Un camarade nous a raconté l’histoire récente d’un instituteur qui s’est battu pour régulariser un sans-papiers. Un élève de CM2. Avec d’autres, il a fait des pieds et des mains pour arracher son autorisation à vivre en France. Quand les flics sont venus dans son école pour embarquer le gamin, il leur a dit qu’il n’était pas là. Il l’a caché chez lui. Au bout de quelques mois, le petit et sa famille ont eu les papiers. Une histoire, parmi des milliers d’autres. Qui prouve, s’il le fallait encore, qu’à un moment il faut savoir prendre des risques, aller contre la loi, se mettre en danger, bousculer, s’énerver, faire l’exact opposé de ce que l’on attend de nous.
En juin 2008, les sans-papiers de Vincennes, plutôt que de continuer à subir l’humiliation et la brutalité de l’enfermement des centres de rétention, ont préféré y mettre le feu. Ils passent devant le juge le 25 janvier. En avril 2009, les salariés de Continental, pris pour des merdes, auraient pu se laisser mettre à la rue, et la fermer. Ils ont préféré occuper leur usine et aller mettre le bordel à la sous-préfecture de Compiègne. Ils ont rendez-vous devant la justice bourgeoise le 13 janvier. Les salariés de Pimkie, plutôt que d’aller célébrer Noël avec une boule au ventre, ont préféré passer les fêtes sur le piquet de grève devant leur boîte et sous la flotte. A défaut d’augmenter leur prime, ça leur permettait de dire à tout le monde, que leurs patrons, ces raclures de Mulliez, ils les emmerdaient sincèrement.
Continuer !
Bien sûr, toutes ces petites histoires ne font pas une révolution. Mais elles alimentent sa possibilité. Comme notre petit canard. Comme ce nouveau local autogéré à Lille-Fives, Le Chat Crevé. Comme bien d’autres initiatives de luttes, partout, ici et ailleurs... qui peuvent parfois paraître inutiles, vaines, sans lendemain. Il arrive ainsi qu’on se demande à quoi sert La Brique qu’on se crève à sortir tous les mois. Mais on nous dit qu’il faut continuer, que c’est important. Et quelque part, on le sait bien. Même face à la morosité, il ne faut pas lâcher. Que toutes ces petites étincelles, tous ces combats autour de nous, à défaut de rassembler le peuple sur les barricades demain permettent d’envisager qu’elles se montent les jours d’après...
Année 2010. Des milliers d’expulsions, des dizaines de milliers de gardes à vue, de nouvelles lois racistes, répressives, de nouvelles prisons, un million de chômeurs supplémentaires... La gestion de la crise va continuer. Nul doute. Car ils n’ont plus rien à nous proposer, à nous vendre. Ne leur reste que le contrôle social, sous toutes ses formes, pour éviter que ça leur pète dans les doigts.
Alors l’inconnu, comme chaque année, c’est la riposte. Ceux et celles qui feront un pas de côté, qui leur cracheront à la gueule, qui refuseront, qui s’arrêteront, qui combattront, qui s’organiseront et qui emmèneront tous ceux et celles autour d’eux qui ont envie de vivre, un peu, beaucoup, passionnément. Même pour une heure, une journée, un mois, tout ce qui sera bon à prendre, pour respirer un coup. Pour leur faire comprendre, et se persuader, toujours, que les choses ne sont pas immobiles, que tout peut s’écrouler et se reconstruire.
Alors bonne année à vous qui essaierez encore ces prochains mois de botter le cul aux patrons, aux flics, aux dirigeants, aux petits chefs, au racisme, au sexisme, à la marchandise, bref, à tout ce qui permet à ce foutu système de continuer...
Le collectif de rédaction