On a fait le bilan, calmement. Plusieurs personnes du journal nous ont quittés, d’autres sont arrivées. On s’est aussi dit qu’on voulait changer quelque chose, rompre avec la routine à laquelle nous astreint l’exercice journalistique. Trouver un nouveau rythme, bouger notre manière d’aborder l’actualité régionale, revoir sa présentation – bref, offrir un nouveau plumage à ce canard. C’est que même « libre », la presse n’est jamais à l’abri du ronron et de l’enlisement.
On a fait le bilan, et on s’est aussi dit qu’après six ans d’existence, il serait temps de mettre un peu d’ordre dans tous les fragments et matériaux critiques amassés au fil des mois. À force d’aligner articles, reportages et enquêtes sur les grands projets politiques et patronaux, il fallait reconstituer une vision cohérente de ce qui se trame sous la grisaille de la nécropole lilloise.
Municipales rose pâle
Rien de tel que la perspective d’une élection municipale pour nous ouvrir l’appétit. Non pas qu’on accorde beaucoup d’importance à ce calendrier du pouvoir. Mais au fond, notre bilan, c’est aussi celui du règne d’Aubry et de sa clique. L’occasion est trop belle de gâcher la fête, et d’enrayer la propagande auto-satisfaite qui s’apprête à dégorger. Celle qui repeint Lille tantôt en ville populaire et accueillante, tantôt en métropole tertiaire et rayonnante. On a donc cherché à rétablir certains faits, à restituer la manière dont le socialisme hégémonique dessine un avenir qui ne profite qu’à quelques uns.
On ne va pas se mentir : le scrutin qui vient n’a pas de quoi faire frissonner. La démocratie locale est dans un état de décomposition particulièrement avancé. En guise de « démocratie », on a surtout affaire à un parti aussi tout-puissant qu’il est peu légitime. D’un côté, le Parti socialiste a verrouillé l’essentiel des instances municipales, communautaire, départementale et régionale. De l’autre son leader, Martine Aubry, maire de Lille et présidente de Lille Métropole, a été élue avec à peine 27 000 voix. 27 000 voix, pour environ 124 000 inscrits : à peine un électeur sur cinq soutient l’actuel monopole socialiste. Pour bien faire, l’essentiel du pouvoir est confisqué par Lille Métropole, arène bétonnée soustraite aux suffrages et qui fonctionne au consensus gauche-droite.
Les combats politiques se sont aplatis sur les luttes internes de pouvoir : Daniel Percheron, président du conseil régional, s’endort en pensant à la meilleure manière de torpiller le premier adjoint au maire Pierre de Saintignon – et réciproquement. Aubry est occupée à recaser ses proches tous azimuts. Europe Écologie les Verts s’apprête à mettre en œuvre les douces prescriptions marketing contenues dans son guide de campagne municipale : sondages téléphoniques, « pré-campagne de notoriété », cartes de visite, etc [1]. Le Parti Communiste opte au premier tour pour une ligne autonome dans le cadre du Front de Gauche : reste à voir si au second tour ses responsables se satisferont de quelques postes aux côtés du PS, du Modem et des Radicaux de Gauche (de droite).
Un programme pour nos lecteurs et lectrices
Comme lors du précédent scrutin, et conformément à notre ligne éditoriale, vous ne trouverez donc nulle consigne de vote – ou de non-vote – dans nos pages [2]. Par contre, si on peut mettre en lumière quelques-unes des zones d’ombre de la « métropole attractive », ou fissurer ce consortium du consensus qui fait parler d’une même voix mairie, LMCU, médias et patrons, alors on s’en sera déjà pas trop mal sortis.
On vous a donc concocté trois numéros thématiques. Le premier volet, chez vos marchands de journaux actuellement, prend d’assaut la question du logement et de l’habitat. Le prochain visera l’un des totems de la propagande Aubry : cette « culture » élitiste produite par Lille3000 et consorts. Le dernier filera quelques coups de latte à ces pouvoirs qui, au niveau local, encadrent quotidiennement la mise en place des grands desseins politiques et patronaux. Et comme on nous reproche souvent de râler beaucoup et de ne pas proposer grand chose, on a même décidé de relayer des expériences qui nous paraissaient bonnes à cogiter.
Problèmes de tune oblige, on a décidé de restreindre la diffusion sur la métropole et de baisser le grammage du papier. Les curieux et les curieuses de Dunkerque ou Abbeville devront donc s’abonner. Mais pour fêter la rentrée, on a quand même voulu vous mettre tout confort avec quatre pages de rab, et une nouvelle maquette aux p’tits oignons. Vous pouvez toujours suivre le site internet (labrique.net), qui fera bientôt lui aussi peau neuve et proposera un contenu différent du journal. Voilà donc notre programme. Il est pas bien budgété, mais réaliste. La nouvelle Brique, c’est 49 grammes, et autant de balles pour ces municipales.
Le collectif de rédaction
[1] Pour d’autres horreurs du genre, se reporter à la partie V du livret disponible sur conseils-elections.eelv.fr/le-livret-municipales.
[2] Voir le numéro 6 de La Brique. Putain, six ans déjà…