Depuis la mi-octobre, les mouvements sociaux s’additionnent, sans réellement se rencontrer, pour défendre des acquis et contester une orientation libérale.
En face, à droite comme au parti socialiste - inaudible - les mêmes discours se répètent sur l’absence d’alternative et la nécessité de réformes « inéluctables ».
Vous avez dit rouleau compresseur ? C’est un peu comme lorsque vous vous prenez un Euralille 2 sur le coin de la gueule. La fatalité semble marquer de son sceau des évolutions - sociale, urbaine, économique et bien sûr politique - qui tombent d’en haut. Depuis quelques temps déjà planent les effluves incertaines d’un ordre nouveau, relayées à grands coups de matraques médiatiques. Quand l’Etat ordonne à l’inspection du travail de fliquer les sans-papiers, demande aux boîtes privées de recycler le chômage, appelle les enfants à dessiner pour les soldats français ou abandonne des réfugiés dans un coin de campagne du Pas-de-Calais, les gens sont en droit de demander des comptes !
Depuis quelques années, la jeunesse s’organise et trouve des moyens de riposte. Pensons au mouvement lycéen ou à la lutte « anti-CPE ». Dans le désert syndical français, les jeunes semblent rejeter les organisations de défense des travailleuses et des travailleurs dont certaines « jouent leur place » plus que leur mission... tel que l’UNEF. Les revendications, circonscrites dans les médias à l’abrogation de la LRU, vont jusqu’ à la remise en cause globale de la politique antisociale du gouvernement.
Les mobilisations sont différentes : l’une s’ouvre résolument vers l’avenir tout en appliquant les leçons de ses précédents combats. Le monde étudiant prend en main la lutte, comme à Lille 3 où il occupe l’espace. Blocage ne signifie pas arrêt de l’activité. La parole se libère, même si on peut toujours déplorer que celles et ceux qui votent le blocage ne participent pas forcément à son organisation. Bien sûr, certaines voix peuvent s’élever pour dire que ce combat est encore marqué par la négative : vouloir en finir avec une loi. Pourtant, ce qui se joue en ce moment dans les AG, les conférences et les rencontres que seule la lutte permet, c’est bien l’avenir du mouvement social. Etudiants et étudiantes n’ont pas les moyens de pression qu’ont cheminots et cheminotes qui agacent tant certains « usagers » et leurs défenseurs d’un quotidien « métro-boulot-dodo ». « Organisée » et « structurée », pour reprendre les mots d’un délégué CGT rencontré aux ateliers d’Hellemmes, la base cheminote a pourtant subi cette lutte : un des derniers bastions du syndicalisme ouvrier risque bien de voler en éclat car il n’est plus acteur de sa parole. L’action, comprenez le « rapport de force », est réservée aux dirigeants des confédérations ou aux délégués des intersyndicales.
Aucune convergence, donc ? On ne peut nier les essais qui ont été tentés, notamment par la coordination nationale étudiante ou encore par la mise en place d’AG interprofessionnelles. Mais à force de ne pas se trouver, d’accepter le calendrier des négociations fixé par le gouvernement, les deux mouvements actuels risquent bien de se louper une fois pour toutes. Peut-être n’est-ce pas un hasard ? Ayant assisté aux différentes AG étudiantes et cheminotes, le constat est triste : pas grand chose n’a changé depuis Mai 68, à savoir l’impossible dialogue entre un monde ouvrier précarisé et un monde universitaire relativement protégé, plus hétéroclite et politisé.
Ne parlons pas trop vite, tout est encore possible. A la lecture de ces pages, les choses auront peut-être déjà évolué.
Le collectif de rédaction