Le 7 Mai 2016, C'est sous un soleil généreux que le rendez-vous est donné pour une opération « pique-nique fiscal ». Les RG sont bien évidement de la partie, garés dans une rue du le quartier. Sauf que, l’action se déroule en dehors de leur juridiction… en Belgique, direction Néchin.
Un cortège d’une vingtaine de voitures bientôt rejoint par des cyclistes se retrouve dans la célèbre planque des évadés fiscaux nordistes. À l’initiative des interluttant.es 59-62, une troupe composée de militant.es de Sud Solidaires, d'habitué.es de Nuit Debout, se grime aux couleurs bleu-blanc-rouge. Bien loin de l'action identitaire, il suffit de prêter l’oreille pour comprendre que l’action se veut fondamentalement potache. À la sono résonne des chansons qui tournent en dérision la thématique de la France : « Liberté mon cul » de Katerine, « Ne m’appelez plus jamais France » de Sardou ou « Champs Élysées » de Joe Dassin. À la bonne franquette, on sort nos pique-niques et on partage les victuailles. Installée dans un champ au soleil, la troupe n'a qu'un but : faire un joyeux tapage pour d’illustres riverains… la Famille Mulliez.
Auchan Élysée
À deux cents mètres de leurs jardins, drapeaux français à la main et vêtements tricolores, l’équipe scande « nos radis contre vos paradis ! », « on veut récupérer nos riches ». Et pour cause, les Mulliez, ce sont près de 500 membres et qui pèsent plus de 39,94 milliards d’euros (Auchan, Kiabi, Decathlon, Leroy Merlin, Banque Accord, Midas, Norauto, Tape À L’œil, Brice, Jules, Pimkie, Top Office, Cultura, Pizza Paï, Saint-Maclou, Flunch, Boulanger, Kiloutou…). L’impôt sur les sociétés étant extrêmement avantageux en Belgique, c’est ici que plusieurs de leurs membres ont élu résidence à 900 mètres de la frontière et à moins de 5km d’Auchan Leers, l’un des premiers magasins construit à la fin des années 60. Parmi eux, Patrick Mulliez qui ne paye que 135 € d’impôts pour 1,1 milliard d'euros de revenus en 2014.
Une silhouette est visible dans un jardin, certain.es vont à sa rencontre. Le dialogue est bref. « Ah mais les Mulliez n’habitent pas ici. Vous vous trompez. Ils habitent plus loin ». On taquine néanmoins la Néchinoise : « Êtes-vous liée à un grand groupe financier international ? » Sa réponse est d'un classique : « Ça ne vous regarde pas ». Secret des affaires, fin de l’entretien. Le ventre plein, le groupe lance l'enquête et vérifie l'ensemble des adresses où réside les membres de la dynastie d'évadés fiscaux. Une cinquantaine de personnes arbore de petits drapeaux français et s'élance dans la rue principale de la ville. Les voisins curieux finissent par prendre la chose avec humour. Les banderoles sont comiques : « Auchan de bataille », « Rendez nous nos riches » ,« Rendez nous Mulliez, on vous cède Johnny ». Aucune réaction de la famille, si ce n'est qu'un portail s'est ouvert et que le convoi s'y est hasardé quelques longues minutes en vain. Après tout, ils sont peut-être en vacances loin d'ici.
On est bientôt rejoint par la maréchaussée belge qui ne sait trop comment réagir. L'action terminée, on rejoint le parking pour récupérer les voitures. Mais un fourgon bloque la sortie. Les flics veulent le nom d’un responsable. Refus absolu du collectif. Ils appellent leur supérieur qui débarque une demi-heure après en civil. Arborant un t-shirt d’un club de karaté, l’homme se montre finalement sympathique : « Vous savez, vous prêchez un convaincu. » L’ambiance se détend. Quand les interluttant.e.s soumettent les montants d’imposition des Mulliez, l’officier lâche : « Même moi, je paye plus d’impôt qu’eux ». On aimerait parfois que leurs homologues français aient le même discernement. Retour au bercail, opération « Auchan Élysée » accomplie.
Ironie du sort, on retrouve dans la Voix du Nord, pourtant plus habituée à lustrer les pompes des huiles économiques locales qu'à leur taper dessus, les façades des demeures devant lesquelles le collectif a, trois jours plus tôt, clamer sa colère. En sous-titre, « Perquisition en cours dans des propriétés du groupe Mulliez pour des soupçons de fraude fiscale ».
Vous avez dit « soupçons »?
Crédit photos : https://www.facebook.com/InterluttantsNordpasdecalais