Fermé depuis le printemps 2024, le bar identitaire et suprémaciste blanc La Citadelle ne peut plus accueillir les réunions informelles qui s’y tenaient dans l’ombre, entre des militants d’extrême droite et des membres de la droite prétendument fréquentable.
Ce qui les rassemble : leur haine d’une société multi-culturelle et inclusive, leur détestation des valeurs de solidarité, d’ouverture et de tolérance, leur dégoût des mobilisations populaires autour des questions sociales et écologiques, leur mépris des pauvres, des exclu·es et des personnes qui sortent de la norme. Surtout, ils partagent le même objectif d’une société sans contre-pouvoir, à la botte des flics et des patrons, et d’une population soumise par la peur, les mensonges et l’arbitraire. Avec les perspectives électorales des européennes, c’était le moment de se retrouver entre privilégiés pour savourer un contexte plus que favorable à leurs idées nauséabondes.
Ta meilleure amie, la pyrotechnie !
Le 3 mai 2024, dans un lieu initialement tenu secret – dont on apprendra plus tard qu’il s’agit du bar Le Colbert – une « soirée des droites » est organisée par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Derrière cette soirée, on retrouve notamment des identitaires (dont le patron de La Citadelle, Aurélien Verhassel) et des militants de Génération Z1, des syndicats étudiant de droite comme La Cocarde et l’UNI-Lille, dont le chef de file, Mathéo Tessa2, est présent ce soir-là. Vers 22h, le bar est attaqué à l’aide de feux d’artifice par des personnes non-identifiées mais aux motivations clairement antifascistes. Au milieu des étincelles qui pétaradent et de la fumée, les droitard·es sont obligé·es de s’abriter à l’intérieur du bar ou de se planquer derrière des bagnoles garées dans la rue.
Les divers groupes d’extrême droite, tant au niveau local que national, n’ont pas perdu de temps pour dénoncer ces « attaques de l’extrême gauche ». Ainsi Mathéo Tessa, qui s’est vu dérouler le tapis rouge sur CNews le lendemain, n’hésite pas à faire passer l’extrême droite pour une victime. C’est ce point de vue qui sera repris par la suite dans le JDD, Valeurs Actuelles et les médias qui collaborent avec les fascistes, passant sous silence les actions violentes dont l’extrême droite fait preuve depuis des années à Lille3.
La police : service d’ordre du fascisme local
Sur Twitter (X) aussi les fascistes se lamentent, publiant la vidéo de leur déconfiture et usant de la calomnie la plus lâche : Aurélien Verhassel publie illégalement la photo d’une personne décrite comme un antifa lillois qui aurait été identifié (c’est faux) pendant l’attaque et qui serait « chef de la Jeune Garde de Lille » (c’est faux), une organisation antifasciste qui assume le rapport de force (c’est vrai). Suite à cette dénonciation sans preuve, les keufs l’interpellent chez lui pour « violences aggravées en réunion » le lendemain vers 15h, soit 1 heure et demi après un énième tweet de Verhassel (13h28) qui affirmait, cette fois, que ce camarade allait être mis en garde à vue. Une synchronisation ratée qui met en avant des liens plus qu’inquiétants entre la fascisme local et des fonctionnaires de police.
Le même jour, des policiers embarquent pour « outrage et rébellion » d’autres personnes qui passaient dans la rue où ils s’étaient massivement déployés, et leur font subir un parcours judiciaire pénible et injuste. Même logique d’intimidation avec la perquisition au domicile du camarade : des keufs au milieu de son salon, on imagine l’ambiance ! Pendant son audition, la police ne croit pas à son innocence, malgré sa présence au vernissage d’une expo photo au local de l’Offensive à l’autre bout de la ville et le fait que son téléphone portable ait borné à une bonne distance du bar Le Colbert. Pour l'innocenter, il faudra attendre une vidéo prise par les caméras de la ville et où on le reconnaît en terrasse d’un bar dans un autre quartier.
Les sales manières de l’extrême droite
Au total, ce sont 4 faux témoignages qui ont entraîné l’arrestation du camarade. Cela aurait pu fonctionner, et c’est inquiétant. Pourtant, à ce jour (07/2024, NDLR), il attend toujours de recevoir officiellement le classement sans suite de son affaire. Il semblerait, en effet, qu’une enquête reste ouverte à son encontre, ce qui empêche son avocat d’avoir accès au dossier, ainsi qu’aux noms de ces délateurs. Une plainte pour « dénonciation calomnieuse et diffamation » a d’ores et déjà été déposée contre X (pas le réseau social), ainsi qu’une plainte plus nominative à l’égard du caïd Verhassel pour ses publications sur X (le réseau social).
C’est ce que le militant anti-fasciste injustement arrêté explique le jeudi 20 juin 2024, lors d’une conférence de presse au local de l’Offensive, une organisation politique qui défend le projet du « municipalisme libertaire ». Il explique aussi qu’il avait déjà été calomnié 2 jours avant la perquisition du 4 mai et convoqué au commissariat car accusé d’agression par un militant d’extrême droite. Pures affabulations, car il se trouvait sur son lieu de travail au moment des faits, ce qu’il a pu prouver. Dans ce contexte de menaces fascistes, d’accusations mensongères et de répression policière, le député sortant LFI Ugo Bernalicis, est venu lui apporter son soutien : « L’extrême droite lilloise [...] se sent pousser des ailes » et il semblerait qu’elle trouve une « courroie de transmission [...] au sein de la police. »
Obligé de rendre publique cette affaire pour se protéger, Antoine (puisque c’est son prénom) dénonce d’autres faits encore plus graves. En effet, début juin 2024, des « AVIS DE RECHERCHE » ont été placardés dans le centre de Lille avec sa photo, son identité et son lieu de travail supposé. Une manière d’encourager de possibles représailles et d’entretenir un climat d’intimidation sur celleux qui s’opposent aux idées d'extrême droite. Une troisième plainte a été déposée pour les affiches.
Les nazis, ça existe encore
D’ailleurs, on peut noter que la police fait preuve d’un zèle beaucoup plus mesuré lorsqu’il s’agit de retrouver les responsables des dégradations répétées sur le local de l’Offensive et dont la teneur néo-nazi ne fait aucun doute : croix celtiques et détournement de symboles runiques, slogans fascistes… Dernier épisode en date, un pavé jeté sur la vitrine du local en début de soirée le 1er juillet, revendiqué par une courte vidéo sur internet où le visage du lanceur de pavé est anonymisé avec le logo nazi de la 3ème division SS « Tottenkopf ».
Sur leur chaîne Telegram, les « Lions des Flandres » (anciennement « Organisation Zéro ») partagent entre autre leur photo en compagnie de Vincent Reynouard, négationniste notoire de la Shoah et des crimes nazis. On y trouve aussi des conseils pour fabriquer soi-même des silencieux pour armes à feu ou divers engins explosifs4.
Derrière les sourires trompeurs de Le Pen et les courbettes obséquieuses de Bardella, l’extrême droite n’a pas changé. Elle menace toujours de s’en prendre physiquement à ses opposant·es politiques, à des avocat·es et à des journalistes, aux immigré·es, ainsi qu’à toutes les minorités réelles ou fantasmées. L’extrême droite rêve d’imposer au pays son projet raciste et totalitaire. Quelle sera la prochaine étape des violences fascistes ?
Pastek
1. mouvement de jeunes en soutien à Zemmour.
2. Rien que sur son Linkedin, on apprend quantité de chose sur lui, son recrutement par le très droitier think tank CRSI (Centre de Recherche sur la Sécurité Intérieure) et son tout nouveau job de « Directeur de la communication et des relations presse pour les élections législatives ». On ne nous dit pas pour quel parti.
3. Voir « noyés de la Deûle », « agressions homophobes contre des bars gays », « projet d’attentat à la voiture-bélier sur le marché de wazemmes », « vente d’armes à des terroristes », « chaîne sur les réseaux sociaux pour organiser des ratonnades »...
4. VDN, 02/07/2024 : « Lions des Flandres » : négationnistes et homophobes, des néonazis lillois s’attaquent aux locaux des « antifas ».