaces, à la télé et même dans nos conseils municipaux, nos ennemis s'accaparent des termes. Celui de « liberté » pour en faire l’étendard de leur intolérance, de « démocratie » pour légitimer leurs politiques d’exclusion, ou de « réseaux sociaux » pour expliquer comment ils ne peuvent exister sans une bonne connexion wifi. Mais c’est précisément de réseaux sociaux dont nous avons besoin dans nos luttes, de liens à tisser ici et maintenant. Pas de grands partis en qui croire, pas de grands soirs à attendre. C’est avec une « lente impatience » comme disait Daniel Bensaïd, qu’il faut se glisser dès à présent dans les interstices du pouvoir – ce que font, parmi d'autres, les camarades des ZAD. Ces idées qui nous animent, un écrivain de science-fiction en parle bien. On a sollicité Alain Damasio pour une petite interview qui, l’air de rien, s’est transformé en un entretien de quatre pages. Une première dans le canard. On l’a laissé dans son intégralité : l'occasion, aussi, de rendre un hommage de style aux copains d’Article XI, qui sortent le dernier numéro papier de ce qui fut un sacré canard.
Pour ce qui est de notre tambouille, on a interrompu la forme thématique pour pouvoir, à nouveau, tirer dans tous les sens. Car si le nouveau monde nous enserre, l’ancien nous colle toujours aux semelles. Du petit patron de presse qui s’en met plein les fouilles, à Coca qui vante son capitalisme féministe, en passant par une arnaque à l’eau et la résistible ascension du Front National. Symptôme de l'époque, on a croisé les flics à peu près partout où on est allés fureter. Sur la route des vendeurs de roses lillois, agressés et rackettés par la police aux frontières, à Montigny-en-Gohelle où les proches de Lahoucine - tué par la police il y a deux ans - ne sont pas prêts de lâcher l’affaire.
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