Chaque vendredi soir, à partir de 19 h, les client.es-membres du bar La Citadelle sirotent des bières dans un décor rustique : feuilles de houblon suspendues au-dessus du comptoir, drapeaux flamands, tables en bois et statue de Jeanne d'Arc. Sept mois après l'ouverture officielle de ce local affilié extrême droite, petit retour sur quelques uns des agissements sur lesquels le bar construit son réseau via la figure centrale de son boss, Aurélien Verhassel.
Officiellement, le patron du 8 rue des Arts, Aurélien Verhassel, prétend qu'il est consultant en com' politique pour « des élus à l’aile droite des Républicains » et qu'il fait copain-copain avec des « jeunes UMP ». Étrangement, personne ne l'a vu, à part nous, se faufiler en toute discrétion à la sortie des meetings de Les Républicains pour distribuer ses tracts. Il faut dire que Génération identitaire, dont Verhassel est aussi le leader, aime avancer masqué et multiplier les casquettes selon les situations. Dans la rue, le groupuscule inter-vient sous le nom de Génération solidaire, offrant du café pour « aider le blanc qui a faim et froid dans la rue »1. Cette action humanitaire s'accompagne d'un slogan qui les positionne clairement à l'extrême droite : « Les nôtres avant les autres. » Sur Internet, on les trouve sous l'appellation de Nord solidaire et on apprend que Verhassel est aussi responsable du collectif Les Hauts-de-France sans migrants – lequel, bien sûr, ne mentionne pas le groupe identitaire sur sa page Facebook (3 800 likes, tout de même).
Mêmes canailles
Il n'y a pas que sur Internet que Verhassel brouille les pistes et multiplie les connexions. Bien qu'officiellement le FN et Génération identitaire ne soient pas sur la même ligne politique, les deux groupes savent se montrer un respect mutuel. Philippe Émery, vice- président du groupe FN au conseil régional, déclare à la presse régionale « certainement » vouloir boire un coup à La Citadelle. Il n'y a pas qu'autour d'une bière que nos larrons se trouvent réunis, ils ont aussi en commun les conférences organisées par le Cercle bourguignon, cercle de réflexion qui organise des conférences et où la fine fleur de l'extrême droite littéraire dégueule ses théories identi-taires. On pourra y croiser par exemple Laurent Obertone, auteur de l'essai très polémique La France orange mécanique. Verhassel sait leur rendre la politesse. En bon ancien du FNJ, il ne manque jamais une occasion d'aller aux meetings du FN (Marine Le Pen, Nicolas Bay, Marion Maréchal Le Pen, Julien Rochedy).
Les mauvaises fréquentations de Génération identitaire ne s’arrêtent pas là puisqu'elle traîne dans son sillage la crème des néo-nazis lillois. Verhassel est un ex-cadre d'Insula, branche jeunes de l'ancienne Maison du peuple flamand dont l'initiateur, Claude Hermant (un ex du service d'ordre du FN) coule des jours heureux en prison, soupçonné d'avoir fourni des armes à Amedy Coulibaly, auteur de l'attentat de l'Hyper Cacher à Paris. Ce passé proche laisse des traces, comme en témoignent ses amitiés avec Yohann Mutte et Thomas Szkatulski, auteurs de multiples agressions dont la mise à sac du Resto soleil (trois blessés) ou du bar gay Le Vice versa (trois blessés aussi).
Il n'a pas fallu attendre longtemps après l'ouverture de La Citadelle pour que des identitaires fassent du grabuge en centre-ville et agressent une dizaine de jeunes militant.es communistes en novembre 2016.
Citadelle Papers ?
Bref, voilà sept mois que ce bar raciste a été officiellement inauguré. Pourtant, samedi 25 mars 2017, La Citadelle fête ses deux ans. Si le projet était dans les cartons depuis 2013 – date où les statuts sont déposés en préfecture – le local est occupé depuis janvier 2015. Le temps pour la clique de passer un coup de peinture à 20 000 €. Si l'on ajoute le prix estimé de la location, les honoraires d'agence, la TVA et le dépôt de garantie, le total peut atteindre la coquette somme de 16 800 € par an. Soit 51 200 € déboursés avant même l'ouverture du local et les premières recettes de ce com-merce. Notre estimation n'y va pas avec le dos de la cuillère mais la question reste posée : d'où vient tout ce pognon ? Sans doute pas de la fortune personnelle de Verhassel, qui ne tire aucun revenu de ses activités professionnelles.
Harry Cover
1. Verhassel dans l'édito de Citadelle Mag, n°1, mars 2017.