Cette expérience d'être « petit.e », on l'a tou.tes un temps partagée. Elle a contribué à nous construire, que l'on soit libertaire ou réactionnaire. L'encadrement des gosses vise donc assurément à reproduire l'ordre établi et c'est cela qui nous révolte. Ce dossier revient donc sur les logiques de l'oppression qu'ils et elles subissent… mais aussi sur les formes d'émancipation à explorer. L'exemple des conseils municipaux d'enfants témoigne de la difficulté des institutions à se dégager d'une vision de l'enfance associée à l'ignorance et à l'innocence. La plupart des écrits et des discours sur le statut des plus jeunes relèvent de la déploration : ils et elles ne seraient pas assez ceci ou bien trop cela – et c'était toujours mieux avant. Écouter les enfants et leurs aspirations, c'est balayer le rôle social auquel on cherche à les assigner : celui d'une population effectivement infantilisée, réduite au silence et rendue dépendante d'institutions et de personnes qui décident pour elle.
À l'inverse, à l'instar de Célestin Freinet et Fernand Deligny, de nombreux pédagogues font de l'enfance le temps d'un apprentissage de l'insoumission. Alors que l'école est menacée par une offensive réactionnaire à coups d'ordres et d'humiliations, certaines expériences comme celle de l'école Freinet de Mons-en-Baroeul laissent entrevoir une société où adultes et enfants sont considéré.es comme des êtres capables de se saisir de la question politique. En miroir, c'est bien de la société dans son ensemble dont il est ici question : questionner le statut de mineur interroge plus largement les dominations qui entourent notre quotidien, remet en cause ces rapports de pouvoir qui empêchent chacun.e d'exprimer son inventivité, sa fantaisie, son individualité, ses idées et sa liberté. L'enjeu est de taille et la question n'est pas tant de se demander quel monde nous laisserons à nos enfants, que de savoir quels enfants nous allons laisser au monde.