Manifs pour tous, théorie du « dgendeur », remise en cause de l'IVG, discours puants autour de la PMA... Autant d'occasions pour les réacs de tous âges d'occuper la rue et l'espace médiatique pour déverser leurs sermons. La remise en cause de la sacro-sainte famille a libéré des flots de paroles homophobes, racistes et sexistes. Les costards étriqués et les jupes trop droites se sont lâchés en crachant publiquement leur connerie décomplexée à la figure des opprimé.e.s... À Lille, on n'est pas en reste : l'affaire Carlton dit assez bien combien le patriarcat fait le quotidien de nos élites, les « mères veilleuses » continuent d'allumer leurs bougies sur le parvis de l'Opéra, encadrées par les groupuscules identitaires...
Ça titillait La Brique depuis un moment de mettre les pieds dans le plat.
Si ça nous trottait dans la tête, c'est aussi que l'activisme des milieux féministes et LGBT bouillonne d'énergie. Elles et ils écrivent, éditent, se battent, militent et arrivent à croiser réflexions et actions directes concrètes. Ces militant.e.s partent de leurs vécus pour riposter aux politiques et pratiques de leurs oppresseurs. Leurs combats nous questionnent aussi sur nos propres expériences : se dire féministe n'est pas qu'une question d'intention.
La Brique est bien placée pour le savoir. Elle aurait pu s'appeler {LE Brique}, dont la définition serait : « collectif avec en son sein une majorité de rédactEURS et une quasi totalité de dessinatEURS ». Réunions pilotées par des hommes rédacteurs qui aiment s’écouter parler, déséquilibre entre hommes et femmes dans les dessins : comme beaucoup d’autres collectifs, on a dû constater que la déconstruction des dominations est souvent incomplète, et qu’on garde parfois des réflexes ou de sexisme ou de racisme ou de classe (liste non-exhaustive). Cette domination est tellement intériorisée, parce que fruit d’une longue incorporation, qu'elle passe souvent pour naturelle et qu'elle se fait plus invisible. Quelques ancien.nes avaient défriché le terrain, non sans tensions... Aujourd'hui encore, on y travaille.
Ce numéro, c'est donc aussi le fruit de toutes les expériences collectives et individuelles qui ont traversé le canard depuis sept ans. On aurait pu se dire qu'avec ce qu'on se traîne comme casseroles niveau sexisme, c'était compliqué de parler de manière légitime sur un tel sujet. Pas faux... Et pour tout dire, les débats au sein de la rédaction ont été animés. Mais sans céder à la question policière de savoir qui on était pour parler de ceci ou cela, on a plutôt cherché à se situer, à réfléchir à notre position dans l'échiquier des luttes politiques et sociales. On a voulu ne pas parler pour, mais avec.
On a saisi les féminismes comme ils sont – pluriels. Différents vécus les travaillent et produisent des luttes diverses : ouvrières qui se réapproprient leurs moyens de production, femmes voilées contre le féminisme blanc et bourgeois, étudiantes face au sexisme à l’université… Ces militant.e.s se battent, parfois avec des outils et des approches différents. Les revendications sont plus ou moins légalistes, même si l’idée récurrente reste que l’égalité des droits ne rime pas forcément avec l’égalité réelle. Et qu’une fois la première acquise, il y a encore pas mal de taf sur le terrain. C'est que malgré les désaccords, ces féminismes se croisent et sont aux prises avec un même oppresseur: le système patriarcal.
Le collectif de rédacteur.ices et de dessinateur.ices de La Brique.