Depuis 1999 le réseau de site internet Indymedia permet à des militant.es du monde entier de publier des textes de façon anonyme pour se protéger de la répression. Fin 2017 se tient le procès des personnes accusé.es d’avoir incendié une voiture de flic durant une manifestation contre la loi travail. Plusieurs actions de soutien aux accusé.es ont lieu et des communiqués sont postés sur Indymedia Grenoble et Nantes pour rendre visibles les mobilisations.
Suite à ces publications, l'État, au travers de l'office central de lutte contre la cybercriminalité, exige leur retrait. Les équipes des Indymedia refusent. Le gouvernement veut alors ordonner le blocage et le déréférencement des sites mais pour cela il lui faut l'avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) qui s'y oppose. En effet, cela ne peut se faire que si le site refuse de supprimer dans les 24 heures un contenu à caractère « terroriste » (avec des guillemets suffisamment gros pour recouvrir tout et n'importe quoi). Or la CNIL considère que ce n’est pas le cas ici car les enquêtes ouvertes sur les actions de soutien ne sont pas dans le cadre de l’anti-terrorisme. L’État se passe de l’avis consultatif de la CNIL et réclame le blocage et le déréférencement des sites auprès des fournisseurs d’accès à internet et des moteurs de recherche.
La CNIL porte alors l'affaire devant le tribunal administratif en décembre 2018. Le tribunal, dans sa décision rendue le 31 janvier 2019, considère que ces actes ne représentaient pas un caractère « terroriste » et a donc annulé les demandes de suppression d’articles et de blocage et deréférencement des sites.
Les Indymedia sont donc sauvés, mais pour combien de temps ?
Cette tentative de bâillonnement n’est que l’énième attaque d’une longue liste contre des médias militants : procès contre le Jura Libertaire pour « Insulte à l’autorité de l’État » ou encore pour diffamation du groupe Bolloré avec Bastamag.
Ces détournements des lois antiterroristes servent de plus en plus pour réprimer les mouvements sociaux. On peut le voir dès leurs origines, dans les lois dites scélérates qui visaient le mouvement anarchiste à la fin du XIXè siècle jusqu’à la façon dont, plus récemment, l’état d’urgence a été utilisé pour réprimer des militant.es écologistes en 2016. Et cela jusque dans les discours des dominant.es, comme lorsque Pierre Gattaz, en 2016, n’hésite pas à comparer la CGT à des terroristes lors des mouvements contre la loi travail.
Bonne nouvelle pour les États, un nouveau moyen de (ré)pression est en cours de préparation par l’Union Européenne, sous l’influence de la France et l’Allemagne, avec la proposition d’un règlement « relatif à la prévention de la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste » qui doit être voté le 1er avril prochain. Il obligera tout acteur du web (hébergeurs de blog ou de vidéos, sites de presse, petits forums ou grands réseaux sociaux) à bloquer dans l’heure n’importe quel contenu signalé comme « terroriste » par la police (sans l’autorisation préalable d’un juge) et à lui-même mettre en place un système de détection et de filtrage automatisé des contenus « illicites » pour devancer les demandes de la police.
Si ce n’est pas respecté, l’acteur.rice risque une amende allant jusqu’à 4 % de son chiffre d’affaires.
Ce règlement va encore amplifier les pouvoirs de censure politique de la police qui peut se passer de la justice pour imposer la norme établie par l’État. La pression financière va aussi pousser les sites à supprimer plus que nécessaire pour éviter les amendes et enlever tous contenu semblant critiquer l’État.
En attendant de voir ce que ça donne, on lâche rien, on les soutient et on souhaite courage à tout le réseau Indymedia ! Et n’hésitez pas à aller faire un tour sur notre Indymedia local. Il est accessible à l’adresse lille.Indymedia.org et contient plein de textes et rendez-vous critiquant l’État et sa norme !
John Trent