I l y a un an, lors du mouvement contre la réforme des retraites, Julien participe au blocage des voies à la gare Lille-Flandres avec soixante-dix autres personnes. Le trafic est interrompu pendant une trentaine de minutes. Reconnu sur des photos, Julien est arrêté par la BAC le lendemain. 44 heures de garde à vue plus tard, la SNCF porte plainte.
Elle était bien cette rentrée 2010. Des milliers de gens dans les rues, des manifs sauvages, des blocages, des assemblées générales... Un vent d’agitation soufflait dans nos villes. C’est dans ce contexte de lutte sociale que la gare Lille-Flandres est bloquée le 18 octobre. Syndicalistes et autres contestataires s’installent paciiquement sur les rails. Parce qu’il était là, Julien pourrait en payer le prix. La SNCF lui réclame 45 000 euros pour « préjudice commercial ».
Acharnement
Deux autres participants ont été arrêtés le jour-même. Ils ont été condamnés à quelques heures de travaux d’intérêt général pour « entrave à la circulation des trains ». Alors pourquoi cet acharnement particulier ? « Poursuivre en justice un syndiqué, voire un syndicat, aurait certainement eu des conséquences en terme de grève des cheminots, d’autant plus que SUD Rail avait appelé à ce blocage après que la décision en ait été prise en assemblée générale de lutte ; Julien par contre, pouvait sembler être la cible idéale : il n’est ni syndiqué ni encarté et n’est pas cheminot. La SNCF et les autorités ont donc sans doute estimé qu’il ne serait guère défendu », explique le CRRIMMS [1] qui soutient Julien. Pourquoi cette disproportion ? « Les actions de blocage de zones industrielles, de carrefours, de raffineries, de trains, ont montré que, si elles se multipliaient et si elles duraient, elles peuvent peser fortement sur l’issue d’un mouvement social. Alors en punir lourdement quelques-uns, bien choisis, ça a valeur d’exemple. Il s’agit d’intimider tous les acteurs du mouvement social. »
Alors l’État...? « Tolérant ? »
Le procès de Julien se déroulait le 6 septembre. Rendez-vous était donné pour une manifestation de soutien et un repas devant le tribunal avant le procès. Des non syndiqué-es se mêlent aux syndicalistes de SUD, la CGT et la CNT. À la barre, Julien met en avant sa solidarité avec des cheminot-es en lutte, son envie de lutter contre une réforme antisociale. Le procureur requiert 1000 euros d’amende. L’avocat de Julien, fonde sa plaidoirie sur la liberté de manifester ses opinions « protégée par la Constitution » française et la convention européenne des droits de l’homme. Il souligne : « On veut tuer la possibilité des gens de se révolter, de débattre. » Et de mettre en avant la nécessité pour la justice de « défendre les libertés individuelles », celle de l’État d’être « tolérant » sous peine de vider la liberté d’expression de son contenu... Le verdict, sous surveillance policière, conclut à la nullité de toute la procédure. Le parquet et la SNCF sont débouté-es. Les membres du CRRIMMS [2] l’annoncent d’ores et déjà : « Nous saurons remettre en place des blocages, nous travaillerons à les généraliser et à les faire durer. »
Wendy Renarde
[1] Collectif de Résistance à la Répression et à l’Intimidation des Militants et des Mouvements Sociaux, crée autour du procès de Julien. En ligne :
crrimms.wordpress.com.
[2] SUD Éducation, SUD Collectivités Territoriales, SUD Rail, la Mutuelle des Fraudeurs, L’Assemblée Générale de Lutte, la CNT, No Border, la Ligue des Droits de l’Homme, Alternative Libertaire.