Wissant: paye ta digue

wissant05 1C'est toujours la même carte postale que les brochures de la région nous vendent, la baie de Wissant ensoleillée avec ses belles plages. Les futurs vacanciers apprécieront sûrement marcher sur sa nouvelle digue toujours en travaux. Mais l'envers de la carte est moins charmeur. Entre manque de concertation, collusion amicale et bétonnage du bord de mer : bienvenue dans le monde merveilleux du marketing territorial.

Le littoral du Nord-Pas-de-Calais est largement touché par l'érosion et la disparition du sable des plages1. Ce phénomène naturel n'est vu comme un problème que parce se trouvent des propriétés en bord de mer, mais dans le cas de la baie de Wissant, il révèle bien les enjeux politiques qui lui sont liés.

Concertation sans concertation

À Wissant le trait de côte s'est retiré de trois cent mètres en cinquante ans. La dune qui protégeait2 certains quartiers du village comme celui de la dune d'Aval a reculé, jusqu’à disparaître par endroits. Certain.e.s habitant.e.s voient leurs maisons menacées par la mer lors de tempêtes ou de grandes marées. En premier lieu, c’est le front de mer qui est grignoté. En 2007, la digue est complètement détruite par une tempête. Mais la reconstruire coûte cher. Du coup le maire, Bernard Bracq, a voulu « prendre les choses en mains », histoire de faire financer son chantier.
Réélu en 2014 sur le projet de digue, le maire n’a visiblement pas fait dans la dentelle. Le nouveau chantier a de quoi impressionner. Il faut dire que Bouygues a touché plus de 6,5 millions d'euros d'argent public pour ériger sa solution béton. Mais elle est surtout un rempart pour les propriétés du front de mer, possédées en grande partie par la bourgeoisie lilloise et belge du week-end. Pour faire simple, en protégeant uniquement cette partie, la digue aggrave le problème, et l'on expose encore plus les côtés. Des riverain.e.s excentré.e.s, comme ceux de la dune d’Aval, n’ont plus qu’une dizaine de mètres de dune les séparant de l’eau3. Mais visiblement les priorités de monsieur Bracq sont ailleurs. Des riverain.e.s décrivent des réunions publiques où « tout est déjà joué d'avance ». À tel point que certain.e.s habitant.e.s tentent des recours en justice pour obtenir plus de concertation sur ce projet, l’affaire est jugée en urgence, illes sont débouté.e.s par le tribunal administratif de Lille en novembre dernier et condamnés à verser 1500 euros à la mairie. Un autre procès portant sur la digue en elle-même, est encore en cours. En attendant, les détracteurs se font discrets.
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Tous les territoires n'ont pas la même valeur

Il faut dire que le maire connaît du monde, il a su se faire aider par les milieux politiques régionaux. Il « pose la première pierre » de sa nouvelle digue en compagnie de son ami, Daniel Percheron, président de la région. Mais c’est aussi parce que Wissant est au cœur de la « terre des deux caps » qu'il est d'autant plus facile d'obtenir du soutien. Pour faire oublier l'image sinistrée du Nord–Pas de Calais, le village est une « vitrine de la région » et envisagé comme un « espace touristique attractif ». Bref, pour les technocrates, la baie a toute sa place dans la marchandisation des territoires qui s’opère. Sur le site internet du conseil régional on explique en novlangue technocratique qu'il faut « territorialiser les politiques touristiques pour mettre en œuvre le projet régional », en clair le tourisme doit se répartir sur des espaces clés. D’autres endroits, tout aussi riches écologiquement, n’ont pas la même chance. Plus au sud, la baie d’Authie s’enfonce dans la mer et un peu plus chaque jour dans l’indifférence des politiques. La logique est simple : l’enjeu n’est pas écologique comme on peut parfois l’entendre mais juste économique. Pour préserver un territoire, il faut que celui-ci rapporte. Et quand il faut le protéger, jackpot pour les entreprises de BTP.
 
Jacques Té et Igor Diligence
 
1. 85% de ses côtes sont en danger contre 24% pour le reste du territoire français.
2. C'est en fait la plage qui protège le littoral et la dune est son réservoir de sable.
3. La dune perd entre un et trois mètres par mois

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