Eolane est un fabricant de matériel électronique. Implanté en France, en Chine, au Maroc, en Estonie et en Allemagne, le groupe crie cocorico et se présente comme « leader français des services industriels en électronique et solutions connectées ». Parmi ses clients, la crème de l’industrie : Thalès, Safran, EADS ou encore Rolls Royce. Son président, Paul Raguin, se revendique sur le site de la boîte de La légende du colibri initiée par Pierre Rabhi, arnaque langagière qui, selon le boss « privilégie les solutions locales, qui sont en prise sur le réel et le terrain, par opposition aux solutions globales qui génèrent un grand désordre qui nous dépasse. […] Alors, Eolane sera une entreprise constituée de personnes exemplaires où il sera possible de travailler ensemble dans la joie. »
Une joie que n’auront sans doute plus la chance de connaître les salarié.es des sites de Vailhauquès (Hérault), de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) et les 125 salarié.es du site de Roncq. Pour Sébastien Chatelier, directeur général en charge de la « transformation et du développement », et neveu du fondateur, les solutions locales ont un tout autre sens : « En France, nous sommes en surcapacité industrielle : nous avons trop de sites et trop de moyens humains pour rester compétitifs. »
Licenciements et délocalisations made in France
Bien que les sites aient des carnets de commande bien remplis – l’usine de Roncq réalise à elle seule 26 millions d'euros du chiffre d’affaire – la majorité des salarié.es est payée au SMIC et le groupe annonce sa réorganisation sous le joli nom de Cap 2020 : « Nous sommes à l’affût d’opportunités à l’étranger ». Pour Kamel, délégué syndical : « Ils veulent augmenter les marges en développant à l’étranger. En réunion de comité de groupe, on ne parlait déjà plus de mon entreprise, je me demandais même ce que je faisais là. » En cause, la nouvelle « gouvernance » du fond d’investissement français, Hivest Capital Partners, entré au capital en juillet 2017. Celui-ci se présente comme une « société française » qui lève « des fonds dédiés aux PME françaises » dont une bonne partie provient de la banque publique d’investissement et du fonds européen d’investissement. Kamel bouillonne : « on va être licenciés avec de l’argent public ! »
Monologue social
Malgré les efforts des salarié.es, la fermeture est prononcée fin septembre. Et le groupe ne fait pas dans la dentelle. Le 18 décembre, un panneau « À vendre » est hissé sur le site de l’usine. Fin janvier, un nouveau responsable est nommé. Des négociations ont été ouvertes : « On nous a d’abord fait miroiter qu’on tombait sous le coup de la loi Florange, qu’il y aurait un repreneur. Or quel repreneur pourrait reprendre le site de Roncq sans carnet de commandes et sans machines ? »
Aujourd’hui, la direction n’est pas en état de garantir le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui donnerait des « avantages » liés à un licenciement économique : négociation de la durée de congés de reclassement, accès à des projets de reclassement et des formations. L’état de la trésorerie de Roncq laisse craindre le dépôt de bilan, qui laisserait encore plus les salarié.es sur le carreau.
Les employé.es sont donc en grève illimitée depuis le 23 février. Le 26, une photo est publiée sur Facebook : on y voit la voiture du nouveau directeur surnommé « Monsieur le liquidator » entourée de pneus, et plus loin un tas de palettes couronnées virtuellement d’une flamme. Il n’en faut pas moins à l’individu pour contacter un huissier, téléphoner à la préfecture et rencontrer un commissaire de police. Il annonce : « Je doute que la grève "illimitée" soit suivie très longtemps. On verra lundi. Cordialement. » Ouais, cordialement !