« L’Europe XXL est une façon de dire que nous devons nous ouvrir vers les autres. »* M. Aubry
Vendredi 6 mars, des embouteillages bloquent l’entrée de Lille par la Porte de Valenciennes : la police expulse les Roms qui squattent depuis plusieurs mois. À peine sont-ils chassés que des plots en béton sont posés afin d’empêcher toute réinstallation. C’est qu’il ne faudrait pas dégoûter le chaland pour la grande cérémonie culturelle qui s’ouvre une semaine plus tard ?! La deuxième édition de Lille 3000 nous impose cette année une Europe XXL, avec pour slogan « En route vers l’Est ! » Les organisateurs (mairie et mécénat privé) manient l’ironie aussi bien que le carnet de chèques (budget de 9 millions d’euros).
La culture et ses mécènes
Lille 3000 renforce notre volonté de faire vivre une parole critique vis-à-vis de celles et ceux pour qui une telle opération rime avec bénéfices trébuchants et symboliques. La liste des « partenaires » obligatoires de Lille 3000 fait rêver : Auchan (l’exploitation, la vraie), Accor (partenaire des expulsions), Eiffage (constructeur de taules), Veolia (privatiseur d’eau), CBS Out Door (pollueur publicitaire)...
Tout le monde y trouve son compte. Nos chiens de garde préférés, telle la Voix du Nord et son rédac’ chef que nous passons pour l’occasion au pilori. Ou ces grands patron-nes, caricatures de la bourgeoisie, qui se sont tant épanouis dans le Nord, telle la famille Mulliez.
Tous et toutes organisent cette propagande qui vous somme de « faire la fête » et de fermer les yeux. Pas pour rêver, mais bien pour ne pas voir ces SDF toujours plus nombreux, ces feux rouges toujours plus occupés, ces salarié-es toujours plus jetables.
« Lille 3000 est une machine à bonheur »
M. Aubry
La ville-marchandise
La concurrence entre villes est réelle, et sur ce marché, le produit « Lille » doit être alléchant pour attirer investisseurs et main d’œuvre qualifiée… Quoi de mieux que créer l’événement, via une manifestation culturelle ? Qui se méfiera des sons et des paillettes d’artistes au moment où son quartier se transforme au nom d’une ville en phase avec son temps, où les loisirs sont centraux.
Didier Fusiller, chef d’orchestre de cette mascarade populaire, parle de « privatiser l’espace public » [1] au sujet de la gare Saint-Sauveur. À n’en pas douter, pour Martine Aubry, le succès est autrement plus garanti qu’un meeting à deux balles au Zénith. Et elle le sait très bien : « Lille 2004 nous a fait gagner dix à quinze ans de notoriété ». Vivement l’an 3001 !
Le collectif de rédaction
* Toutes les citations sont issues du journal de Lille 3000, aux bons soins de La Voix et de Nord-Éclair.
[1] Libé Lille, « À Lille : A Saint-sauveur, ex-gare, un lieu bizarre », 14/03/2009.