Le 10 octobre dernier, une page Wikipédia sur Pierre de Saintigon est créée, puis supprimée deux heures plus tard. Motif : Fier de Satignasse est encore peu identifié par la populace. Les malheurs du candidat font alors le buzz dans les médias nationaux. Pourtant, voilà vingt ans que le soldat PDS traîne ses guêtres dans les couloirs du pouvoir. Il est habitué à jouer dans la cour des grands en région, et sait s’attirer les bonnes sympathies. Même Jean-René Lecerf, le nouveau président de droite du département du Nord, y va de son compliment : « Il est intelligent, démocrate, et humaniste ». Youpi.
Un bénévole à plus de 7000 boules par mois
Il faut dire que Pierre de Saintignon est un patron engagé. Trente huit ans que le chevalier PDS fait dans le social et le bénévolat. De 1977 à 1992, il est directeur général de la Sauvegarde Du Nord, une association à but non-lucratif qui « accompagne des enfants, des adolescents, des jeunes en difficultés [...], des adultes éloignés de l’emploi, des familles et des personnes en grande précarité ». En 1987, PDS regroupe quatre filiales de la Sauvegarde en une seule association d'insertion nommée Vitamine T.
Quand on lui reproche de placer ses jetons dans cette boîte qui turbine aujourd'hui à 50 millions d'euros de chiffre d'affaire annuel, le bonhomme tient sa réplique : il n'en tire aucun bénéfice personnel. Et jamais personne pour lui répondre que pour un type qui cumule déjà trois salaires, c'est encore un minimum. Rappelons que PDS a beau être « peu connu » des grands médias, il est à la fois 1er adjoint à la ville de Lille (3725€), président de la commission développement économique à la MEL (2620€), et 1er vice-président au Conseil régional (1350€)1. Le bénévolat à 7000 balles : La Brique en redemande.
Un patron engagé... par les patrons ?
N'empêche : Pierre de Saintignon est dans le social. La preuve par la composition du conseil d'administration de Vitamine T. À l'intérieur, on y trouve toute la fine fleur du patronat du Nord : Bruno Bonduelle du groupe agro-alimentaire éponyme, Jean-François Dutilleul du Groupe Rabot-Dutilleul, Maxime Holder, PDG des Boulangeries Paul, Phillipe Vasseur, brocardé un numéro sur deux dans nos colonnes, ou encore Vianney Mulliez du groupe Auchan. Un prêté pour un rendu ? Toujours est-il que Franck et Margot de Saintignon, deux des rejetons de Pierre, occupent des postes à responsabilité à Kiabi... propriété du groupe Mulliez. Voilà donc un patron à particule, issu d'une famille noble de Lorraine, qui fricote avec le paternalisme des grands patrons du Nord : elle est pas belle la mixité sociale ?
Sur-vitaminé aux subventions
Le groupe Vitamine T compte aujourd'hui 14 filiales, 2 500 salariés et génère 50 petits millions d’euros de chiffre d’affaires dopés à l’argent public. La spécialité maison, c'est de répondre aux appels d'offres publics et de faire subventionner la main d'œuvre. Mais le groupe tient, là encore, sa réplique : « L'argent public perçu par le groupe Vitamine T (13% du chiffre d'affaires) correspond à la juste rémunération de sa mission sociale ». Les 13% d’argent public sont fructifiés dans les diverses filiales du groupe : la plus-value provient du maraîchage biologique, de la rénovation d’électroménager, de brocante solidaire, de nettoyage écologique de bagnoles, de reconditionnement de palettes en bois ou de valorisation de déchets électroniques, pour ne citer que quelques activités. Restent donc 87% du chiffre d'affaire qui sortent de la cuisse de Jupiter – ou plus simplement du travail des gens.
Parmi les filiales du groupe, on trouve Médiapole : les « préventions métro » en blouson orange; les personnes qui déambulent dans les transports en commun de la métropole lilloise. Officiellement, la boîte se dispute un marché de 16 millions d'euros de subventions de la MEL avec une autre boîte : Citéo. Sauf que la présidente de cette société concurrente, Caroline Le Dantec, n’est autre que la femme... de Pierre de Saintignon. Deux sociétés, deux président.es pour un marché... fusionnel.
Un mélange des genres qui, bizarrement, n’est pas légalement répréhensible. Reste quand même cette longue et troublante litanie de casquettes qui se confondent, et donc ce rôle de conseiller communautaire qui fait distribuer des millions d'euros de subventions à sa propre personne et à sa femme. Sous des discours socialisants, Saintignon place aujourd'hui sa vie professionnelle au service de sa vie politique.
Harry Cover
1. Chiffres pour 2013, tirés de capital.fr.