ÉDITO N°67 : UN GLISSE-MENT TOTAL

édito

 Ça fait longtemps qu’on s’était pas lus. Voir tout ce zbeul autour des retraites, ça nous a donné de la force, et c’est ça qui nous fait tenir. Il a fallu que vous fassiez sans nous pour la ré-élection de Darmanin, Borne et tous les autres, mais sitôt que les lacrymos se sont mis à pleuvoir, on est sortis de notre coquille . Sauf qu’on n’est pas comme le gouvernement, on a pas pris les mêmes pour faire pire. L’équipe a changé : anars, communistes et résistant.es en tout genre. Et au pire, si on se plante, on le fait ensemble. MAIS VOUS INQUIÉTEZ PAS ! La marchandise reste la même, on continue de parler "grèves", "manifs", "logements", "pollutions"… et puis d’Aubry quand même.

 Et comme il fallait un peu suivre, on a scrollé sur Twitter. On est tombé sur Patrick Pouyanné. Le PDG de Total Energies explique à ses actionnaires : « Si ce n’est pas TotalEnergies qui répond à cette demande [de pétrole], d’autres le feront à notre place ». Ce patron pollueur invoque le « dialogue », la « diversification des investissements » de l’entreprise dans les énergies renouvelables. On n’est pas plus convaincus qu’un ado, qui se mange un « c’est-plus-compliqué-que-ça ». Du genre qui, d’un revers de la main, balaie toute contestation des « grincheux qui nous accusent de greenwashing ».

Les grincheux désignés, ce sont les militant.es écolos tapis à l’extérieur de la salle Pleyel à Paris assiégée pendant plus de trois heures, le 26 mai. Les images frappent plus, tout comme les coups des flics et surtout de ces grosses ordures d’actionnaires : « J’en ai rien à foutre de votre planète », « vous êtes des parasites [sic] ! », « Vous bloquez ma liberté [d’actionnaire] et ça ne vous pose pas de problème de démocratie ? »

Déconnexion permanente

Sur Twitter et ailleurs, l’une des pires images est sans doute celle d’une bourgeoise, tailleur rouge capucine complet, sac LVMH au bras, qui enjambe péniblement la masse des militant.es assis.es pour rejoindre l’assemblée des snobinards dévoués au capital. Le compte Twitter de TotalEnergies se sent même obligé de répondre sur le réseau : « Bonjour, votre tweet contribue à faire circuler la vidéo d'une passante qui n'est peut-être même pas actionnaire ». C’est trop vrai pour être faux. Quelle audace ! Avec les intérêts du groupe et leur pognon de dingue, on ne s’attend pas à ce qu’ils dissertent sur les valeurs journalistiques.

Aussi indécent que l’allocution de Macron, lorsqu’il ôte discrètement « sa montre à 80 000 € » alors qu’il évoque le sort des « smicards ». Heureusement, l’armée des fact-checkeurs a rétabli la vérité elle ne vaudrait que 2 400 € : alors ça va mieux, à peine deux SMIC autour du poignet. Ce n’est pas tant la montre qui fait le buzz mais c’est la personnalité de Macron qui rend cette affaire plausible bien qu’elle soit fausse. Le mépris des bourges, lui, est bien réel. La macronie porte en elle une tentation totalitaire : médias aux mains des puissants, corps intermédiaires laminés, caisses des travailleurs braquées, pensée polluée par les éléments de langage…

Langue de plomb

Quel mot pour qualifier le régime macroniste ? Illibéralisme ? Démocrature ? Monarchie présidentielle, ambitiocratie ? Ils nient une violence pourtant vécue dans nos chairs : matraquage, gazage, augmentation des prix, loyers trop chers, menaces de guerre, misère ambiante, stress post-Covid et angoisses face au réchauffement climatique.

On s’en fout ! On tient, on résiste, dans les manifs, dans les amphis, dans les boîtes comme à Verbaudet et au Fret. On relate dans nos colonnes des situations bien concrètes, histoires d’amphi à dormir dedans. On vous embarque dans les nuages de lacrymos lillois, on vous parle de modestes retraités en peu d’odeur de sainteté, des états d’âmes d’un vieux bourgeois, de travailleurs ch’tis qui vont galérer en outre-Quiévrain... le tout enrobé de succulentes brèves et probablement d’outrageuses fautes d’orthographes -tradition oblige-. On y a mis du cœur et pas mal de sueur, on espère que vous apprécierez.

Les patrons larmoient, le gouvernement ment, les flics cognent. Si la « démocratie » actionnariale veut nous enjamber, on continuera de lui mettre des bâtons dans les rotules. Il est nécessaire de retourner la phrase de Pouyanné contre lui et ses semblables : « Si on ne les empêche pas de nuire, personne ne le fera à notre place ! »

 Le collectif de la Brique

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