On ne pouvait pas parler de LMH sans laisser la parole aux premières personnes concernées. Nous avons décidé de nous rendre à la barre Marcel Bertrand. Située au métro Porte d’Arras à deux pas du périphérique, elle est impossible à rater. C’est également une des plus connues de Lille parce qu’elle fait les choux gras de la presse locale : « Opération de police » ou « de reprise en main », saisie d’armes ou de drogue, démantèlement de trafics. La Voix va jusqu’à la surnommer « la terrible ». Vous l’aurez compris, la barre Marcel Bertrand, gérée par LMH, tout le monde s’essuie dessus. Quand elle ne terrorise pas ses lecteurs en stigmatisant tout un quartier, La Voix du Nord se fait un plaisir de relayer les opérations de communication propagandesques de LMH. C’est ainsi qu’on a pu lire que 200 000 euros auraient été utilisés en 2012 pour rénover « le bloc » comme des habitants l’appellent (La Voix, 07/04/11). Ça nous a décidés d’autant plus à y faire un saut pour demander leur avis à ces derniers. Et sauf peinture ultra chère, les 200 000 euros restent un mystère entier.
Un homme, la soixantaine, sur le parking : « On vit mal ici. C’est la souffrance. Je suis ici depuis 1976. L’ascenseur est continuellement en panne. J’ai soixante ans. J’habite au septième étage. S’il y avait eu des travaux ça se verrait, non ? Ce serait bien clair et là c’est tout pourri. Dans mon logement j’ai des problèmes d’humidité. Ça vient de la façade. LMH me dit d’ouvrir les fenêtres ! Et le chauffage alors ?? L’année dernière on était morts de froid. Il faut couvrir les bébés. Si on se plaint de quelque chose, LMH nous dit que c’est la faute de nos enfants. En fait, ils décident comme ils veulent et en attendant personne ne vient voir ce qu’il se passe et nous on pleure. »
Dans le salon, avec un père et sa fille : « Quand on demande quelque chose, c’est nous qui devons appeler nous-mêmes les entreprises. Si on a une fuite, ils ne sont pas capables de réparer le problème. LMH nous dit d’aller voir le surveillant, mais je sais très bien comment ça marche avec le gardien : il faut passer des enveloppes, lui donner de l’argent, sinon ça n’avance pas. C’est pour ça que LMH change souvent d’entreprises je pense. Cette année, on a dû faire une pétition pour le chauffage. Tout le bloc a signé parce qu’on n’avait pas de chauffage, ou très peu. LHM disait qu’on avait qu’à mettre des couvertures. J’ai demandé en 2005 de changer les fenêtres de la chambre des deux petites. Ça a été fait en 2013. Mais quand il pleut ça fuit encore, alors on m’a dit de refaire le joint moi-même. Quand j’ai eu un problème de chaudière, on m’a dit d’essayer de le faire moi-même aussi. Je suis dégoûté pour tous les gens qui habitent ici. On ne peut pas faire venir de la famille. C’est pas une entrée qu’on a, c’est une cave. »
Elle squatte son logement avec ses cinq enfants : « Je suis ici depuis six mois. J’avais fait une demande en 2002. J’ai cinq enfants, avant j’habitais à Bois Blanc dans un appartement avec une seule chambre. Je travaille dès 5h30 le matin et puis encore le soir de 18h à 21h. Pourtant je n’ai eu aucune proposition de logement. Ici c’est moi qui ai forcé la porte du logement. Il était vide ! J’ai proposé à LMH de payer des loyers mais ils refusent. LMH a porté plainte. La police m’a convoquée au commissariat : elle m’a dit que j’avais bien raison, que je n’allais pas aller dehors avec mes enfants. Du coup, je n’ai pas de porte, c’est moi qui ai dû la changer et pour les fenêtres qui étaient cassées, c’est moi qui ai mis des planches. »
Elle nous parle dans le hall, son bébé dans les bras : « C’est vraiment des bâtards. Faut nous sortir de là. C’est plein d’humidité. Les fenêtres on doit les laisser ouvertes, même quand il pleut. On a eu la porte explosée par une perquisition, alors maintenant on n’a cette plaque de taule à la place. Pour le chauffage, on est obligés de gueuler. Même allumé, on est obligés de mettre du chauffage électrique alors qu’on paie 70 euros par mois de charge pour le chauffage. On a fait une demande de mutation bien sûr, mais pour nous pas de proposition : on ne travaille pas alors on est mis de coté. LMH je les appelle au moins une fois par mois. Ici c’est plus possible. Les enfants, ils sont en prison même à la maison. »
Sur le parking, un homme revient de la pharmacie : « J’appelais souvent LMH, maintenant je ne dis plus rien. Si j’ai un problème, j’appelle ma famille. J’ai fait une demande de mutation il y a cinq ans maintenant, je n’ai aucune nouvelle. »
Il fume une cigarette en bas du bloc : « C’est difficile surtout pour les enfants et les personnes âgées. Je déménage en janvier normalement, après quatre années d’attente. Mon loyer est toujours à jour et je travaille en intérim. LMH me propose un logement Porte de Valenciennes. Ici il n’y a rien qui est fait, juste la peinture de la façade (sur quelques mètres de hauteur). J’avais fait une demande pour changer les fenêtres, c’est toujours pas fait. Les jeunes d’ici sont bien. Ils ne vont pas faire de conneries d’autant que leurs parents ou leurs grands-parents habitent là. Regardez les boîtes aux lettres, vous voyez bien qu’ils ne font pas de travaux. On fait les choses par nous-mêmes, sinon on peut toujours attendre. Au bout de trois, quatre mois, tu te mets au travail toi-même. Ça fait dix-sept années que je vis ici. Rien n’a changé, c’est de pire en pire. Un jour, ma femme étendait du linge sur le balcon, un bout en béton du balcon du dessus lui est presque tombé dessus, ça l’a frôlée ! J’ai appelé LMH, on m’a dit de voir ça avec mon assurance. Eh bien j’ai fait les travaux tout seul. On ne va plus sur le balcon, on a peur. L’ascenseur c’est pareil, normalement il doit être réparé sous 48h. Il reste quinze jours, trois semaines en panne alors qu’il y a des handicapés qui vivent ici. On déclare les problèmes, mais ça ne suit pas. La démolition ? On l’attendait en 2004, 2006, 2008, 2010, 2012, maintenant c’est 2015 ! Et si je pars en janvier, je suis certain que quelqu’un va prendre ma place. »