Nous vivons une époque trouble ; chacun et chacune se demande à quel désastre politique le prochain ou la prochaine présidente nous conduira. On peut en sourire, rester grave, pencher cynique…Une certitude pourtant : il y a quelque chose d’absurde à contempler le rituel pathétique de ces élites politiques et médiatiques en espérant de leur part la moindre chance de salut. Pourquoi ne pas se prendre au jeu ? Ces comédiens de la propagande, même mauvais, peuvent toujours donner le change à un quotidien trop banal.
Une chose est sûre : ces saltimbanques des hautes sphères ont du pouvoir. Alors à chacune et chacun de pronostiquer, d’en déduire ses stratégies (vote blanc, utile, nul, tactique, protestataire, absentention active ou passive). C’est idiot, le sort de La Brique en dépend peut-être… Ainsi que le quotidien d’une multitude suspendue à des législations plus ou moins douteuses. En dépend notamment le sort de milliers de voyageurs des temps modernes à qui la police donne la chasse à Calais, Lille et ailleurs. Ces gens que l’on qualifie avec méfiance « d’immigrés », « clandestins », « sans papiers », celles et ceux qui au risque de leur vie ont traversé des continents, dépensé leur fortune afin d’échapper à la misère ou à la mort. Le phénomène n’est pas nouveau : depuis la nuit des temps les êtres humains ont parcouru les plaines et traversé les montagnes à la recherche d’un lieu tranquille pour y vivre. Depuis la nuit des temps aussi l’Etranger est perçu comme une menace et traité en ennemi par un égoïsme qui voudrait que l’on ne peut partager pouvoir ou richesses.
En France, on se souvient des déclarations racistes de nombreux dirigeants politiques, préparant le terrain à des législations sécuritaires empêchant les travailleurs étrangers de pouvoir bénéficier des même droits que les autres, donnant toujours plus de pouvoir à une justice belliqueuse. On se souvient des traques policières commanditées sans discontinuité par tous les gouvernements successifs depuis Giscard. Depuis plus de trente ans, la classe politique installe un régime de séparation présentant l’Etranger comme un « problème à régler ». Elle ne chôme pas la classe politique : matraquage des sans-pap’ occupant la mairie de Lambersart (jeudi 19 avril), procès intenté par l’Etat contre un média libre, Indymedia Lille (voir communiqué p.9).
La Brique ne rentrera pas dans le débat du pour ou contre celui-ci ou celle-là, non qu’il nous importe peu de savoir ce qui nous attend, bien au contraire. Nous pensons que c’est à nous, à vous, de prendre en charge la question politique. C’est pour cela que ce journal existe, c’est pour cela que vous existez. L’accueil de l’Etranger, qui n’est autre que notre voisin, est de notre responsabilité ; et s’il faut outrepasser des lois pour ce faire, La Brique sera toujours là pour témoigner du bien fondé de cette transgression, la démocratie se défendant avec la loi et souvent aussi contre elle.
La Brique n’est pas une alternative, c’est une possibilité parmi d’autres. Elle a ses défauts (« mise en page pourrie », « des photes d’ortaugrafes », « nette tendance à la critique méchante », « écrit trop petit », « pas de poésie »), on ne peut le nier. Elle a aussi commis l’irréparable en épargnant la droite locale et ses extrêmes accointances, préférant taper sur une gauche qui est au pouvoir plutôt que sur des réactionnaires qui balbutient. Nous prenons acte de vos commentaires, même sournois. Quant aux architectes de l’ombre qui veulent entraver notre travail : qu’ils continuent, c’est pour nous la preuve que l’on dérange, et c’est une bonne chose.
Le collectif de rédaction de la Brique