Le 15 janvier 2011, plus de la moitié du collectif de La Brique était en cellule. Expérience traumatisante pour beaucoup. On s’est dit qu’une petite piqûre de rappel des « droits » en garde à vue pour s’en sortir au mieux ne pouvait pas faire de mal.
La garde à vue est une privation totale de liberté : on reste coincé-e entre quatre murs le temps nécessaire à l’enquête. Cela peut durer jusqu’à six jours, en fonction de la gravité des faits reprochés. Les conditions de détention sont très variables : on peut être ignoré ou subir brimades, humiliations voire coups. C’est pourquoi il est très important de demander dès le début à rencontrer médecin et avocat. Même si ce dernier ne peut pas faire grand chose dans l’immédiat (aucun accès au dossier n’est autorisé pendant la garde à vue), ce dont il prend note peut être déterminant si des poursuites judiciaires sont entamées. Tout mémoriser, de l’arrestation à la relâche. Les visages des policier-es violents, les insultes lancées, l’état de la cellule... Le mieux est encore d’écrire tout ce qu’il s’est passé dès qu’on est libre, lorsque les souvenirs sont encore frais. Dans certains cas des avocat-es ont pu faire annuler des gardes à vue après mise en évidence de vices de procédure [1]. De même il faut faire constater par le médecin la présence comme l’absence de coups [2].
Quand les droits deviennent des privilèges
La garde à vue est en soi une pression psychologique : dépouillé-e de ses affaires et de ses repères, on reste seul-e et sans lumière du jour ni aucune idée du temps qui passe. Les flics sont censés parler avec respect, la cellule censée être propre, les gardé-es à vue censés recevoir pitance aux heures des repas, censés pouvoir aller aux chiottes, etc. Cependant rien n’oblige les geôlier-es à s’exécuter, et ils aiment le faire sentir. Qui veut boire un verre d’eau doit savoir le mériter, à l’inverse toute insubordination se paye cher. Dans ces conditions, on finit souvent par être disposé-e à parler lors des interrogatoires, pressé-e comme un citron, parfois encore en état de choc suite à une interpellation violente. Car on oublie facilement que si le temps s’arrête sous les néons plafonniers de la cellule dégueulasse, la procédure et l’enquête, elles, se poursuivent.
L’audition, l’affrontement
Les officier-es sont habitués à faire parler les gens, c’est leur boulot. Ils ont un grand talent de mise en scène et maîtrisent très bien les rôles dans lesquels ils se glissent : on cite toujours l’exemple du gentil et du méchant flic car c’est un classique du genre. On est assis-e face à un-e policier-e sympa, l’ambiance est calme. Soudainement un flic furibond surgit et fait grimper la pression de quelques crans. Parfois lors de l’interrogatoire sont mis sous le nez des « éléments du dossier », comme d’autres PV d’audition ou des photos [3], pour convaincre quelqu’un-e de l’ouvrir... Il arrive aussi qu’on commence à répondre aux questions sans s’en rendre compte, et on ne sait plus comment arrêter la machine. L’état civil est la seule information qu’on est tenu de donner, par la loi, aux bleus. Répondre aux questions demande vigilance et concentration, derrière une série de questions qui semblent anodines peut arriver une question vicieuse et décisive pour l’enquête. On oublie trop facilement que les flics n’enquêtent jamais à décharge. Si l’on est sûr de soi, qu’on a relu et fait corriger le PV si nécessaire [4], et que les propos sont respectés, on peut le signer. C’est une décision importante car c’est être d’accord avec tout ce qui est écrit. Cela peut être très lourd de conséquences. En revanche si l’audition s’est mal passée, si on est crevé, et que les flics mettent une pression d’enfer, on a le droit de ne pas signer. En clair, face aux flics, pas de confiance, pas de pitié.
[1] Le vice de procédure résulte de la méconnaissance d’une ou plusieurs règles organisant la procédure de décision. L’irrégularité constatée dans la formalité judiciaire provoque son annulation.
[2] Au cas où on est victime de violences par la suite. En mesurant bien que les médecins qui bossent dans les commissariats ne sont pas forcément dignes de confiance.
[3] « Éléments » parfois montés de toutes pièces.
[4] Les flics sont tenus de corriger les PV, c’est un droit. De même on peut ne pas répondre à leur questions mais faire ses propres déclarations.