Peut-être plus que toute autre chose, le logement illustre notre expérience quotidienne de la dépossession : il encadre nos conditions de vies, mais il est géré par des instances publiques et privées qui nous privent de sa maîtrise.
Troisième ville la plus chère de France
Le décor fait flipper. Alors que chômage et pauvreté ne cessent de croître, la part de logement social sur la métropole n’a pas augmenté d’un iota en dix ans [1]. Entre 2000 et 2010, les prix moyens du m2 ont plus que doublé [2]. Les logiques de ségrégation entre quartiers se sont accrues [3]. Lille est aujourd’hui la seconde grande ville de « province » la plus chère après Nice. Bienvenue au pays du socialisme intercommunal.
Avec la campagne qui s’annonce, Aubry et ses sbires s’apprêtent pourtant à mugir quelques contre-vérités confondantes. La lutte contre la pauvreté sera un « souci constant », le logement une « priorité », et bla et bla et bla. Quelques formules gênées tenteront d’expliquer que tout n’est qu’une question de temps, qu’il suffit de voter tous les six ans et d’attendre sagement les bienfaits des plans d’urbanisme bureaucratique.
Le projet métropolitain se décline pourtant tout autrement : rendre les pauvres invisibles, offrir la ville aux cadres, et masquer cette grande lessive dans une flopée de concepts valises (« mixité sociale », « éco-quartiers ») ou de dispositifs écrans (« logement social », « accession à la propriété », « application de la loi SRU », etc.).
La « mixité sociale », cette mixture socialiste…
Ce numéro 37 détaille donc de quelles briques sont faites nos habitations. Chiffres et arguments à l’appui, il expose les bilans déplorables de la mairie lilloise et de sa métropole. Il met en lumière l’embourgeoisement du quartier de Wazemmes, et propose une excursion critique au Bois Habité, paradis aseptisé des cadres. Il donne la parole à celles et ceux que les offices HLM enferment dans la misère, et met en lumière certains pans de l’histoire urbaine lilloise, qui permettent de mieux saisir la situation actuelle.
Tous ces reportages, enquêtes et témoignages convergent pour dire combien la rengaine de la « mixité sociale » renferme une double illusion : d’abord, parce qu’elle demeure largement introuvable. Ensuite, parce que lorsqu’elle existe, elle se fait au bénéfice des classes aisées, et donc au détriment des plus pauvres. Au-delà, le canard dévoile des manières de se réapproprier nos espaces de vie – expériences forcément limitées, mais qui donnent de l’enthousiasme et des raisons d’agir.
Nouvelle alliance de classes
Enjeu public, le logement est aussi un business privé. Si ce numéro de La Brique se concentre sur les responsabilités politiques, c’est que la question du logement et de l’habitat n’est pas un thème de campagne parmi d’autres. À travers elle, c’est toute l’équation socialiste telle qu’elle s’est constituée depuis trente ans qui se trouve mise à nu : les pauvres n’ont pas d’argent (et font donc de mauvais foyers fiscaux), pas plus qu’ils ne votent pour les socialistes. Les fractions aisées des classes moyennes, elles, votent massivement pour ceux qui agitent les gadgets écolos et culturels. Les noces du socialisme avec les gentrifieurs représente une nouvelle alliance de classe dont il faut aujourd’hui bien prendre la mesure : le PS n’a aucun intérêt commun avec les pauvres, et donc tout à gagner à ce qu’ils disparaissent.
Le collectif de rédaction