Pas de subprimes ou de taux à crédit variable pour l’extrême droite nordiste. Après l’ouverture en mars de la « maison du peuple flamand » (Vlaams Huis) à Lambersart [1], les groupuscules Jeunesses Identitaires et Terre Celtique promettent pour octobre une nouvelle maison de l’identité de 2500 m² à Fives ! De son côté, à Lille, le Front national change de local.
À Fives, comme à Lambersart, le but est d’ouvrir un lieu de formation d’extrême droite sous couvert de folklore flamand, en jouant la carte du centre culturel polyvalent « convivial » ouvert à tous avec salle informatique, atelier de réparation automobile, salle de musculation…
Rappelons que les Jeunesses Identitaires sont issues de la dissolution d’Unité Radicale à la suite de l’attentat sur Chirac. Leur slogan (« Face à la racaille, tu n’es plus seul ») masque à peine leurs mots d’ordre qui s’apparentent à une justice milicienne et antirépublicaine.
La bourgeoisie locale derrière les identitaires ?
Cette multiplication de locaux d’extrême droite de proximité, outre qu’elle correspond à une inquiétante tentative d’implantation dans les quartiers populaires, pose la question du financement de ces opérations. Comment croire que ces groupuscules peuvent ouvrir deux locaux militants en six mois sans autre apport que - version officielle - des dons des Flamands belges et les recettes du bar associatif de la Vlaams Huis, dont le loyer est déjà de 18 000 euros par an. À moins que le lever de coude ne soit discipline olympique et que les fachos ne se soient vigoureusement entraînés pour Pékin…
Peut-être faudrait-il plutôt chercher du côté des mannes financières de certaines franges du patronat local qui ont dans le passé arrosé les courants flamingants proches de la Nouvelle Droite. À suivre.
Le FN lillois débouche le champagne
Ça bouge aussi du côté du FN lillois qui déménage dans des locaux de 97m² au rez-de-chaussée du 24 boulevard Jean-Baptiste Lebas à Lille. La transaction réalisée en avril par l’agence Sergic se révèle plus économe : le loyer n’y est « que » de 10 800 euros par an. L’inauguration s’est déroulée le 13 juin en présence de Marine Le Pen avec une petite sauterie arrosée de champagne Maréchal [2] et décorée de drapeaux irlandais pour rendre hommage à leur « Non » à la constitution européenne. Le bar arborait également un grand drapeau barré d’un péremptoire « Nous sommes tous des Irlandais ! » Et si on préfère être un juif allemand ?
Cette installation n’est pas juste anecdotique et revêt un sens politique important. Le changement est radical entre leur discret placard de la place Saint-André, et ce local visible, trois fois plus grand, avec bar, accessible en plein centre de Lille. De l’aveu même du candidat aux municipales Eric Dillies, nouveau patron du FN local, l’opération n’a pas d’autre but qu’une meilleure visibilité (par exemple dès la braderie). Et l’inauguration avec la tête d’affiche Marine Le Pen n’est pas non plus un hasard. Il est clair que la nouvelle équipe militante lilloise roule pour elle avec deux tactiques : à court-terme, sa réimplantation locale pour être tête de liste aux européennes de 2009 aux dépens de Carl Lang ; à moyen terme, l’hégémonie dans la Fédération Nord-Pas de Calais qui lui servira de marche-pied pour la présidence du parti.
La benjamine Le Pen, élue régionale de 1998 à 2004, avait en effet préféré se faire élire en Ile-de-France en 2004. Compte-tenu du mode de scrutin et des risques de ne pas être élue, l’opportuniste cherche à revenir dans le Nord où les scores sont plus favorables. Malgré son échec tout relatif (28%) aux municipales à Hénin-Beaumont, elle garde une grande légitimité dans le parti et son discours social trouve un écho notamment auprès des prolos déclassés de la région.
Ses positions sont d’autant plus renforcées par le départ des opposants nordistes à sa ligne « moderne » pour dédiaboliser le FN. Soit à la faveur d’exclusions suite à une mise en examen pour escroquerie en bande organisée au préjudice de l’État [3]. Soit suite à des départs volontaire [4]. Des menaces pèsent enfin sur d’autres cadres régionaux, rendant l’ambiance étouffante dans le groupe FN au Conseil régional.
Cependant, plutôt que d’attendre, diverses organisations se sont regroupées dans un Comité de Vigilance Antifasciste afin de contrer dès la rentrée ce regain de visibilité des fascistes de tout poil. La menace réelle et l’implantation des idées d’extrême droite est d’autant plus dangereuse qu’il n’y a encore que trop peu de résistance.
Antoine Sindelar
[1] « La maisons des trois petits haloufs », La Brique n°8.
[2] comme par hasard… Il est d’ailleurs pénible de voir des nostalgiques de Vichy s’installer dans une rue portant le nom d’un résistant socialiste mort en déportation en 1944.
[3] La conseillère régionale Sylvie Langlois, son mari Frédéric Butez, et l’ancien conseiller municipal lillois Philippe Bernard. Ce dernier est annoncé au CNI (Centre National des Indépendants et paysans, véritable passerelle de recyclage politique entre droite et extrême droite).
[4] sEx-conseiller communal de Lomme, proche de Philippe Bernard et des Identitaires, Luc Pécharman tente l’aventure de la Nouvelle Droite Populaire, regroupement de diverses tendances d’extrême droite comme les mégrétistes, JF Touzé ou Synthèse Nationale. Christian Baeckroot, conseiller régional, vif opposant à Marine Le Pen se pose la question de rentrer au CNI où il retrouverait Christian Vanneste, son adversaire de droite à Tourcoing.