La Brique connaît un peu Claude Hermant. Lorsque La Voix du Nord faisait la pub de la Maison Flamande, on rétorquait ‘’Tiens, un plan com' pour les fachos’’. Lorsqu’il serrait des pinces aux flics en manif, on prenait des notes. En peu de temps, à force de l’entendre plastronner sur l’internet, dans la presse, à la TV, on s’était à notre tour tenté de croquer l'animal. On était encore loin du compte. Pourtant, on l’observe depuis longtemps, gesticuler et pérorer, entre la boxe thaï, le paintball, la moto, le patriotisme folk, la bière, et sa carrière d'amant retraité des armes, du service d’ordre du Front National à la section de recherches de Villeneuve d’Ascq, sa carrière de politicard avortée, de ses alliances avec Serge Ayoub, leader de troisième voie et des jeunesses nationalistes révolutionnaires à celle avec Luc Pécharman, « idéologue » de la Maison flamande.
Mais voilà qu’aujourd’hui, pour reprendre l’expression, désarmante de banalité, la réalité a rattrapé la fiction : Hermant entame son 34e mois d’incarcération à Annoeullin. Il a demandé dix fois une remise en liberté. Que dalle. Il vient de payer le tarif en vigueur, pour son activité si périlleuse d’indicateur immatriculé et rémunéré de la gendarmerie et des douanes. Il vient de prendre sept ans fermes et 30.000 € d’amende pour un commerce d’armes concernant des centaines de flingues, fusils, fusils-mitrailleurs, pistolets-mitrailleurs et des milliers de munitions. Six de ces armes sont des pistolets Tokarev TT 33. Elles ont été retrouvées dans l’arsenal utilisé par Amedy Coulibaly, le 7 janvier 2015 et importées par … Claude Hermant.
Uberisation de la milice
Comment un célèbre militant d’extrême-droite, a priori couvert par les gendarmes, est-il parvenu à armer un djihadiste pour tuer des flics et des juifs ? Une histoire française ? Le « fusible » de la République a-t-il bel et bien fondu dans son rôle, son rôle de « con de l’histoire » ? La hiérarchie et les doctrines de gestion des sources de la gendarmerie, si fort à propos classées confidentiel-défense, ont-elles autorisé une partie des exactions avant qu’elle ne leur échappe carrément ? La police judiciaire, alertée dès 2014 des activités de Claude H. par une autre star locale, l’ex-patron des RG Philippe Patisson, a-t-elle diligenté une enquête, ne serait-ce que pour stopper le bonhomme et tous ses semblables à sa suite, comme en chasse le ferait un leurre ? Enfin, une cour de justice, civile, a-t-elle les moyens de juger et condamner des militaires, voire d’établir leur niveau de responsabilité, devant des classifications voire des parjures ? Ou le scénario plus digeste, Hermant-a-fait-ça-pour-sa-pomme-en-enflant-tout-le-monde, peut-il être satisfaisant ?
La Brique propose dans ses prochains numéros une chronique du procès d’Hermant. On y retrouva le président du tribunal, Marc Trévidic, ancien juge anti-terroriste et placide commandeur du tribunal qui a jugé le larron et ses fidèles assesseurs ; la clique des RG lillois, les procureurs et gendarmes, joueurs d’allumettes ; les avocats des 10 prévenus, parfaits hypocrites de l’économie verbale, leurs troubles, leurs mensonges manifestes, leurs maladresses échappées, leurs lapsus ; Samir L. et Anthony L., complices supposés dans le transit des fameux Tokarev vers Paris ; et quelques barbouzes dont, Sébastien L, agent de renseignement des douanes. Bref, 50 heures de procès présentées dans les moindres détails, car huis-clos ou non, on a tout bien retenu.
À une époque où d’autres procès en cours condamnent lourdement des camarades, où des voitures de gendarmerie partent en fumée, et où les sites Indymedia comptent leurs jours, on mesurera peut être un poil mieux, à quelle vitesse, à quelle température, et à quel prix, du 11 au 16 septembre dernier, la démocratie s’est fondue dans le fascisme.
S.L.