Games of Nord
Alors que les municipales n'auront lieu qu'en 2020 (ou 2021, en fonction des choix stratégiques de Macron), la bataille du Nord a déjà commencé ! Il y a quelques mois, Martine Aubry dégainait dans nos boîtes aux lettres un beau bilan de mi-mandat sur papier glacé, tout en multipliant les réunions publiques dans les quartiers pour vanter son bilan… et La Voix du Nord lui emboîte désormais le pas. Le 2 décembre, le journal du groupe Rossel a ainsi commandé un sondage sur « l'action municipale et la personnalité » de la maire de Lille.
On est heureux.ses d'apprendre que les lillois.es interrogé.es sont 75 % à trouver l'action de la municipalité « bonne à excellente », 75 % toujours, à trouver Aubry « compétente », 68 % « dynamique et 64 % « efficace ». Pour 2020, les Lillois.es sont à 47 % à souhaiter la victoire d'une liste de Martine Aubry, contre 46 % opposés… dont sans doute Patrick Kanner, ancien adjoint PS de Aubry et ancien président du Département du Nord. Après avoir ravi la fédération PS du Nord à Pargneaux et Aubry par l'intermédiaire de Martine Filleul, il se verrait bien devenir calife à la place du calife. Autre prétendant, le ministre des coupes budgétaires Gérald Darmanin, ancien sarkozyste devenu macroniste – l'opportunisme paraît toujours aussi rentable dans le nouveau monde politique – le nouveau marcheur se verrait bien foutre la paix aux Tourquennois pour investir la capitale des Flandres et « dire stop au déclin de Lille » en stoppant les subventions aux associations locales ? La guerre du beffroi aura bien lieu.
Colza toujours, tu m'intéresses
La députée En Marche ! de la neuvième circonscription, Valérie Petit, s’inspire du fameux bus au colza de François Bayrou. Celle-ci vient d’inventer le « Civic Bus parlementaire ». Elle est la seule « à avoir une permanence mobile » précise-t-elle fièrement à La Voix du Nord. Valérie Petit est une pionnière en son genre, une manière d’afficher sa mobile- binette, de se constituer une notoriété politique et de faire de la « pédagogie des réformes (…), pour toutes les réformes » assène-t-elle. Même la loi travail ? Passée en scred durant l’été ? Faut-il lui rappeler comment Bayrou et son bus au Colza ont fini ?
Liso n'en rate pas une
Toute nouvelle députée En marche! de la 4e circonscription du Nord, Brigitte Liso n’a pas manqué de se mettre en valeur. Cette ancienne chargée de relations publiques et commerciales, visiteuse médicale, et anciennement dirigeante d’une boutique de pâtisseries, a pu montrer pourquoi elle avait choisi son camp : par pur opportunisme.
Ainsi, dans l’émission de radio de France Culture, Les pieds sur Terre, était-elle interrogée en septembre dernier sur son entrée au parlement, ainsi que sur la loi travail. Mais qu’avait-elle à dire là-dessus ? « On a beaucoup parlé de l’inversion des… Attendez… l’inversion… Pour quelqu’un comme moi qui est assez directe… quelques-fois je suis un peu perdue… Ecoutez… là je trouve pas ! » Quel talent. Mais cela ne s’arrête pas là. Quand la journaliste lui demande ce qui ira dans le sens des salarié.es dans le projet de loi… elle répond sans plus attendre : « Je ne vais pas répondre à cette question, parce que je ne m’y connais pas suffisamment ». Le nouveau monde ressemble tout de même grandement à l’ancien…
Macron en marge
Mi-novembre, la métropole est devenue l'attraction des journalistes et des politiques. Macron a ainsi effectué sa balade auprès des prolos de Roubaix et Tourcoing. Il voulait gommer son image de président des riches au profit de celle d'un homme proche du peuple. Quoi de mieux que la région où les inégalités sociales sont les plus fortes pour faire sa com ! Il a ainsi pu poursuivre la stigmatisation des quartiers populaires, les réaffirmant comme lieux où s'est « installée la radicalisation ». De même, il a continué à justifier son choix de supprimer les contrats aidés, des emplois que « personne ne voudrait occuper ». Sans complexe, il en a profité pour manger à « L'alimentation », restaurant de la compagnie de l'Oiseau-Mouche, association où bossent des personnes handicapées, encadrées par des éduc' mis.es sous pression par les coupes budgétaires et la fin des contrats aidés... il faut savoir serrer les dents pour accueillir son bourreau à table.
Linkenheld et Vilogia, le lien ténu
Alors qu'Audrey Linkenheld a perdu son mandat de députée en juin dernier, elle a su mettre à profit son réseau pour recycler ses compétences. Adjointe à la mairie de Lille en charge de la politique du logement de 2008 à 2012, et aujourd'hui conseillère déléguée à la mixité et à l'innovation sociale, elle est devenue le 17 octobre dernier directrice du développement extérieur de l'entreprise Vilogia. Ce bailleur social est l'un des plus importants de la métropole, gérant 70 000 logements et vivant principalement de fonds publics. On comprend mieux la véhémence de Bébé Aubry à l'égard des pauvres. En novembre 2016, encore députée, elle proposait un amendement à la loi égalité et citoyenneté pour rendre expulsable des logements sociaux toute personne (ainsi que sa famille) qui serait condamnée pour des cas de vente ou de consommation de drogue. On sait récompenser les ami.es chez Vilogia.
Immunité xénophobe
« La répartition des #migrants a pour conséquence l'explosion des agressions sexuelles, en Allemagne, en Suède, en Autriche, etc... #PlanPE ». Ce tweet xénophobe du 23 novembre 2016 est l’œuvre de Steeve Briois, maire FN d'Hénin-Beaumont et député européen. Pour cette tirade, il a été relaxé le 11 octobre dernier par le tribunal correctionnel de Paris, alors qu'il était accusé de provocation à la haine raciale.
Pourquoi ? Parce que le tweet est issu d'un discours tenu en séance parlementaire. À ce titre, il bénéficie de l'immunité parlementaire. La justice est bien faite.
Ça marche pour Marchand !
À la suite de l'élection de Gilles Pargneaux au Parlement européen en 2012, Frédéric Marchand hérite de la mairie d'Hellemmes. Cet été, Marchand a devancé les pas de « papa » en rejoignant En marche ! Il en a profité pour se faire investir sur les listes sénatoriales de la République en marche dans le Nord. Ancien du PS (ils sont presque plus nombreux que le nombre d'élus PS encore en poste…), il est devenu sénateur le 24 septembre dernier. Cumul des mandats oblige, comme Pargneaux avant lui, il a laissé tomber sa mairie, pour installer dans un fauteuil son premier adjoint, Franck Gherbi, élu à la majorité par les socialistes… moins deux voix.
L'histoire se répète et se répétera.
Bertrand bientôt en marche ?
L’élection de Laurent Wauquiez à la tête du parti Les Républicains a provoqué la démission du président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand et de certains de ses affidés, à l’instar du maire de Roubaix Guillaume Delbar. Critiquant la ligne identitaire de Wauquiez ainsi que ses propos sur les « assisté.es », Bertrand, qui avait fait sa campagne de 2015 aux régionales sur la « valeur du travail » se serait-il rendu compte du chômage de masse et des inégalités sociales dans la région ? Pas seulement. Voyant Macron prendre un boulevard sur la droite, Bertrand et Delbar préparent sans doute les prochaines échéances électorales, à la tête de grandes coalitions réunissant les socialistes et républicains partis chez Macron, sorte de fourre-tout des opportunistes.
Bernard Roman, un train d’avance
C’est un peu du réchauffé (vous nous excuserez), mais l’information nous avait échappé. Bernard Roman, ancien député PS de la première circonscription, avait lâché son siège de député le 21 juillet 2016. Non pour passer la main, mais parce qu’il avait été recasé par son copain François Hollande à la tête de l’autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAFER). En tant que soutien de la première heure, le président de l’époque lui devait bien ça. Le 2 août 2016, Roman a pu entrer dans son nouveau poste, rémunéré à hauteur de 12 400 euros mensuels et inamovible pendant six ans. Alors que sa dernière heure approchait au parlement, il a bien senti le coup. Le pantouflage, un roman sans fin.
Les stratégiques tribulations de Pargneaux
L’ancien patron de la fédération PS du Nord, aujourd’hui patron des socialistes à la MEL et député européen PS, en connaît un rayon en termes d’allégeances politiques. Comme nous vous le racontions dans notre numéro d’hiver 2016, Pargneaux l’apparatchick, Gilles Pargneaux voit vite le vent tourner. Alors qu’il était l’homme à tout faire d’Aubry, celui-ci prépare son ralliement à Macron depuis sa victoire aux présidentielles, espérant sauver son siège de député européen – c'est toujours embêtant de cracher sur 8 000 euros par mois.
Acte 1 : Bigoudi (comme on l’appelle au PS) déclare le 21 novembre dernier que Martine Aubry ne doit pas la jouer « mauvais joueur » après la défaite dans l’obtention de l’Agence Européenne du médicament. Comprendre, ne pas taper sur son ami Macron, alors que la mairie de Lille multipliait les attaques à son encontre par rapport à son maigre soutien à la candidature lilloise. Pour bien marquer sa « différence », Pargneaux avait d’ailleurs bien pensé à mettre en avant sa binette lors de la visite du président jupitérien à Roubaix le 14 novembre.
Acte 2 : le 22 novembre, en réaction, les élu.es socialistes métropolitains rédigent un courrier, demandant à Pargneaux – leur président de groupe – de démissionner de son poste. Il refuse, criant au « procès stalinien ».
Acte 3 : le 4 décembre, il démissionne et quitte le groupe socialiste de la MEL, promettant de balancer « quelques grenades politiques ». Sur lui-même ?
Acte final : le 8 décembre, Pargneaux crée le groupe « Refondation européenne » au sein du parlement européen, regroupant 70 député.es européen.nes se réclamant du macronisme. Alors que les européennes de 2019 arrivent à grands pas, on vous laisse aux interprétations les plus malintentionnées.
Darmanin sécuritaire
Darmanin, le marcheur qui s'apprête à partir à la conquête de la mairie de Lille pour les prochaines municipales, reste un sarkozyste dans l'âme. Le vice-président à la sécurité et au contrôle d'accès dans les transports publics – on pourrait ajouter : au contrôle social des pauvres- fait la chasse aux fraudeurs dans le métro lillois, tout en poussant à la mise en place de ces fameux portiques qu'on a vu apparaître dans le métro lillois, notamment à Lille Europe, mais aussi dans toutes les stations d'ici à 2020 (pour la bagatelle de 60 millions d'euros). Mais cela ne s'arrête pas là. Il souhaite mettre en place une police intercommunale dans le métro, en commençant par la ligne 2. Avec la matraque ? La bombe lacrymo ? Autre ? Aaaah la sécurité… une marque de fabrique chez les sarkozystes.
Cumul des mandarmanin
Alors que la loi sur le non-cumul des mandats est appliquée depuis la dernière élection législative, les pratiques visant à conserver les mandats locaux persistent. Darmanin, ministre des comptes publics, continue ainsi à siéger en tant que deuxième vice-président (VP) à la MEL, quatrième VP à la Région Hauts-de-France… et toujours premier adjoint à la mairie de Tourcoing. Le plus pauvre des ministres ne veut pas l'avoir dans l'os.
Aubry3000
Dans un article publié le 20 octobre par Médiacités, on apprend sans pertes ni fracas que Lille3000 serait au service de Martine Aubry. Ce qui a déclenché l’enquête du média en ligne, c’est la découverte d’un kit de campagne pour Aubry sur le site de Lille3000 : slogans, affiches… Le site d’informations en dit plus sur Lille 3000, et les liens étroits qu’entretient l’association et Aubry.
La Brique avait déjà enquêté sur Lille3000, dans son numéro 38 : « La culture en rade », pointant déjà le mélange des genres entre le pouvoir politique, l’association et le patronat local. Des liens qui n’en finissent plus, pour preuve, la vaine tentative d’obtenir l’agence européenne du médicament (à lire dans ce même numéro p.18-19).²
Les petites emplettes des députés du Nord
Fin novembre, France Info a publié une enquête portant sur l'utilisation par les parlementaires français de l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). Utilisée pour les frais professionnels, comme les transports, elle peut servir également à louer une permanence parlementaire, visant à accueillir le public en circonscription. Il reste que certains députés ont fait un usage détourné de l'indemnité, achetant leur permanence parlementaire tout en en conservant la jouissance.
Thierry Lazaro, ancien député Les Républicains de la 6e circonscription, a ainsi acheté la permanence de sa circonscription à l'aide de l'IRFM pour un montant de 53 000 euros en 2004. En 2016, il la revend pour 140 000 euros. Belle commission.
Jean-Pierre Decool, ancien député de la 14e circonscription et aujourd'hui sénateur pour Les Républicains, ne s'y prend pas autrement. Il était propriétaire de trois permanences parlementaires, dont la dernière, transformée en salon de toilettage canin… pour sa fille. Enfin, Bernard Roman, le nouveau baron du fret français, et ancien député de la 1re circonscription du Nord, a revendu en 2008 pour 175 000 euros la permanence qu'il avait achetée à l'aide de l'IRFM.
Osson ose tout (c'est même à ça qu'on la reconnaît)
Catherine Osson, députée En Marche ! de la 8e circonscription du Nord depuis cette année, sait rendre service. Alors qu'elle a pris la place de son ex-mari à l'Assemblée nationale, le maire de Wattrelos Dominique Baert, celle-ci n'a pas hésité à l'embaucher comme assistant parlementaire pour le mois de décembre.
Un CDD de 2000 euros, qu'elle justifie à La Voix du Nord par la compétence de son ex-mari sur la question des finances : « Je ne suis pas une spécialiste. Lui est compétent dans ce domaine, et il m’a en quelque sorte mis le pied à l’étrier. Il est venu plusieurs fois à l’Assemblée, il m’a aidé à préparer mes interventions, à rédiger des amendements, il a répondu à beaucoup de sollicitations ».
Bouchart, Lecerf, l’hiver et les migrant.es
Le froid est là, et bien là, et il a un effet radical sur les pouvoirs publics, gelés sur place en ce qui concerne la question de l’hébergement et de la prise en charge des migrant.es sans abri sur le territoire régional. La situation est au point mort, que ce soit du côté de l’État, du département, ou de la ville de Calais où continuent, depuis la destruction de la jungle en octobre 2016, de se retrouver les exilé.es en errance.
Les élu.es ne se privent pas, en revanche, de se réchauffer aux sirènes médiatiques. Natacha Bouchart, maire « Les Républicains » de Calais, a récemment fait son beurre d’une agression sexuelle commise par un migrant érythréen sur une Calaisienne. Preuve supplémentaire selon elle de la nécessité de débarrasser sa ville des indésirables. Dans une lettre adressée au gouvernement, elle déclare : « De manière dramatique, l’agression dont cette Calaisienne a été victime confirme le bien-fondé des craintes que je formule depuis des mois. Elle démontre les dérives que la présence incontrôlée de migrants fait peser sur Calais. ». Encore une incursion sur le terrain du Front National, mais l’élue n’en est plus à un dérapage près.
Elle peut compter sur le soutien actif de Jean-René Lecerf, qui adore trouver mille raisons fantaisistes – et budgétaires – pour continuer à ne pas prendre en charge les mineur.es isolé.es étranger.es relevant pourtant de l’Aide sociale à l’enfance, mission départementale. (Dont vous pouvez suivre les tristes péripéties dans ce numéro p. 3). Une stratégie pour forcer à l’intervention de l’État ou plus sûrement pour se débarrasser des sujets qui fâchent…
Le week-end du 9 décembre, sous les bourrasques de neige, le plan grand froid n’avait toujours pas été déclenché par le préfet du Pas-de-Calais. Dix containers, reliquats du camp Jules Ferry géré par l’association La Vie Active de 2015 à 2016, avaient pourtant été installés à cet effet route de Saint-Omer. Ils ont enfin été ouverts le 11 décembre... pour deux nuits. Encore plus minable, une semaine plus tôt, les maigres possessions des migrant.es (tentes, duvets, bâches) étaient détruites manu militari par la police calaisienne. Les associations intervenant aux côtés des exilé.es dans la région appellent depuis à pourrir les boîtes mail de la préfecture jusqu’à ce que le plan grand froid soit pérennisé durant tout l’hiver... et vont désormais distribuer aux migrants des affaires marquées de leurs logos pour s’opposer plus facilement à leur destruction. Avec Bouchart et Lecerf, pas de Noël pour les migrant.es. Pourtant, ça aurait fait une belle crèche.