Cela fait 30 ans que 1 000 à 2 500 exilé.es survivent sur le littoral du Nord. Avec celles présentes à proximité des côtes et en Normandie, c’est près de 4 000 personnes qui sont bloquées à la frontière franco-britannique. Cette situation n’a d’exceptionnelle que son traitement politique, policier et juridique. Au final, rien de nouveau à Calais, si ce n'est les violences d’État qui ne font qu'augmenter et s'industrialiser.
Un accueil à géométrie variable
La guerre en Ukraine a révélé une double perception : certain.es sont des réfugié.es, tandis que les autres sont des migrant.es. Pourtant, ce conflit fait penser, à bien des égards, à celui de la Syrie en 2016 et de l'Afghanistan en 2021. Alors pourquoi les afghan.nes, syrien.nes, étiopien.nes, somalien.nes, soudanais.es ou encore guinéen.nes n'ont pas droit aux mêmes conditions d'accueil ? Osons le dire : parce que les pouvoirs publics sont xénophobes.
Les exemples sont nombreux. En Essonne, 49 jeunes exilé.es sont sommés de laisser leur place en centre d'hébergement à des Ukrainien.nes. À Calais, la maire Natacha Bouchart réquisitionne une auberge de jeunesse d'une capacité de 150 places pour les Ukrainien.nes tout en continuant à orchestrer le démantèlement des campements des exilé.es à la peau trop foncée...
L’État a fait de Calais une zone de non-droit
Pour le gouvernement, il y aurait aujourd’hui deux France : l’une soumise aux lois de la République, l’autre aux lois de la jungle. Le pouvoir aime appeler ça les « zones de non-droit », des quartiers « où la République n’est plus » (comprendre : « où la police ne veut ou ne peut plus intervenir »), des squats et campements où survivent des milliers de personnes en transit. Ces sorties médiatiques masquent la forme prise par la République : une police omniprésente et une justice de classe.
La situation à la frontière franco-britannique en est un exemple édifiant. Les personnes exilées y survivent dans des conditions indignes et précaires dans des « zones de non-droit ». Elles y sont marginalisées, reléguées au second rang.
Pour les médias et les pouvoirs public c'est une « crise », sorte de phénomène incontrôlable et indépendant de toute volonté. La réalité est toute autre : il s'agit d'une situation créée de toutes pièces par les acteurs politiques, qui ont récemment démontré qu'il était possible d'accueillir de façon inconditionnelle les Ukrainien.nes.
À Calais, la violence permanente
Depuis 2016 et la fin de la « Grande Jungle », le gouvernement socialiste (sic), suivi du pouvoir jupitérien, ont fait de la lutte contre les camps la pierre angulaire de leur politique migratoire via la politique dite « zéro point de fixation ».
Chaque jour, des camps sont détruits par les flics sur ordres du Parquet du Tribunal de Boulogne-sur-Mer, dépendant directement du Ministère de la Justice. En 2021, rien qu’à Calais, 1226 camps ont ainsi été détruits, entraînant violences, harcèlement policier et vols des effets personnels. Sans compter que la maire met tout en œuvre pour rendre impossible le travail des associations humanitaires, lutter contre les squats et empêcher les distributions d’eau et de nourriture.
Cette politique menée par l’État et la ville de Calais est mortifère. Tous les 24 jours, une personne exilée décède à la frontière. Depuis 1988, on recense, a minima, 350 décès. Tout ça pour quoi ? Pour prouver que l’État n’accueille pas ? On l’a compris. Pour faire de Calais un laboratoire de la fermeté, une vitrine symbolique du déploiement de la puissance xénophobe ? On l’observe, les personnes exilées le vivent. L’État a fait de Calais un théâtre, macabre.
Le collectif de la Brique
Dessin par Achille Blaster
Cet édito est extrait du Numéro 66 du Journal La Brique, publié le 11 avril 2022