Ils sont toujours plus d’une centaine à poursuivre la lutte. Éparpillés aux quatre coins de la région depuis leur évacuation de l’Église réformée de Fives, les sans-papiers grévistes de la faim continuent leur bras de fer avec la préfecture... Alors que certain-es dépassent aujourd’hui leur quarante-troisième jour de jeûne.
Valenciennes, Dunkerque, Saint-Omer, Lens, Douai, Maubeuge, Calais, Fourmies... Depuis l’intervention de la police et du GIPN pour évacuer les sans-papiers du temple de Lille-Fives [1], les grévistes de la faim se sont dispersé-es dans les hôpitaux de la région. Au regard de leur état de santé, ils demandent à être hospitalisé-es. À défaut, certain-es sont placé-es en centre d’hébergement d’urgence ou dans des hôtels « sociaux » (parfois réquisitionnés par la préfecture, les mairies ou payées par les associations locales). Entre les mains du préfet, ils attendent que celui-ci prenne enfin ses responsabilités.
La bataille des hôpitaux
Cette situation d’éclatement géographique est la conséquence du refus du CHR de Lille d’hospitaliser durablement les grévistes de la faim. Aux services d’urgence de l’hôpital Salengro ou de l’hôpital Saint-Vincent, les mêmes scènes se répètent chaque jour : si les grévistes ne sont pas admis ils sont jetés dehors. Épuisé-es, ils se retrouvent parfois même à passer la nuit sur le trottoir, par -4°c. Pour eux et leurs soutiens, il faut alors bricoler de quoi affronter ce mois de décembre glacial, en attendant de se faire réadmettre. Ce mardi 11 décembre par exemple, ils sont expulsés à 8h30 de l’hôpital Salengro avant d’être rabattus de force vers la station de métro Calmette par le service de sécurité de l’hôpital. Ils y seront cueillis en milieu de journée par la police nationale qui les amène au commissariat central. Quelques heures plus tard, on apprend que l’un d’entre eux (sans doute choisi à cause de son fort caractère) a été transféré vers le Centre de rétention de Lesquin et qu’il risque l’expulsion.
Si tous les grévistes éparpillés dans la région ne semblent pas tou-tes exposé-es aux mêmes genres de traitements, les jours passent et les témoignages édifiants se multiplient. À l’hôpital Salengro de Lille, un médecin demande à un gréviste pourquoi « il ne se suicide pas ». À Hazebrouck, un gréviste perfusé de force se retrouve le bras couvert de sang après que l’infirmier lui ait retiré sans ménagement l’intraveineuse...
Mensonge et indifférence
Le Comité des Sans-Papiers dénonce les effets pervers de cette situation de dispersion qui a pour effet « d’invisibiliser la grève de la faim en traitant les sans-papiers non pas comme des grévistes de la faim nécessitant une surveillance médicale, mais comme des SDF avec difficultés sociales […] Le message implicite : la grève de la faim n’existe pas » [2]. Au vu de la couverture médiatique, on ne peut pas réellement lui donner tort. Alors que le dernier sujet proposé par France 3 Nord-Pas-de-Calais (et remontant déjà au 6 décembre) titre sans honte : « les sans-papiers grévistes de la faim ont tenté d’envahir le service des urgences », Grand Lille TV de son côté, déclare ce mercredi 12 décembre que « Les grévistes squattent les trottoirs de l’hôpital Saint-Vincent ». On se demande si c’est la préfecture qui donne des ordres ou si ce sont les journalistes qui se comportent eux-mêmes comme de vulgaires flics.
Faut-il mourir pour avoir des papiers ?
En attendant que les journalistes fassent réellement leur boulot, les grévistes écopent et les organismes trinquent. Certain-es vomissent du sang, d’autres sont contraint-es d’arrêter la lutte pour ménager leurs reins. Pour les autres, la détermination demeure, mais les risques d’accident se font de plus en plus importants. Le préfet, dans sa grande mansuétude, promet de recevoir le CSP dans cinq jours (cinq jours !) pour étudier la liste des grévistes. En attendant, sa stratégie d’intimidation se poursuit par -4°c dehors et jusque dans les centres de rétention : dans la matinée de ce jeudi 13 décembre, deux autres grévistes étaient embarqués par la police devant le CHR Calmette. L’un d’eux, placé en centre de rétention, s’y trouve toujours (tandis qu’un autre a été libéré par le tribunal administratif ce vendredi).
Le préfet, seul responsable de cette situation dangereuse qui dure déjà depuis trop longtemps, fait payer aux grévistes le prix de sa surdité ; mais les sans-papiers ont manifesté – et manifestent encore –, les sans-papiers ont occupé – et occuperont encore. Ils poursuivront leur grève de la faim, mobilisés avec leur soutien, pour la régularisation.
NiTo ! & W.R
Suite : résumé de la semaine du 24 au 31 décembre.
Portfolio de la semaine écoulée
Photographies : C.G et W.R
Jeudi 6 décembre - 37e jour de gréve de la faim
Des grévistes de la faim tentent de se réchauffer devant les Urgences du CHRU Calmette.
Des grévistes de la faim attendent sur le trottoir de pouvoir être réadmis au CHRU Calmette (1/2).
Des grévistes de la faim attendent sur le trottoir de pouvoir être réadmis au CHRU Calmette (2/2).
Les grévistes de la faim tentent de s’abriter de la pluie (1/3).
Les grévistes de la faim tentent de s’abriter de la pluie (2/3).
Les grévistes de la faim tentent de s’abriter de la pluie (3/3).
Samedi 8 décembre (39e jour de gréve de la faim)
Manifestation régionale de soutien aux sans-papiers grévistes de la faim à Lille (1/5).
Manifestation régionale de soutien aux sans-papiers grévistes de la faim à Lille (2/5).
Manifestation régionale de soutien aux sans-papiers grévistes de la faim à Lille (3/5).
Manifestation régionale de soutien aux sans-papiers grévistes de la faim à Lille (4/5).
Manifestation régionale de soutien aux sans-papiers grévistes de la faim à Lille (5/5).
Lundi 10 décembre (41e jour de gréve de la faim)
Les soutiens se rassemblent devant le CHRU Calmette en attendant que les grévistes de la faim soient réadmis pour la nuit.
Les policiers éloignent les soutiens de l’entrée des Urgences mais aussi des grévistes restés sur le trottoir.
Les grévistes de la faim sont séparés des soutiens par un groupe de policiers.
Des soutiens recueillent un gréviste de la faim expulsé de l’hôpital (il sera finalement réadmis pour la nuit).
[1] labrique.net, « La France est un pays de flic ».
[2] Extrait du communiqué du 12/12/2012 visible sur le blog du CSP.