Le samedi 21 décembre devait se tenir une journée de soutien au journal La Brique dans les locaux du Centre Culturel Libertaire, à Lille. Nous avions programmé le groupe The Gendarme afin qu’il interprète « The Bal de The Police ». Suite à l’écoute de quelques chansons et au visionnage de vidéos sur le net, les membres du collectif du CCL ont jugé les propos du groupe « sexistes et homophobes ». Aux termes d’échanges avec The Gendarme et le CCL, La Brique a préféré annuler sa journée de soutien. On tenait à s’en expliquer.
Le CCL a exprimé sa position sur le groupe en rédigeant un tract que ses membres allaient diffuser à l’entrée. La distribution de ce tract devait servir à donner leur point de vue sur The Gendarme, sans « censurer » directement le groupe et pour prévenir les critiques que le CCL appréhendait d’avoir à subir.
Nous avons informé The Gendarme des intentions du CCL. Le groupe a préféré ne pas maintenir son concert dans ces conditions, ne comprenant pas comment il était possible de taxer son propos de sexiste et d’homophobe. En dépit de l’annulation du concert, le CCL semblait malgré tout disposé à maintenir la diffusion du tract durant la journée.
Dans un contexte qui aurait sensiblement changé l’organisation, et surtout le sens et la portée de l’événement, nous avons préféré annuler cette journée de soutien.
Pour ce qui est du contenu, le CCL reprochait à The Gendarme, qui parodie la police (leurs vidéos sont sur le web), de ne pas être « drôles » et de développer un humour « beauf » ; estimait que les femmes du groupe, par leur rôle « potiche et potache », renvoient une image dégradante faisant écho à « l’assignation sociale » que les femmes subissent dans nos sociétés patriarcales.
Certaines paroles de certaines chansons évoquent explicitement, par moment, le fait de se prendre un doigt dans le cul pendant une garde à vue, l’introduction d’un bottin entier dans un anus, les viols par sodomie dans l’armée, le symbolisme phallocratique de la matraque.
Il est sans doute illusoire de fixer ce qui serait la « bonne » interprétation de ce que propose The Gendarme, et le mieux est encore que chacun se fasse sa propre idée sur la question. On ne prétendra pas non plus à proposer une énième théorie sur le rire, ses limites, sur ce qu’il peut dire et à quelles conditions – juste à juger sur pièce.
Pour notre part, nous avions jugé qu’il était d’abord et avant tout question de parodier, crûment, en chansons ; et que les paroles du groupe n’étaient ni sexistes, ni homophobes. Ce n’est pas parce qu’un texte parle de sodomie qu’il est homophobe. Ce n’est pas parce qu’on joue des personnages féminins qui ne sont pas des féministes que cette incarnation devient sexiste ou dégradante pour les femmes. Mettre en scène le phallocratisme policier ne revient pas non plus à l’endosser.
Sur le fond, nous n’avons rien à redire à ce que le CCL conserve un droit de regard sur les enjeux politiques de ce qui peut se jouer en son sein, au contraire. On se dit malgré tout, et au-delà du cas de The Gendarme, qu’une discussion sur la réception de ce que propose un groupe parodiant la police peut se faire en dehors des formes officielles du « tract » et de la justification systématique.
Ce qui reste ennuyeux dans cette histoire, c’est qu’il semble que pour pouvoir organiser quelque chose au CCL, le fond et les formes d’expression doivent être policés de manière à ce que tout corresponde aux codes en vigueur entre ses murs. Au risque de se retrouver entre personnes politiquement et socialement uniformes. Et de rejouer en permanence une forme d’entre-soi dont beaucoup ressentent aujourd’hui les limites.
Nous présentons nos excuses à toutes les personnes qui s’étaient mobilisées pour cette journée.
On espère les revoir au plus vite, et on vous promet : ça va envoyer !
Le collectif du journal La Brique