Les discours successifs du président de la République sur la religion et la laïcité peuvent avoir quelques échos dans nos contrées. Finie la repentance, de Tourcoing à Valenciennes où la paroisse Sainte Maria de Goretti refait l’histoire et investit la prison pour mineur-es.
En 1512 après-Clovis, le président Sarkozy est fait chanoine d’honneur de Saint-Jean de Latran. Dans ces déclarations, il annonce les couleurs de la « civilisation » : bleu blanc rouge, avec beaucoup de blanc. Histoire de refaire l’histoire, et de replacer la religion au centre de la République.
La France est une République laïque. Y pensait-il lorsqu’il affirma, à Rome, que celle-ci « a intérêt à ce qu’il existe une réflexion morale inspirée de convictions religieuses » ? À Ryad, fin janvier, devant le « très démocratique » conseil consultatif d’Arabie Saoudite, le chef d’Etat, historien et moraliste, enfonce le clou dans la croix : "Aujourd’hui, encore, je l’affirme devant vous, ce n’est pas le sentiment religieux qui est dangereux. C’est son utilisation à des fins politiques régressives au service d’une nouvelle barbarie. » Nous voilà rassuré-e-s.
Tout juste se souviendra-t-on des préceptes de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, fondée en 1542 pour lutter contre les hérésies et donc responsable de l’Inquisition. En 2002, avec à sa direction un certain Joseph Ratzinger, futur pape Benoît XVI, elle s’exprimait ainsi : « Si tous les fidèles sont tenus à s’opposer à la reconnaissance juridique des unions homosexuelles, cette responsabilité incombe en particulier aux hommes politiques catholiques. » (1) Dans le Nord, Christian Vanneste n’a pas attendu pour citer le Lévitique (un des cinq livres de l’Ancien Testament). Et ce dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, déposée en juillet 2006, qui visait à dépénaliser l’homophobie : « Il est, en effet, légitime que ceux qui se réclament de la Bible, puissent adhérer au principe [...] : "Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination." »
Instrumentaliser l’histoire
Tous ces discours « illuminent », c’est le cas de le dire, certains culs bénis de la région. La prose de la très pieuse paroisse de Sainte Maria Goretti à Onnaing, dans la métropole valenciennoise, démontre les conséquences de cette vulgate sur l’action et la pensée de certains catholiques. Dans leur feuille d’info, l’éditorialiste Philippe Dekoker se sent investi d’une mission : « À ceux qui disent que le christianisme est disqualifié pour affronter le monde moderne, on peut répondre qu’au contraire il est complètement moderne. [...] Le christianisme, sur les valeurs, a gagné la bataille des idées. Prenons le slogan de la République française : « Liberté, égalité, fraternité ». On ne se souvient plus que ce sont les penseurs modernes de la Renaissance, les philosophes des Lumières qui ont utilisé le message des Évangiles, ce message d’égalité, [...] de liberté. L’origine profonde des droits de l’homme [...] est dans les Évangiles. Les chrétiens sont donc tellement en phase avec le monde moderne qu’on a oublié justement que ces valeurs-là sont d’origine chrétienne. » (2) Voilà une chose qui ferait plaisir aux historiens. La Renaissance ne s’inspirerait plus de la redécouverte de la philosophie antique, la Révolution française ne se ferait plus contre l’Eglise catholique (entre autres) mais s’en inspirerait. Si l’Histoire donne toujours raison aux vainqueurs, ce monsieur se charge de rétablir ses vérités, bien religieusement. Pourtant, ces droits de l’homme, « sur lesquels nous sommes aujourd’hui tous d’accord, et pour lesquels nous sommes prêts à aller dans la rue : l’égalité, la liberté de conscience, la liberté d’expression », ne sont pas forcément la tasse de thé de tous les catholiques, doit-on le rappeler ? Des colonisateurs zélés du XIXème siècle aux humanitaires au goût de colon, des anti-avortements aux anti-PACS d’aujourd’hui, l’origine des « valeurs » d’égalité et de liberté semble obscure.
Il reste que la religion, aujourd’hui comme hier, n’est pas en dehors du champ politique, notamment par l’utilisation des notions de « bien » et de « mal ». Plus récemment, les discours invitant les catholiques à réinvestir le champ social trouvent écho, de l’enseignement « libre » au travail social. Prenez l’exemple de l’éducation nationale. Le 22 mars, on apprenait que des budgets inhabituels étaient votés pour favoriser l’essor de l’enseignement catholique dans les quartiers défavorisés3. Un fonds d’intervention spécifique, bientôt mis en place, subventionnerait la création d’une cinquantaine de classes dans les cités dès septembre 2008, dans le cadre du plan "Espoir banlieues" annoncé le 8 février. Si c’est pas une nouvelle « croisade »...
« Le christianisme est complètement moderne »
Tombé par hasard sur le site internet de la paroisse d’Onnaing, on y découvre un investissement du champ social pas si surprenant avec l’Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs ouvert en septembre 20074 : « La prison pour mineurs à Quiévrechain, un projet ambitieux, digne d’intérêt pour notre communauté chrétienne » (5). Oui, on parle bien de ce genre de geôle où, le 4 février dernier à Meyzieu (Rhône), un garçon de 16 ans s’est suicidé. Cela a dû secouer leurs convictions. Pourtant, cela n’empêche pas P. Dekoker d’en rajouter : « Dans un monde qui est de plus en plus matérialiste et déshumanisant, le christianisme porte en lui cette valeur fondamentale que toute personne est sacrée ». La Brique a appelé plusieurs fois sans succès l’abbé qui se fait visiteur de la prison. On aurait bien aimé savoir qui a proposé cette visite « qui nous permet de constater que tout a été minutieusement étudié et que rien n’a été laissé de côté » ? Savoir pourquoi une prison serait-elle « digne d’intérêt pour [une] communauté chrétienne » ? Ou pourquoi faudrait-il se réjouir de la présence d’un mitard, « punition interne, suffisamment austère et spartiate pour donner envie de ne pas y retourner ».
La discipline, la privation, l’isolement... on n’a finalement rien trouvé de mieux pour lutter contre la barbarie. Quand on vous disait que la religion était au service du bien !
GC
1 : Cf. Note doctrinale sur certaines questions à propos de l’engagement et du comportement des catholiques dans la vie politique , 24/11/ 2002.
2 : « La Vie De Notre Paroisse Sainte Maria Goretti », journal Février 2008
3 : Sur http://www.mediapart.fr
4 : Sur notre site, voir la rubrique Enfermement où vous trouverez notre dossier « Prison » (La Brique n°2) et « Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs contre péril jeune » (La Brique n°4)
www.labrique.net
5 :http://www.sainte-maria-goretti.com/page_ln-45376.html