Les vies des Noir.es comptent

blmSuite à la mort de Georges Floyd, partout dans le monde et malgré l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes, des milliers de personnes se sont retrouvées en France pour dénoncer les stigmatisations, violences racistes et plus largement le racisme d'état dont font l'objet les personnes racisées. Ce racisme, nié par la majorité de la population, est dénoncée depuis des années, notamment par Assa Traoré et le comité Adama Traoré. Après deux mois de confinement, qui aurait cru que les premières manifestations dénonceraient racisme et violences policières ?

 

 

Les manifestations du mois dernier déconstruisent deux idées reçues : la première c’est que la colonisation est dernière nous. La deuxième c’est que la ségrégation aux état-Unis n’est plus un sujet d’actualité et qu’en France on est très loin. Pourtant, en France, on continue d’appliquer un traitement différencié : les quartiers où la population immigrée est la plus dense sont les plus contrôlés, où la police est plus présente, ce dont se félicite le Ministre de l'Intérieur.

De part et d’autre de l’Atlantique, le quotidien pour les descendant.es des colonisé.es est aussi peu reluisant. La mort de George Floyd aux États-Unis fin mai 2020 a mis en lumière le débat sur les violences policières et le racisme d’État. Contrôles au faciès, remarques racistes en douce, coups dans la figure à l'abri des caméras. « Ce n’est pas un combat qu’on a choisi, mais maintenant, il faut le mener », a déclaré Assa Traoré quelques jours après la mort par asphyxie de son frère, Adama Traoré, suite à une immobilisation des gendarmes. À Lille, cette lutte est menée par les familles de Selom et Matisse, deux jeunes morts en 2017 en échappant aux flics et la famille d’Henri Lenfant mort par balle de gendarme à bout portant en 2018. Pendant le confinement, 12 personnes décèdent des interventions policières. Cinq d'entre en fuyant la police. Quatre dans les geôles d'un commissariat. Deux par balles. Un par asphyxie. Et c'est sans compter les blessé.es.

4000 personnes en 24 heures

À Lille, le 1er juin dernier, la veille de la deuxième vague de déconfinement qui annonce, notamment, la réouverture des bars, des centaines de messages, tweets, snaps partent dans toutes les directions. On appelle à rendre hommage à George Floyd et à se rassembler en soutien à la famille Traoré, qui organise parallèlement un rassemblement à Paris. Les quelques personnes à l’origine de la première manifestation lilloise ne se connaissent même pas de visu avant de se rencontrer le jour J. Le lendemain, à 18 heures, sur la place de la République, 4000 personnes sont là. Les manifestant.es ont envahi le Vieux-Lille, de quoi bousculer les bourgeois.es qui prenaient leurs bières en terrasse pour la première fois depuis des mois. Les manifestant.es sont arrivé.es jusqu’au Tribunal de Grande Instance, tout un symbole. Les militant.es et les flics se sont senti.es dépassé.es. La majorité des manifestant.es étaient des jeunes racisé.es. C’est la première depuis longtemps à Lille, que autant de slogans anti-racistes sont scandés par des personnes concernées.

Le racisme, encore une problématique incomprise

Cette même semaine, deux autres manifestations sont organisées. Lors de la première manif', les flics interviennent peu, attendant celles qui suivent pour lâcher les coups. Une petite centaines de personnes se fait nasser. Les jeunes racisé.es sont de moins en moins présent.es pour être remplacé.es au fur et à mesure par les militant.es habituel.les dont nous faisons partie. Nébuleuse dont les RG connaissent les têtes par cœur. Les slogans anti-racistes se font de plus en plus rares au profit des classiques « tout le monde déteste la police » scandés, sans que pour autant manifestant.es blanc.hes ne se rendent comptent du problème.

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Car, non, le racisme ne s’arrête pas aux violences policières, il est une oppression que toutes les institutions reproduisent (école, le travail, le monde associatif). C’est aussi un rapport de domination au quotidien, c’est ce que l’on appelle le racisme ordinaire, qui consiste à censurer une personne à cause de ses origines, de façon plus ou moins consciente. Le racisme c’est aussi de ne représenter une personne racisée uniquement comme victime. Pierre Perret il y a 30 ans chantait déjà : « aux USA, pays démocratique, la couleur du désespoir c'est aussi le Noir ».

Mais à force de ne représenter les personnes noires que dans des postures de victimes, on en revient à nier leur capacité à agir, car qui dit victime, sous-entend également le besoin d’un sauveur. Une victime ne pourrait être passive.

Certaines personnes racisées estiment s'être senties dépossédées de leurs manifestations. Et même si ces manifs' ont perdu de la fraîcheur de leurs débuts, une chose est sûre, elles ont marqué les esprits, on s’en souviendra pendant longtemps. Le racisme en France est enfin un sujet national et n’est plus cantonné à la sphère universitaire ou militante.

Lud et Louise

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