A Sequedin, des détenus ont réussi à faire sortir de la prison des lettres qui témoignent de leurs conditions de détention. La police mène l’enquête, mais davantage sur le comité qui les a relayés que sur la véracité des accusations qu’elles contiennent...
Mi-juin, le « Comité de solidarité avec des prisonniers de Sequedin » -inconnu au bataillon- divulgue cinq lettres de détenus de Sequedin qui dénoncent brimades et humiliations qu’ils subissent en taule [1]. Un tract et une affiche « A Sequedin, on rackette, on torture, on tue ! » sont diffusés à Sequedin, Lille et environs. Il transmet un communiqué [2] à la presse, aux associations, ainsi qu’à l’OIP [3] par l’intermédiaire d’une salariée, Anne Chereul. L’OIP entreprend alors de vérifier « les allégations de mauvais traitements » qu’elles contiennent : « Nous avons rencontré différents intervenants en détention. Nous avons sollicité les autorités compétentes, notamment les membres de la Commission de surveillance [4] ».
Parallèlement, l’OIP intervient sur le cas d’un détenu de Sequedin « victime d’un dysfonctionnement ». Il passait sa 3ème année d’histoire, et certains de ses documents de travail lui ont été rendus trois jours avant ses examens. « C’était sans rapport avec les lettres mais cette personne est semble-t-il suspectée d’être l’auteur de certains extraits. Elle a été placée à isolement fin juin et transférée à la prison de Longuenesse ». Elle ajoute qu’ « une partie du contenu de ces lettres décrit la dureté des conditions de détention à la maison d’arrêt de Sequedin : l’architecture froide et déshumanisante, les grillages aux fenêtres, l’ouverture automatisée des portes qui limite les relations entre les détenus et les surveillants.... Mais au delà de ces conditions de détention, les lettres dénoncent des faits d’insultes, d’injures racistes, de brimades, de coups... C’est sur ces allégations que nous nous concentrons ».
Puis mi-juillet, Anne et une bénévole de l’OIP sont convoquées dans un commissariat de Lille. Il semble qu’il n’y ait pas de plainte, juste une demande d’information de l’Administration Pénitentiaire. « La première audition était courtoise mais sans rapport avec le fond de l’affaire [le contenu des lettres]. Les questions étaient relatives au fonctionnement de l’OIP, à nos relations avec un détenu [mentionné ci-dessus] et avec une journaliste de Libération qui enquête aussi sur ces lettres. On m’a mis sous les yeux un mail écrit par celle-ci », envoyé à un intervenant de la prison de Sequedin et « intercepté » par la police. Puis, rebelote en août, mais « l’interrogatoire était nettement plus offensif, il a duré 2h30 ! Ils cherchaient à savoir ce qu’était ce collectif [le comité de solidarité], et à identifier les personnes y participant. Ce sont des méthodes que nous n’avons jamais rencontrées jusqu’ici. Elles s’apparentent à des pressions, et témoignent d’une volonté d’intimidation ». Et l’acharnement continue : « Une nouvelle audition était prévue le 20 août. Entre-temps, nous avons informé diverses instances nationales et internationales de protection des droits de l’homme, qui ont réagi ».
Résultat : le parquet annule la convocation, sans plus d’explications. A l’OIP, la prudence reste de mise : « pour l’instant, nous ne pouvons ni infirmer ni confirmer le contenu de ces lettres ». Le hic : dans les prisons françaises, la loi du silence règne.
S.G
[1] En ligne sur : www.prison.eu.org/article.php3?id_article=9712
[2] En ligne : http://lille.indymedia.org/spip.php?article9510
[3] L’Observatoire International des Prisons, une ONG qui lutte pour le respect des droits et des libertés individuelles des personnes incarcérées
[4] Chaque prison doit en avoir une, elle est présidée par le préfet