Mars 2016, le collectif de La Brique s’active sur un futur numéro « santé ». Une fois n’est pas coutume, on est moins à l’arrache que d’habitude. Mais dehors ça pète. La manif du 31 mars contre la loi travail, à Lille comme ailleurs en France, est un tournant : des milliers de personnes défilent, bien déterminées à établir un rapport de force face à un gouvernement sourd et méprisant. L'État abat son bras armé sur la place de la République lilloise, transformée en défouloir policier en quelques minutes. On ne peut pas rater ce mouvement. C’est dix ans plus tôt, à la suite du CPE, que notre canard est sorti de son œuf. Notre collectif décide de remettre le numéro santé à plus tard, pour se concentrer sur l’agitation sociale ambiante.
Nuit debout démarre en fanfare, on suit les tâtonnements de ce mouvement. Rapidement, les discussions et actions se complètent. Après de gentilles « casserolades » sur le passage d’Aubry, un groupe d’étudiant.es, précaires, interluttant.es, nuit deboutiste (et on en passe) occupe le centre des impôts tandis qu’une manifestation prend des chemins de traverse, au grand dam des flics. Ça bouillonne. Le bloc anticapitaliste grossit, constitué de personnes aussi variées que motivées. Les façades mornes des locaux du PS, d’Apple Store, d’Air France, du Printemps, de commissariats prennent des couleurs aux rythmes des manifestations et des escapades d’amateurs de peintures à l’extincteur.
Odeurs printanières
Les douces odeurs du printemps sont relevées par des relents épicés de fumigènes et de feux d’artifices qui envahissent les défilés, par la fumée âcre des pneus qui brûlent sur les barrages du dépôt de carburant de Douchy et sur l’A25. Mais les gaz lacrymogènes brûlent le nez. La répression a toujours sale gueule. Les flics vénères fracassent de l’étudiant.e en manif. Les juges aux ordres du ministère de l’Intérieur criminalisent le mouvement. L'État, féroce, sort les crocs. On pense aux personnes humiliées, aux blessé.es, aux condamné.es. Et à Antoine, militant syndicaliste arrêté en début de manifestation, incarcéré en attendant son procès le 9 juin.
La stratégie du pouvoir : diviser
Physiquement, les cortèges sont scindés entre « bons et mauvais manifestants » tant par les flics que les services d’ordre de certains syndicats. Idéologiquement, La Voix du Nord fait son boulot de fossoyeur de la contestation, pendant que des directions de centrales syndicales condamnent « des violences » des manifestant.es sans le moindre recul, se mettant leur base à dos. Un exemple de plus qui montre à quel point le pouvoir, qu’il soit dans les mains des gouvernants, des réactionnaires ou des progressistes, est nocif. Quand les manifestations débordent, c’est aussi la base qui aspire à déborder. Il est entendu que les avancées ne se font pas à coup de dialogue mais que c’est par le conflit que l’on peut faire face à un gouvernement.
Occupons tout
L’amphi Archimède à Lille 1, l’Insoumise, la place de la République, le Théâtre du Nord sont autant de lieux qui permettent à la lutte de prendre corps. En Italie, en Espagne et en Grèce, l’occupation des espaces est une force politique éprouvée. C’est en incarnant les mouvements dans les espaces publics tels que les places, les facs, dans les squats, les théâtres et tous les lieux de pouvoir que les gens se rencontrent, combattent et renversent le rapport de force.
La lutte est une fête
Alors créons des ponts entre les luttes émancipatrices et idéologiques, qu’elles soient contre des lois ou des frontières. Migrant.es de Calais, des Olieux et d’ailleurs, étudiant.es d’Archimède, autonomes, féministes, ouvrier.es, syndicalistes ou pas, précaires, aux interluttant.es et tous les autres, faisons bloc, contre l’État, contre sa loi ! Et dans toute cette effervescence, rappelons-nous que derrière les conflits, les affrontements, les revendications, la lutte est une fête.
Le collectif de La Brique