Fives, un quartier populaire bientôt livré aux bulldozers ?

Le démantèlement des cités populaires n’est pas réservé aux grands ensembles. La mairie démolit également des îlots d’habitations ouvrières. Pour preuve, la première parcelle de la rue Gutenberg, en face de l’ancienne usine Peugeot, à Lille-Fives.

 

Il intrigue, ce tronçon. Une petite dizaine de maisons ouvrières alignées le long de la rue. Aujourd’hui, le terrain semble être laissé à l’abandon par les pouvoirs publics. Il y a quelques années, cette cité populaire avait été inscrite dans un programme de requalification des courées. Que s’est-il passé ? Aujourd’hui, la moitié des maisons sont murées. Le reste des habitants est propriétaire, et pas question de partir. Pour Dalila, c’est décidé. « Mon père a travaillé toute sa vie pour cette maison, on a rien ! » : elle et sa mère resteront « jusqu’au bout ».

Il faut dire qu’à Fives en ce moment, on cherche à rentabiliser l’espace. Le projet ANRU [1] remodèle le quartier. Alors une maison et un jardin ça prend de la place. D’autant plus qu’elles bloquent les intentions d’élargissement de la route en face. Les habitants ne se font pas d’idées : « Tout va être rasé, ils vont tout murer », « ils vont venir six mois avant ! » La consultation des habitants ? Eux n’ont pas reçu de visite, la mairie reste silencieuse : aucune information. « Si, ils informent … pour les impôts locaux ! » nous dit ironiquement Alain, un habitant voisin.

En attendant le choix de la mairie semble fait. Les ordures s’entassent dans les jardins inoccupés. Les maisons vides et les champignons qui y pullulent contaminent les voisins ; les bâtiments manquent de s’effondrer et les maisons perdent de la valeur. Le délogement prend la forme d’une éviction. La manière n’est pas brutale, la mairie refuse simplement aux propriétaires de revendre à un particulier et elle rachète. Une famille a dû faire venir un expert pour surestimer l’offre de la mairie et vendre sa maison à un prix décent. Retour ligne automatique
Les maisons murées, quant à elles, ont été rachetées par la mairie à un propriétaire peu scrupuleux (marchand de sommeil) qui aurait quitté le territoire. On laisse les bâtiments tomber en ruine, les habitants partir d’eux-mêmes et on essaye de racheter au plus bas prix. D’ici-là les conditions de vie se détériorent …

Ces maisons témoignent d’un passé ouvrier toujours présent dans le quartier ainsi que d’un habitat populaire à préserver. Mais ça sera dur : comme le dit si bien Dalila, « ici c’est pas des monuments historiques, c’était des maisons pour les ouvriers ».Retour ligne automatique
A côté, un terrain vague jonché de verre brisé et autres fils de fer en tout genre juste à côté d’un stade. Les enfants nous affirment qu’ils n’y vont jamais… sauf pour jouer à cache-cache. En tous cas ils préféraient un terrain de VTT, une salle de sport ou un autre stade à la place.

En face, l’ancienne usine Peugeot. Installée au début du siècle comme symbole de l’extension de la marque, elle est fermée en 1997. À l’époque les conseillers de quartier dénoncent le « mépris de la direction de Peugeot S. A. à l’égard des salariés, pour la plupart habitants du quartier » [2]. Aujourd’hui, les restes de l’usine divisée en lots abritent le centre de tri de La Poste, des entrepôts PROMOD, les bureaux de La Mondiale, et... un Secrétariat Général pour l’Administration de la Police (SGAP). Un seul bâtiment laissé à l’abandon tombe en ruine, celui qui se situe juste en face de la parcelle de la rue Gutenberg. Ben voyons !

Notes

[1Programmes de renouvellement urbain financés par l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine. Voir La Brique n°3, « Démolir pour mieux régner ».

[2Nous, Vous, Lille, Fives, octobre 1997.

Rechercher

logo jemabonne

En brèves

  • Copinage (peu) éhonté ! Éric Louis « Mes trente (peu) glorieuses ».

    « Salut les copains-pines de la Brique. Encore un livre ! Et oué, entre deux journées d'usine je m'emmerde. J'espère que cet envoi gracieux me vaudra une putain de pub ! Je sais, je suis un crevard. -Éric- » C'est donc par ces mots de crevard qu'Éric Louis nous a gentiment dédicacé son nouveau livre...

    Lire la suite...

  • Another brique in the wall

    Roger Waters, chanteur, bassiste et co-fondateur du groupe Pink Floyd, performait au stade Pierre Mauroy pour un concert XXL aux airs de meeting politique, le 12 mai 2023. Entre deux classiques, le rockeur de 79 ans ne s’est pas ménagé pour balancer des pains à tour de bras, comme il l’a fait...

    Lire la suite...

  • Mortelles frontières

    Mercredi 31 Mai, un homme de 25 ans venu du Soudan a chuté d’un camion dans lequel il tentait de monter dans la zone industrielle de Marck pour passer au Royaume-Uni. Le poids-lourd lui a roulé dessus. Le chauffeur a continué sa route sans s’arrêter.Une enquête est ouverte pour déterminer s’il...

    Lire la suite...

  • Loi Kasbarian-Berge, le projet qui fout la gerbe

    Afin de protéger « les petits proprios qui ne roulent pas sur l’or » (des créatures mythologiques que le député Renaissance Guillaume Kasbarian serait le seul a avoir aperçus), la loi prévoit de dégommer...un peu tout le monde. D’après une proposition de loi, votée en octobre 2022, les locataires,...

    Lire la suite...

  • Justice oisive à Lille : plus d'un an d'attente pour les procès de manifestant.es

    Ça se bouscule aux portes des tribunaux. La faute à qui ? La police ! À Lille, de nombreux procès bidons sont prévus pour juger les personnes qui se sont fait ramasser avant, pendant et après les manifs. Tellement que certains procès ne se tiendront qu'en septembre... 2024 ! La justice est...

    Lire la suite...