Sous l’égide du PS droitisé par le MoDem, la mairie lilloise accélère la mutation urbaine, « culturelle », « solidaire » et « propre ». La recette ? Prenez d’abord des événements « culturels » qui créent une marque de fabrique (Lille2004, Lille3000). Saupoudrez d’une cuillère (municipale) de « solidarité », de « mixité sociale » et d’une pincée d’écologisme qui redonnent « à chaque habitant la fierté de lui-même et de son quartier » pour une action qui « porte ses fruits » (1)... empoisonnés. Laissez agir bien tranquillement les promotteurs immobiliers. Et vous obtiendrez un beau recyclage des quartiers populaires, grâce aux Maisons Folies, au Tripostal, au Boulevard des modes (à Lille Sud), qui attireront les investisseurs et séduiront certaines catégories sociales.
Cacher l’intolérable ?
Par l’action conjointe des pouvoirs publics et de ses partenaires privés, la ville devient plus « clean ». On pose des pavés tout neufs devant les magasins Lafayette, on démolit les barres d’immeubles qui font tâche à Moulins, on chasse les sans-papiers et on embarque les vélos « pas esthétiques » dans le Vieux-Lille (voir p.6). Si rien n’est laissé au hasard, le cynisme est toujours là : l’ancien commissariat va devenir une « maison de l’emploi » (2)... Autopsie d’un territoire nettoyé, de réhabilitation en expulsion, pour mieux aseptiser les lieux de vie. Le but ? Montrer que jusqu’ici tout va bien, ou cacher ce qui ne saurait être vu. Les plus précaires ne peuvent partir en vacances ? On les envoie se ressourcer à Lille- Plage ou Lille-Ranch ! Les Roms se ré-installent à Moulins ? Expulsion... cent mètres plus loin. Mauroy mis en examen ? La presse quotidienne régionale n’exerce aucun droit d’inventaire (ci-contre). Quand on ne cache pas, on peut taire les choses. Si c’est impossible, on efface, on nettoie, on désinfecte.
Guerre des murs
La Brique questionne ces « poseurs de bombes » qui font parler les murs à coups de tags ou graffiti. Depuis trois ans, la mairie a signé un gros contrat pour la libération des murs occupés. L’entreprise Stop-Graff badigeonne les murs de produits garantis sans OGM. De quoi rendre plus acceptable, plus propre, plus « comme il faut » la ville, ses quartiers et ses rues malgré la résistance des « tagueurs ». Lors de la campagne municipale, Aubry remet une couche sur la propreté et l’entreprise du groupe Nicollin sort le kärcher : ses camions arpentent à longueur de journée les rues lilloises. Ou comment être efficace en privatisant un service municipal ? À regarder les trombes d’eau utilisées, le développement durable si cher à la municipalité n’a jamais été un aussi bel oxymore !
Qu’est-ce qu’on attend ?
Pendant ce temps, la crise financière et sociale s’aggrave. Pour faire diversion, le gouvernement tire à vue sur ses ennemi.es en s’armant d’un arsenal répressif et sécuritaire qui aurait provoqué les foudres sociales il y a plus de vingt ans. Les plus réactionnaires crient haut et fort leur bonheur : prisons et centres de rétention qui débordent, les chômeurs et chômeuses fliqués, fichage de tous les côtés (de « Base Élève » au fichier « Edwige »). Les temps sont durs, pourtant, on a l’impression que la France s’emmerde...
1 : Interview de Martine Aubry , La Voix du Nord, 6 juillet 2008
2 : Elle rassemblera ANPE, Assedics, AFPA, Etat...
Le collectif de rédaction