Printemps des luttes

quartier valencienneLes six derniers mois ont été marqués par des samedis bien rythmés par les manifs des gilets jaunes, et le calendrier annuel des rassemblements (8 mars, 1er mai…) n’est pas contrevenu à nos surprises. D’un coté, on s’arme de plus en plus contre les violences policières. D’un autre, les luttes pour défendre le climat et fleurir l’environnement trouvent de plus en plus d’audience. Le printemps 2019 a vu des collectifs qui portent ces luttes. Nous avons voulu vous les présenter dans cette double page.

maximechloe

 

Extinction Rebellion (XR)

Le mouvement naît en Angleterre en octobre 2018, dans le contexte des manifs de jeunes pour le climat. Très vite, des collectifs similaires naissent dans plusieurs villes en Europe. Il adopte comme logo un X majuscule qui symbolise aussi bien un sablier : le temps nous est compté. Ils organisent des actions directes non-violente certaines assez spectaculaire, comme le blocage de la ville de Londres.

Reconnaissance par les gouvernements et les entreprises, de l’urgence de la crise climatique, et mise en œuvre de politiques publiques à la hauteur de cette crise : réduction des gaz à effet de serre, lutte contre la destruction des écosystèmes, anticapitalisme…

Le mouvement s’inscrit dans la tradition de la désobéissance civile et revendique son caractère non-violent :

lorsqu’on obtient l’adhésion d’un certain seuil de la population, affirme-t-il, les États cèdent.

La branche lilloise est organisée en commissions : « Extinction Rebellion n'est pas un collectif avec un noyau dur qui détermine les actions qui seront faites. Si on se met à faire ça, je préfère qu'il y ait un deuxième XR à Lille qui n'aurait pas de noyau comme ça. » explique ainsi une militante. En clair, toute personne se reconnaissant dans les idées soutenues par XR peut se réclamer du groupe. Le 11 mai dernier, une première action pour réclamer la gratuité du métro a réuni plus de cinquante personnes lors d’un sit-in au point de vente Ilévia de Lilles Flandres. Plus récemment un « Die in » au Musée d’histoire naturelle a eu lieu afin de sensibiliser à la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres.

Pour rejoindre la lutte , consultez leur page Facebook « Extinction rébellion Lille ».

 

 

Zone À Protéger du Belvédère

Friche from desire

En février dernier, deux jours avant le début de l’enquête publique qui doit déterminer la viabilité du projet Saint-Sauveur, la mairie fait installer des blocs de béton tout autour de la friche du Belvédère, près de la porte de Valenciennes, pour « sécuriser le site ». Très vite, on se rassemble sur place et les lillois.es proclament la commune automne du Belvédère.

Un « gourbi » est construit quelques jours plus tard, et devient le carrefour des luttes écolos du printemps. Un pied de nez à la mairie et son monde ! Un pied ? Non, pas un pied, un doigt ! Un gros doigt, un fuck contre le nouveau projet pharaonique y est érigé pour que Titine puisse l’admirer depuis le Beffroi. Puis viennent une paire de jambes, des bancs, une table une pyramide, une oreille, et au milieu, cette petite cabane renommée « El Gourbi ».

Les événements spontanés se multiplient : le vendredi, une chorale vient répéter, tout le monde peut participer. Le dimanche c’est un temps pour le bricolage ou le jardinage etc… Le lieu a surtout été investi par le contre festival de Lille3000, Elnorpadcapo. Même si cet événement n’est pas la seule initiative culturelle du lieu. Le nom du lieu fait ré-

férence aux logements déplorables attribués dans les années 1960 aux immigrés algériens.

C’est aussi un clin d'œil à la ZAD de Notre Dame des Landes, référence à lieu de vie qui a été reconstruit systématiquement après avoir été rasé de nombreuses fois. Cette colline aux mille noms (Belvédère, El Gourbi, la Friche, HoLilleWood, la ZAD, St-So, la ZAP…), a permis de redonner un souffle à la lutte contre le projet de bétonisation de la friche Saint-Sauveur1. Cela qui a valu aux occupant.es de se faire qualifier de « briseurs de rêves » par l’adjoint lillois Stanislas Dendieviel qui « rêvait d’une piscine pour [son] fils ! ».

Un collectif « noyau » a été plus à l'initiative du lieu, mais ne garde pas la main sur les activités qui y passent. Il suffit de venir pour s’y sentir chez soi. Il n’y a pas d’injonction à quoi que ce soit : « On ne veut pas tomber dans le travers de la Gare St-Sauveur, qui est un lieu liberticide avec des vigiles, une presque obligation de consommer, d'adopter une façon de faire pour tisser des liens. Venir au Gourbi, c’est déjà créer quelque chose de commun » témoigne une habituée.

1. « Pas d'aquaponey à Moulins » La Brique n°57

friche

Lilleradiée

collectif de soutien à la lutte contre CIGEO à Bure

Dans la Meuse, la lutte naît du projet CIGEO d’enfouissement des déchets près du village de Bure en 2015. Ce projet est tenu par l’agence nationale de gestion des déchets radioactifs ( l’Andra). Des dizaines de manifestations et actions sont tenues dans l'un des départements les moins peuplés de France. Récemment, l'occupation du terrain forestier tout proche, le bois Lejuc entre 2016 et 2018 marque une rupture dans les modes d’action. L’occupation se traduit par la construction de cabanes, de vigies, de barricades... Une manière de tenir à distance engins de fer et gendarmes assermentés à la protection de la faune artificielle locale. « Il faut s'y rendre pour constater l'ampleur de la répression. La première fois que je m'y suis rendue, je revenais de Palestine. Le lien entre les deux contextes m'a choquée : l'aspect de colonisation du territoire [par l'Andra, par les gendarmes...], l'autoritarisme, la présence militaire... » témoigne une visiteuse.

« Comme en Palestine, tout est compliqué, tout prend plus de temps » poursuit-elle, « même ici, ils sont armés. Parfois cagoulés. En pleine cambrousse».Lilleradiée naît à la suite d’une grosse opération policière en février 2018 à Bure. 500 gendarmes mobilisés, des perquisitions, et une répression forte. Bure multiplie les appels à soutiens extérieurs afin de créer des relais. Des hiboux et chouettes de plusieurs grandes villes organisent des rassemblements. Lilleradiée prend le mot d'ordre à la lettre en se donnant l'objectif d'informer les gens sur les déchets radioactifs, le projet CIGEO, l'actualité de la lutte à Bure et l’organisation de caisses de soutien. Depuis 2018, le collectif informe sur la lutte contre les déchets radioactifs. Il a organisé plusieurs événements, notamment des projections (aux 18 ponts, à l'Univers…), un festival, une action de sabotage d'un débat public sur les déchets nucléaires en mai dernier.

Le collectif est ouvert à toute personne souhaitant s'impliquer.

Joindre la lutte à Bure :

Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ;

bureburebure.info

A lire ! La brochure pour s'informer sur Bure : Sachez que je n'attends rien de votre institution (juin 2017).

Réunions : 1er et 3e lundi du mois à 18h

à la MRES, 23 rue Gosselet à Lille, à confirmer par mail

 claire adrianne mathilde

 

Collectif de photographes lillois.es

s'entraider face à la répression

« Toute histoire qui commence avec du sérum phy' finit en collectif militant  »

À force d’arpenter les pavés de Lille pendant les manifs et à force de recevoir du gaz ou pire, iels se sont croisé.es. Les mobilisations sont des moments uniques dont émanent des images fortes. Les capter pour les inscrire dans le temps est devenu un moyen privilégié pour révéler ces moments de répression et de cohésion.

« C’est un rôle en manif, un peu comme les médics, guetteurs, incendiaires, peintres… […] Il s'agit bien de montrer les choses, d'informer, et tout en permettant aux autres de se les réapproprier ». Le ou la photographe est tout autant un.e manifestant.e et un.e militant.e. Sa fonction est de révéler ce qu'il se passe par l'outil photographique comme le médic va aider les personnes en galère. Dans ce collectif, il arrive que les photos permettent à des manifestant.es d’appuyer leur défense ou leur attaque suite à des interpellations. Par exemple, après la manifestation particulièrement offensive du Quai du Wault.

Au-delà de l'aspect fonctionnel de l'activité, la photographie des luttes est un art. Capter les corps en mouvement, capter l'intensité de l'émotion, l'instant où tout bascule, mais faire ça dans les règles : les manifestant.es sont souvent méfiant.es, à juste titre, donc il faut les rassurer, être identifié comme camarade plutôt que prétendu corps externe objectif. Souvent, filmer les visages peut aussi compromettre des personnes, dont l'image enregistrée pourrait servir aux renseignements malveillants. Mais la contrainte semble alors libératrice. C’est aussi pour ce plaisir que le collectif s’est constitué. « On peut s'amuser en ne montrant pas de visage. Quand les mains sont levées par exemple, on peut simplement se concentrer dessus et cela restitue l’intensité du moment ».

Évidemment, les risques demeurent : la répression n’épargne pas les photographes, ni pendant, ni après la manif. Même si c’est autorisé, les flics n’aiment pas se faire prendre en photo. (Les flics n’aiment rien, d’ailleurs.) « Le nombre de photos qu'on a eu de menaces de LBD car on était visés lorsqu'on sortait notre appareil ! »

À force de subir des coups de pression, iels ont donc formé un collectif. « Bien rester ensemble quand les flics s'approchent, faire groupe, se protéger mutuellement... »

On remarque que plus la conscience du danger des flics est importante, plus l'envie de faire corps pour mieux se protéger augmente. C'est pour cela que le collectif a prévu de monter une association dans les prochains mois pour bénéficier d'un statut de journaliste et donc d'une protection juridique.

Découvrir leur travail : Coup d'OEil, Khayyam, Luttographie, Oculus Social, Piotrovski Photography...

Autres médias intéressants par les mêmes canaux : La Friche, Instant de Vie, Revol...

gourbi sunset

 

 

 

Un observatoire des pratiques policières à Lille

Dans un contexte de forte augmentation de la répression policière, plusieurs collectifs, associa-tions, syndicats et universitaires ont ressenti le besoin de pouvoir rendre compte localement de la situation et de la documenter : « on fait toutes et tous le constat d'une très forte répression du mouvement social depuis plusieurs années mais on voulait faire passer cela d'un ressenti à une analyse systématique des violences commises par les forces de l'ordre » nous dit un des fondateurs.

Un Observatoire des pratiques policières sera donc désormais présent dans les manifestations protestataires à Lille. Comme l'évoque le communiqué de presse annonçant la création « Il ne s'agit pas d'observer les manifestants, ni de les filmer, mais d'orienter le regard vers les pratiques policières, de documenter et d'analyser leur évolution sur un temps long. Et de pouvoir en rendre compte publiquement. »

Cet observatoire vise à élaborer des compte-rendu systématiques de la présence policière en manifestation, de son armement, de son comportement et des différentes violences subies par les manifestant.es. Il s'agira de produire un rapport annuel présentant l'état de la répression du mouvement social à Lille. Des conférences sur le sujet seront également organisé.es dès la ren-trée. Le déploiement de l'observatoire dépendra des forces engagées. D'autres chantiers sont également à ouvrir notamment le traitement et l'analyse des condamnations judiciaires. Pour ce faire, il a besoin de volontaire.s.

Des réunions sont organisées toutes les deux semaines.

Si vous êtes intéressé.es, contactez-les : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

Le Collectif La Brique

Dessins : Lorraine les Bains & Vigue

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