Gardes à vue, gare à vous : brochure de défense anti-répression

gav2Avec les mobilisations de cet automne, gilets jaunes, lycéen.nes et étudiant.es subissent une répression policière et judiciaire très brutale. Partout en France, des milliers de personnes sont envoyées en garde à vue. Lille n’y échappe pas. On connaît souvent trop mal nos droits, et les peines de prison se ramassent comme les douilles de lacrymo : à la pelle. La Brique vous propose un guide anti-répression, pour connaître ses droits et éviter le pire. Cette briquette est complétée par les réflexions menées dans le cadre de l’atelier anti-répression organisé par Lille 0 le mercredi 12 décembre.

Quand on s’insurge, on peut être confronté.e aux flics qui cherchent à nous mettre la pression ou à obtenir des informations sur les mouvements qu’ils jugent dangereux. 

Ton but est d’en dire le moins possible pour :

 1. T’éviter des poursuites ;

 2. Permettre à ton avocat.e de te forger une défense solide en cas de poursuites ;

 3. Éviter de « mouiller » des camarades.

Les contrôles d’identité

Deux grands types de contrôles d’identité existent : celui qui sert à rechercher l’auteur.e d’une infraction et celui qui n’est pas lié à ton attitude, mais au lieu ou aux circonstances, lorsque le parquet recherche la commission d’une infraction sur un périmètre ou pour « prévenir une atteinte à l’ordre public » notamment. Dans ce deuxième cas, tout le monde peut être contrôlé.

Si tu refuses de donner ton identité ou si tu ne peux pas la justifier, les flics peuvent t’amener au commissariat pour « vérification d’identité » - ce qui est souvent désigné comme une « arrestation ». Cette vérification ne peut pas excéder 4 heures. Si par la suite, tu es placé.e en garde à vue, ce délai s’impute sur celui de la GAV.

Pendant la vérification d’identité, tu peux contacter une personne de confiance, notamment pour la prévenir que tu es au poste – c’est un droit.

Le refus de transmettre ton identité (ou en donner une inexacte) peut conduire à la prise d’empreintes digitales et de photographies, dont l’opposition est punie au maximum de 3 mois d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende. Cependant, si la vérification d’identité ne débouche pas sur une poursuite judiciaire, ces informations sont censées être détruites… Mais ce n’est pas toujours le cas. Une fois enregistrées à la suite de poursuites judiciaires, par contre, il est quasiment impossible de les supprimer.

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Un PV de vérification d’identité est établi. Le refus de le signer est tout à fait possible – notamment si ce qui est dit est faux (par exemple, lorsque tu n’as pas été informé.e de tes droits).

Les vérifications d’identité sont fréquemment utilisées pour d’autres fins. On voit souvent des manifestant.es être arrêté.es pendant ces 4 heures pour poser des questions, faire le tri et réunir des éléments à charge. Tu n’es pas obligé.e de répondre à d’autres questions que celles relatives à ton identité, à savoir : ton nom, ton prénom, ton adresse et éventuellement le nom de tes parents.

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De même, tu n’es pas obligé.e d’avoir tes papiers d’identité sur toi. Ce qui est exigé, c’est seulement de fournir les informations de ton état civil. Ça peut même être une stratégie de ne pas les donner, notamment pour protéger des personnes sans papier : les flics seront plus réticents à devoir embarquer une dizaine de personnes qui refusent de se soumettre au contrôle.

La garde à vue : tes principaux droits

« Je n’ai rien à déclarer »

L’un de tes droits les plus fondamentaux est de garder le silence. Pour cela, mieux vaut dire « je n’ai rien à déclarer » plutôt que « je n’en sais rien » (ce qui revient à déclarer quelque chose). Les flics font tout pour t’amener à t’exprimer, quitte à en passer par la ruse en faisant ami.es-ami.es ou, au contraire, en te mettant la pression. La garde à vue est un moment difficile, mais il est possible de tenir le silence si on est bien préparé.e.

L’avocat.e et le contrôle médical

À l’entrée au commissariat, les flics sont tenus de faire un certain nombre de choses : t’indiquer les faits reprochés, la date et le lieu, informer le parquet, te dire tes droits, c’est-à-dire : faire prévenir un.e proche, un.e avocat.e et ton employeur.euse et le droit d’avoir accès à un.e interprète. Tu as aussi droit à un contrôle médical qui permet d’attester si tu es en état d’être en garde à vue et si tu as reçu des coups et/ou blessures. Cela peut aussi servir à la sortie, dans le cas où les flics feraient un usage injustifié de la force (pour prouver que la GAV ne s’est pas passée dans les règles).

Tu peux demander l’avocat.e de ton choix, les flics ne peuvent pas te le refuser tant que tu leur files un nom et le barreau de rattachement (demande autour de toi le nom des avocat.es militant.es et retiens-en un seul). Dans le cas contraire, tu as droit à un.e commis.e d’office, mais ce ne sont pas toujours les plus sympas. Une fois l’avocat.e contacté.e, tu peux refuser toute audition pendant les deux premières heures, en attendant son arrivée.

Conditions et auditions

Tu as 30 minutes d’entretien confidentiel avec ton avocat.e avant d’être interrogé.e. Pendant l’audition, tout ce que tu dis est consigné dans un PV ; l’important n’est pas de paraître crédible ou sympa. Ça sert à rien de baratiner, crâner, de jouer les innocent.es, ça dessert souvent plus ta cause et tu peux lâcher des infos sans même t’en rendre compte. La meilleure solution reste le silence obstiné. On va te proposer de signer le PV d’audition. Ce n’est pas obligatoire car ça signifie qu'on reconnaît ce qui est inscrit. Il faut donc tout lire très attentivement, ne pas hésiter à faire rectifier tout ce qui n’est pas correct, même le plus petit détail, et à refuser de signer si on n’est pas d’accord. On peut raturer les espaces blancs pour éviter tout rajout.

Les conditions en cellule ne sont pas les meilleures, prépare-toi donc à l’isolement et au manque d’hygiène, voire de nourriture. Cela ne t’empêche pas d’exiger de meilleures conditions (en tapant sur la porte par exemple).

Prendre son portable en manif' peut se révéler dangereux pour soi et les autres. Les flics vont chercher à fouiller ton téléphone. Si (et seulement si) le téléphone a pu permettre ou faciliter la réalisation de l’infraction, le refus de transmettre ses codes de téléphone en GAV est puni jusqu'à 5 ans de prison et 450 000 € d'amende. Par exemple, pour un simple délit d’outrage, on s’est rarement concerté.es entre potes par SMS pour insulter les keufs. En cas de fouille, les flics peuvent avoir accès à tous les contacts, aux échanges téléphoniques, aux positions géolocalisées... Bref, avoir un max d'infos sur des réseaux entiers !

L’issue de la GAV 

Le parquet peut décider :

→ d’une sortie sans poursuite judiciaire ;

→ d’une sortie mais avec convocation (transmise directement après la GAV ou plus tard dans ta boîte aux lettres) qui vaut citation à comparaître : un procès va avoir lieu ;

→ d’une sortie sans poursuite judiciaire mais avec un rappel à la loi. Pas d’inscription sur le casier judiciaire – mais le parquet a 3 ans pour relancer les poursuites si tu te fais remarquer ;

→ d’un déferrement au parquet ou d’une présentation à un juge d’instruction Tu es transferé.e au tribunal pour être interrogé.e par le juge qui décide d’un classement sans suite ou au contraire d’engager les poursuites : tes déclarations vont jouer un rôle dans la décision du juge, fais gaffe à c’que tu dis.

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En cas de poursuites, plusieurs hypothèses (non exhaustives mais fréquentes) peuvent se présenter :

Hypothèse 1

Le parquet décide de recourir à une comparution immédiate

→ Ça veut dire que le jugement a lieu le même jour que la GAV. Si la réunion du tribunal est impossible le jour même, tu peux être placé.e en détention provisoire (pour une durée maximum de 3 jours), soumis.e à un contrôle judiciaire ou assigné.e à résidence sous surveillance électronique, jusqu’à ta comparution.

→ À l’audience, tu peux refuser d’être jugé.e et demander le report de l’audience. Ça a le gros avantage de pouvoir préparer ta défense correctement (et non pas en quelques minutes) et il y a une chance d’être libéré.e d’une détention provisoire. En plus, on évite d’être jugé.e à chaud et puni.e pour l’exemple. Par contre, il faut savoir que si l’audience est reportée, il y a le risque d’être maintenu.e en détention provisoire pendant deux à quatre mois jusqu’à la nouvelle audience.

→ Si t’as pas de nouvelle d’un.e pote en GAV, ni de contact avec son avocat.e, tu peux contacter le greffe du tribunal pour connaître le jour et l’heure de l’audience et te motiver à trouver les papiers qui prouvent que c’est un.e bon.ne citoyen.ne ! 

Hypothèse 2

Le parquet propose une composition pénale 

→ Le procureur ou un flic propose une peine si tu as reconnu les faits reprochés.

→ Si tu acceptes, tu es condamné.e, mais tu évites la prison à coup sûr (amende, TIG, interdictions diverses). Attention, si tu ne respectes pas les mesures, ça donne lieu à un procès.

→ Si tu refuses, un procès a lieu mais tu as le temps de préparer une défense et d’éviter d’être jugé.e à chaud.

Hypothèse 3

Le parquet propose une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)

→ Si tu reconnais les faits, le parquet peut proposer une CRPC. Les flics aussi, mais le dernier mot reste au parquet : les flics ont l’habitude de faire croire pendant la GAV qu’en avouant, il y aura plus d’indulgence, ce qui n’est souvent pas le cas.

→ Le parquet peut proposer diverses peines (amendes, TIG, prison en sursis ou ferme…) mais la peine de prison ne peut excéder 1 an.

→ Tu ne peux accepter la CRPC qu’en présence d’un.e avocat.e : le refus de son concours équivaut au refus de la procédure. Tu peux aussi demander à t’entretenir seul.e avec l’avocat.e avant de répondre et demander un délai de réflexion de 10 jours. Tu peux alors être placé.e sous contrôle judiciaire, assignation à résidence avec surveillance électronique ou détention provisoire, pendant 10 à 20 jours.

→ L’homologation de la CRPC par le tribunal vaut condamnation dont tu peux toujours faire appel. Le refus de la CRPC ou de l’homologation donne lieu à un procès. Dans tous les cas, tes aveux pendant la GAV pourront être utilisés contre toi et il sera difficile de plaider ton innocence. Le meilleur conseil pendant une GAV reste donc de se taire !

Petit dico 

Détention provisoire : placement en prison en attentant d’être jugé.e quand l’infraction encourue est punie d’au moins 3 ans d’emprisonnement ou en cas de violation du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence sous surveillance électronique. Ca peut s’appliquer afin de garantir que tu présenteras devant la justice, la fin de l’infraction ou d’un trouble public exceptionnel. Il faut convaincre le juge que tu te présenteras à nouveau devant lui ou que l’infraction ne va pas être renouvellée. Il est utile de ramener tout document qui irait en ce sens : contrat de travail, certificat de stage, justificatifs de domicile, être en présence de membres de sa famille…

 Contrôle judiciaire : c’est une série d’obligations et d’interdictions imposées par un juge en attendant le jugement (ne pas fréquenter certains lieux ou certaines personnes, interdiction de faire certaines activités…)

 Le parquet : juges (Procureur.e de la République et ses substituts), supérieur.es hiérarchiques des flics, qui sont chargé.es de poursuivre en justice les personnes qui ont commis une infraction.

Les bonnes pratiques avant toute action

Plus la défense se prépare tôt, mieux elle est organisée. Prépare donc tes papiers avant toute action ou audience (carte d'identité, fiches de paie, attestation CAF, un CV... tout ce qui fait bien) et transmet-les à une personne de confiance dont tu apprends le numéro par cœur pour la contacter en cas de GAV.

Si tu te fais arrêter, crie ton nom aux autres manifestant.es ! Ça permettra que ça remonte à la legal team. Si tu es témoin d'une arrestation, demande le nom de la personne et celui de son avocat.e le plus fort possible ! 

En cas de garde à vue, tu peux demander à être défendu.e par un.e avocat.e que tu paies toi-même, par un.e commis.e d'office gratuitement (mais c'est pas forcément les mieux formé.es) ou désigner un.e avocat.e de l'anti-répression, payé.es grâce à la solidarité de tous.tes (et c'est alors cool de participer à la caisse de soutien !).

En cas de problème, ou si tu cherches des informations, tu peux joindre la Legal Team pour avoir une aide militante à ce numéro : 06 48 57 86 30.

Avant la manif', retiens un de ces noms, ce sont les avocat.es de l'anti-rép inscrit.es au barreau de Lille:

→ Maître Muriel RUEF

→ Maître Florian REGLEY

→ Maître Anne-Caroline CHICHE

→ Maître Charles LEFEBVRE

→ Maître Antoine CHAUDEY

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