Ouvriers les yeux sur l’immonde du travail
A travers de fins barreaux, regardant fondre la poussière, la lumière reste en lambeaux
On se regarde en terre à terre, yeux dans les yeux, face sur le sol
Abrités sous les tôles désossées d’un cadavre
Les mains rougies par la suie, noires de sang, bleues de travailler sans peine
En ce retour à la maison sous le poids harnaché au corps réside la lourdeur du salaire
Sans rien à venir qu’une flaque de mépris qui les regarde de haut, de loin, morte.
Plaine de cendres, briques enfumées, fourneaux en souffrance, cris qui montent, là, doucement
Sous la terre, en tête à tête avec un noir profond, et rien qui les attend, rien
Ouvriers les yeux sur l’immonde du travail
Dans le blanc de leurs cols se reflètent le silence puis saute par la fenêtre d’une veuve devenue stérile mais qui regarde les corps coupés, lasse, et rien qui les entend, rien, la tête tombe, roule à leurs pieds
Mille ans d’errance, presque toujours les mêmes jours, presque toujours les mêmes nuits
Souffrance, travail, famine, patrie, médaille accrochée au revers de leur dégoût, trophée trop lourd, corde au cou
Ouvriers les yeux sur l’immonde du travail
Lâcher prise, regarder petit, perdre pire dans la bataille, regarder partir les jours sans rien, sans personne, sans se sauver en retour
De guerre lasse, ne même pas savoir si l’on a gagné le droit de rallumer la mèche, sauter dans la mine, se relever et reprendre part au repas des hyènes, les os glacés, les mains moites, la gorge sèche
Ouvriers les yeux sur l’immonde du travail
Il est temps que tire la fronde... Jeter le caillou de sa godasse et rabattre le pavé
Lave la peine, soigne la gueule, brique la haine, se regarder dedans et leur cracher au visage, sans violence mais avec joie
Ouvriers les yeux sur l’immonde du travail
Fermer ses mots c’est attraper la migraine et le corps chute alors aux pieds de leurs statues
Pigeons contre charognards, ce jour est un grand soir
Ouvrons les yeux sur l’immonde du travail et luttons en chiant sur leurs stèles
En mémoire de ceux qui de leur nuit firent notre matin… jusqu’au grand soir.