Pour quoi nous prend-on ?
Vous n’avez pas pu rater la campagne d’auto-promotion presque soviétique de la mairie de Lille et de son bilan mi-mandat. 125 000 magazines en quadrichromie et papier recyclé, un site internet, des shows municipaux dans chaque quartier, et des centaines de placards publicitaires sont venus combler notre temps de cerveau disponible à l’aide de ce message : « Nous l’avions dit, nous l’avons fait. Continuons ! » Face à ce martèlement, plutôt que de relever point par point chaque éventuel petit mensonge, demandons-nous de quoi cette machinerie marketing est le nom.
La propagande s’est muée en publicité. La ville et ses gestionnaires se vendent. À la différence de l’époque orwellienne qui voyait dans la propagande une entreprise de falsification de la réalité, la Ville de Lille embellit jusqu’à la nausée ce cadre de vie d’une population qu’elle se charge de bien encadrer. Mme Aubry, et toute son équipe, s’est déplacée dans chacun des quartiers. On ne l’y a pas invitée, non, c’est elle qui invite. Charge à nous de répondre ou non à l’invitation, d’en respecter le protocole, d’écouter sagement son déversement de bonnes nouvelles contre-balancées par une pseudo-critique intégrée du genre que « tout ça ne va pas assez vite ». La ville, c’est elle. Et toujours elle. L’organisation spectaculaire de ces réunions publiques, et plus généralement de son bilan mi-mandat, nous renvoie à la gueule la marchandisation de nos lieux de vie et la séparation qu’elle induit entre la conception, la réalisation et la consommation de la ville.
D’ailleurs, Mme Aubry parle moins à ses habitants qu’à ses électeurs, si ce n’est à la France entière. Grand-guignolesque : l’entendre parler des poubelles de Wazemmes, des places de parking de Moulins ou de l’état des routes du centre-ville, sonne faux. Ex-ministre du travail, énarque comme il se doit, première secrétaire du PS et candidate à un futur gouvernement voire à la présidence de la République, Mme Aubry cultive l’artifice d’une élue proche de son terrain et de ses vraies gens, réduits à l’état de bulletins de vote et de faire-valoir.
Consciencieusement, la mairie organise donc la dépossession. Et ainsi, il ne nous resterait plus qu’à constater, consommer ou déguerpir. Si le but de la propagande publicitaire n’est plus de mentir sur la réalité mais, in fine, de nous persuader de notre impuissance à changer les choses, commencer par tout foutre par terre peut être le début de la reprise en main de nos existences. La Brique continuera donc à enquêter, à lire entre les lignes, à faire vivre la critique sociale et l’idée de révolte pour que de la connaissance naisse l’action, ici et maintenant, à notre portée.