Il y a six ans, la Brique sortait trois numéros pour passer au crible les pouvoirs locaux et les enjeux des élections municipales. À l’époque Pierre Mauroy venait de mourir et Aubry nous promettait la « Renaissance » de Lille après déjà 14 ans de règne bien tassés.
Saut dans le temps, on est en 2020 et on a la sale impression que nos anciens numéros n’ont pas pris une ride. Martine encore et toujours sur le créneau, malgré ses « promis c’est la dernière ».
« Renaissance » se fait appeler « Eldorado ». Lille, pays de cocagne de ces planqué.es de bourgeois.es qui n’en finissent plus de s’engraisser. En face on galère sévère à se loger et à vivre décemment. Ça ruisselle sec dans la métropole : c’est dans les vieilles friteuses que l’on fait les meilleures frites.
Les particules fines pleuvent sur le riche comme sur le pauvre. L’écologie est donc devenue l’une des principales préoccupations des citoyen.nes. Nos candidat.es n’ont pas tardé à exploiter ce juteux filon. Tou.tes se gargarisent de montrer qu’iels savent bien mettre du vert dans leur vin. Martine fait campagne en affichant « Ici bientôt un arbre » (au bout de six ans c’est pas trop tôt). Daubresse fait sa vidéo de campagne sur la Friche St-So, Spillebout envoie du rêve avec sa « police environnementale » et Baly la joue concept avec la « transformation des îlots de chaleur en îlots de fraicheur ». La campagne est plus cramée que nos sols agricoles. L’écologie n’est plus un enjeu social mais un agrément de cadre de vie.
Quitte à jeter l’importance de l’enjeu avec nos eaux polluées, autant y aller à fond : une moyenne de 11m² d’espaces verts par habitant.e contre 30m² dans les grandes villes, bonus les cimetières sont comptabilisés comme des parcs. Au Nord-ouest de Lille, la ville de Pérenchies construit tellement qu’elle comptabilise les (conséquents) jardins privés pour maintenir son taux d’espaces verts. Finalement peu importe si l’Australie ou la Corse brûlent, pourvu qu’on puisse avoir un ensemble de composteurs à 120 000 euros choisis par un conseil participatif d’habitant.es de quartier. Sur les espaces verts qui restent, on bétonne pour « renouveler la ville », tandis que le nombre de logements vacants du centre ne cesse d’augmenter au gré des spéculations immobilières.
Écologie en carton pas recyclé qui se soucie davantage de la largeur des pistes cyclables et de l’emplacement des pots de fleurs que de la responsabilité des industries polluantes de la région. Elles au moins dorment tranquilles.
Le 15 mars, lors du premier tour, souvenez-vous que les jeux sont déjà faits. Les plus importantes des décisions métropolitaines sont déjà actées depuis décembre 2019 dans le cadre du Plan Local d’Urbanisme. Il prévoit les principaux schémas urbains pour les 15 prochaines années.D’où cette vague impression d’uniformité verdoyante des programmes proposés.
L’état des lieux est amèrement négatif et tout le monde s’accorde à le dire. Comment se fait-il alors que Martine soit encore en tête des sondages ? Nos chère.s concitoyen.nes seraient frileux.ses à l’idée du changement ? Ou est-ce un souci de préserver nos antiques pachydermes socialistes de l’extinction ? Ou parce qu'aucun.e des candidat.es ne possède la marche de manœuvre nécessaire à la déboulonner ? Ou peut-être est-ce tout simplement que ces élections ne suscitent pas grand intérêt, car potentiellement à côté de la plaque.
Nous vivons l’un des plus longs mouvements sociaux de l’histoire du pays. Depuis décembre, les semaines lilloises sont rythmées par deux ou trois manifestations : le samedi avec les camarades Gilets Jaunes, le mardi et/ou le jeudi pour les retraites et le mercredi avec le comité des sans-papiers qui entame sa 25ème année (faisant de le lui le plus vieux mouvement social de la métropole). Mais même les manifs sont entravées et commencent à tourner en rond : parcours péraves, pour cortèges invisibles, merci la préfecture.
Au milieu du zbeul, à la Brique on a l’impression d’être les seul.es à s’intéresser au scrutin municipal. On vous en parle évidemment dans ce numéro, mais c’est surtout pour en rire jaune avec vous ! Notez qu’on vous parlera plus de social que tous les programmes réunis.
Ce que nous voyons surtout, c’est une colère populaire, défiance ininterrompue à l’égard des représentant.es du pouvoir. Les bouffonneries électorales semblent donc à mille lieux de la rue. Lille est une des terres historiques et l’une des dernière grande mairie tenue par le PS. Les ruines de ce dernier auraient bien du mal à éviter les plans de licenciements en cours dans la région (« sauvegarde de l’emploi » dit le politiquement correct). D’empêcher la liste des abonné.es aux galères de fin de mois de s’allonger. De rendre chacun des mort.es des violences policières ou patronales.Avec autant de seum et de frustration, on se dit que ça vaudrait le coup de ne pas lâcher l’affaire.
Le collectif de La Brique